Une annonce qui n'a pas manqué d'en faire sourire plus d'un, à un moment où l'absence du président Abdelaziz Bouteflika intrigue davantage. Muet, le chef de l'Etat l'est resté à la suite du crash du vol AH5017, affrété par Air Algérie, qui a tué 6 passagers algériens à la fin juillet, et après l'enlèvement et la décapitation de l'otage français Hervé Gourdel, le 24 septembre.
C'est d'ailleurs le Premier ministre Abdelmalek Sellal qui s'est entretenu avec le président François Hollande, lorsqu'on apprenait le rapt [le 21 septembre] du guide de haute montagne français à Tikjda. Rebelote, deux jours après le carnage à Laghouat, l'accident de la route le plus meurtrier de l'année survenu le 30 septembre sur un tronçon de la RN 23, c'est le Premier ministre qui présente ses condoléances aux familles des victimes à la place du président de la République.
Opération médiatique
Ce silence assourdissant de l'homme qui a été réélu en avril pour un quatrième mandat d'affilée pousse de plus en plus ses opposants, à l'image de l'ancien chef de gouvernement Ali Benflis et du président du parti Jil Jadid [Nouvelle génération], Soufiane Djilali, à proclamer la "vacance du pouvoir".
En organisant une pareille exposition au palais de la Culture à Alger, puis à travers certaines grandes villes du pays, le ministère de la Communication, et derrière lui le palais El-Mouradia [siège de la présidence], cherche-t-il à faire oublier l'absence prolongée d'Abdelaziz Bouteflika ? La présidence veut-elle faire ainsi taire les rumeurs selon lesquelles le chef de l'Etat a de nouveau été hospitalisé, transféré cette fois dans une clinique de Genève ?
C'est ce que semblent croire les experts en communication algériens, que nous avons interrogés. Le but de cette exposition photos est de "ne pas laisser l'opinion publique oublier son président en lui rappelant ses bonnes œuvres durant ses mandats présidentiels avec un rappel des étapes de sa carrière", considère ainsi Belkacem Ahcène-Djaballah, professeur associé à l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information.
Cette opération médiatique sert aussi à "préparer l'opinion publique à l'absence du chef de l'Etat durant les festivités du 1er novembre", soutient ainsi Belkacem Mostefaoui, sociologue des médias et professeur à l'Ecole de journalisme d'Alger. Ce ne serait pas une première. Depuis son deuxième accident vasculaire cérébral, en avril 2013, Abdelaziz Bouteflika a manqué à l'appel des célébrations nationales, de la fête du 5 juillet en 2013 et en 2014 aux prières de l'Aïd.
Des communicants à côté de la plaque
Moins que l'absence mystérieuse du chef de l'Etat, c'est le mode de communication employé par son entourage qui est profondément raillé par les experts en communication, une partie de la presse nationale et des internautes. "Les modes de communication, grâce d'ailleurs aux nouvelles technologies, ont grandement évolué, mais les gestionnaires, ceux qui appliquent, vivent encore dans les années 1970 et 1980...", tacle ainsi Belkacem Ahcène-Djaballah. Pour Belkacem Mostefaoui, le "rituel ubuesque" du 1er novembre est un "exemple caricatural de propagande".
Mais selon cet analyste des médias et de la communication en Algérie, cette exposition photos, aux relents "staliniens", est "contre-productive". "Ceux qui tirent les ficelles de la communication institutionnelle en Algérie sont dans une logique d'arrogance de renforcement du discours propagandiste sur la personne du président. Mais, un déficit de présidence ne saurait être camouflé par l'abus de propagande", affirme-t-il.
Belkacem Mostefaoui va plus loin encore : "Le message que renvoie cette exposition photos à la gloire de Bouteflika n'est pas en phase avec les attentes des Algériens. Comment peut-on encore concevoir de telles campagnes de communication dans l'Algérie de 2014, qui fait face à de sérieux problèmes sociaux, économiques et sécuritaires ? Les communicants qui entourent le président sont à côté de la plaque."
Algérie-Focus Djamila Ould Khettab 6 octobre 2014