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  • Les luttes LGBTIQ, mal aimées des processus révolutionnaires arabes (NPA)

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    La dimension inédite atteinte par les combats des LGBTIQ dans les pays arabes est largement liée au déclenchement des processus révolutionnaires.

    Les lignes qui suivent, extraites d’un article beaucoup plus long et détaillé, tentent de décrypter l’inscription de ces luttes dans ces processus, leurs dynamiques, leur mode d’expression et d’action.

    Avant 2010, date formelle du début des processus, existaient déjà des initiatives dans la région, notamment au Liban, au Soudan, en Algérie, dans les Territoires occupés, le sultanat d’Oman, en Syrie, au Maroc ou en Tunisie, qu’il s’agisse de blogs, d’associations ou de noyaux plus ou moins clandestins. Au plan régional, Bekhsoos (« A propos »), est une revue arabe féministe et queer, un site et une page Facebook. 

    Ces initiatives étaient contemporaines de la montée d’une série de luttes qui ont débouché sur des mouvements de rue dans l’écrasante majorité des pays arabes, ou de minorités arabes (Iran).

    Les processus révolutionnaires vont voir les LGBTIQ participer aux mouvements, manifestations et initiatives de rue dans une série de pays ; à ce stade, ils et elles se joignent à titre individuel aux soulèvements et mêlent leurs voix à celles de millions de manifestant-e-s qui veulent en découdre avec les pouvoirs en place. Leurs slogans sont ceux de l’ensemble du peuple insurgé, leurs drapeaux ceux du pays en révolution, leurs espoirs ceux de voir s’effondrer des régimes despotiques et antisociaux.

    Lors de cette phase initiale des soulèvements, ils et elles ne développent pas de revendications particulières. C’est une nouvelle génération qui n’a pas connu, ni participé aux initiatives des militants LGBT de la décennie 2000, ne serait-ce qu’en raison de son extrême jeunesse. Le caractère de masse des révolutions les inclut naturellement, alors que les associations qui avaient vu le jour dans les années précédentes avaient une dynamique concernant plus des militant-e-s confiné-e-s dans des capitales ou des villes importantes.

    Une multiplicité d’expressions

    De là va naître un triple mouvement : 

    • Une série limitée de coming out individuels qui sont de fait des actes militants, que ce soit au niveau de la famille, du lycée, du quartier ou de façon médiatisée, à la télévision, la radio, les réseaux sociaux ou des autobiographies publiées dans la région.

    • Un mouvement d’expression individuel ou collectif à travers à travers des sites, blogs, pages Facebook ou hashtags (en Algérie, Arabie Saoudite, Egypte, Bahrein, Irak, Yémen, Khouzestan d’Iran, Liban, Libye, Emirats arabes unis, Soudan, Syrie, Tunisie), une revue papier clandestine (au Maroc), des revues électroniques (Tunisie, Syrie, Algérie, Soudan, Egypte) et même une radio (radio Alouen, en Algérie).

    • Et enfin, un nouvement d’action collective, qui va se dissocier partiellement de la dynamique des révolutions. Celles-ci, qui sont nées et se sont développées dans les zones les plus éloignées des centres urbains et des capitales, rassemblent chaque jour des milliers de manifestant-e-s sur des bases largement spontanées et se heurtent à mains nues à la répression des contre-révolutionnaires. Les militant-e-s LGBTIQ, s’ils et elles sont né-e-s de ce mouvement et en utilisent la symbolique (le drapeau national), ne vont pas suivre la dynamique de ces révolutions. Ils et elles vont lutter et combattre dans les villes les plus importantes, sans occuper la rue spontanément pour des raisons faciles à comprendre. Ils et elles se regroupent et s’organisent sur leurs propres bases, créent des organisations ou des associations susceptibles de porter leurs revendications.

    Le mouvement LGBTIQ est en rupture avec la spontanéité et le caractère de masse du mouvement révolutionnaire arabe, dont il est largement issu.

    Mu-e-s par la certitude que ce mouvement ne portera pas leurs revendications, que les sociétés civiles émergentes sont parfois décevantes, ils et elles comptent sur leurs propres forces pour se battre. Les LGBTIQ vont créer leurs propres structures qui organisent l’expression, l’élaboration, la défense des droits et des revendications et développent des modes d’actions extrêmement divers, sur la forme et sur le fond.

    Ne pouvant mener des actions publiques, ces organisations, non reconnues pour l’écrasante majorité d’entre elles, développent néanmoins des activités.

    Des événements comme des défilés de mode sont parfois utilisés pour arborer le drapeau arc-en-ciel, certaines associations tentent d’organiser des initiatives en ligne comme en Arabie Saoudite (janvier 2012). En Algérie, des bougies sont allumées tous les 10 octobre, dit « Ten Ten », pour mettre en lumière les LGBTIQ. L’association Bedayaa, qui travaille quasiment dans la clandestinité, vise à venir en aide, écouter et protéger les LGBT en Egypte et au Soudan. L’association Aswat, au Maroc, lance une campagne en 2013 « L’amour pour tous », puis en 2015 la campagne « L’amour n’est pas un crime », surTwitter, pour la dépénalisation de l’homosexualité et l’abrogation des articles 489 et 490 du code pénal. La campagne se fait avec la participation de militants de la société civile, notamment de l’Association marocaine des droits humains.

    Le 10 décembre 2016, anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme,  Mawjoudin, qui lutte en Tunisie pour l’égalité et les droits des  LGBTQI, lance sur le net la campagne « Hetta houni fomma mithliyyin » (Même ici il y a des homosexuels) avec le hashtag de la ville et le nom de l’association. La campagne a un écho dans toute la Tunisie et cette association participe au débat sur les LGBT à l’occasion de la « Nuit des idées », en 2017 à Tunis.

    Les LGBTIQ s’expriment sur les murs par des campagnes de graffitis, tags ou peintures murales ; au Liban, « Support Gay Rights », « Stop Homophobia », « No homophobia, racism, sexism, classism. Stand up for our rights », « Gay is OK »,  « shou fiyya ? » (Et alors ?) écrit à côté d’un dessin représentant deux hommes s’embrassant, « Arab Lesbian Liberation Front », « Queers kanou houna. Thawra » (Des queers sont passés par là, Révolution)...

    De même au Caire, en Israël et dans les territoires occupés palestiniens, en Tunisie, au Kurdistan d’Irak... Ces graffitis ne relèvent généralement pas d’initiatives individuelles improvisées, mais de campagnes initiées par des associations.

    Les revendications

    Au-delà des revendications générales du droit à l’existence, de fierté ou de liberté, viennent celles de  la décriminalisation de l’homosexualité par l’abrogation des articles du Code pénal (Maroc, Tunisie, Liban, Soudan), la suppression du recours au test anal (Liban : test supprimé dans la loi, mais en vigueur dans certains commissariats, et Tunisie), la libération de femmes trans emprisonnées (Liban), d’homosexuels incarcérés (Tunisie) ou de lesbiennes en détention préventive (Maroc), et la légalisation des associations LGBTIQ.

    Certaines associations demandent à l’Etat la prévention des MST/IST/VIH. La question du mariage homosexuel n’est généralement pas à l’ordre du jour des associations, même si leurs représentants sont souvent mis en demeure de manière peu amène de se prononcer sur le sujet. Des associations s’adressent d’abord à la société et aux LGBTIQ, d’autres pensent initier le changement par des revendications s’adressant aux pouvoirs en place ou aux institutions internationales. Shams et l’Association tunisienne de soutien aux minorités (ASTM) vont participer à l’intergroupe LGBT, un forum informel du Parlement européen.

    Iraqueer sollicite l’appui des autorités du Royaume-Uni via des parlementaires, le 15 juillet 2016, salue la levée du drapeau arc-en-ciel devant le consulat américain d’Irbil en 2016, lors du très officiel Pride Month et développe une analyse critique de la fragile avancée contenue dans les déclarations de 2016 du chef chiite irakien, Moktada al Sadr.

    Au Liban, Helem, La Fondation arabe pour les libertés et l’égalité, M-Coalition, le centre de santé sexuelle Marsa et la
    LebMASH dénoncent des arrestations dans un hammam gay en août 2014 et exigent la libération des emprisonnés.

    Un front LGBTQI (incluant des associations de la société civile) appelle les autorités tunisiennes à s’engager lors du prochain Examen périodique universel de la Tunisie devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, prévu en mai 2017, à abroger l’article 230 du code pénal, interdire la pratique du test anal, lutter contre toutes les formes de discrimination envers les LGBTQI et réprimer tout appel à la haine ou la violence. 

    Des manifestations publiques

    Les LGBT organisent des manifestations publiques au Maroc, en Tunisie et au Liban. Ainsi, au Maroc, un sit-in de nuit a lieu à Rabat en 2016, pour rendre hommage aux victimes de la tuerie d’Orlando, avec drapeaux arc-en-ciel et bougies. Au Liban, en 2012, des drapeaux arc-en-ciel sont arborés lors d’une « Laïque Pride » qui exigeait la fin du système confessionnel.

    La même année, une autre manifestation est organisée par l’association Helem, à Beyrouth, contre la pratique du test anal. En 2014, une centaine de manifestant-e-s se rassemblent devant le ministère de la Justice après l’arrestation et la garde à vue, assortie d’humiliations et de violences, de six gays et personnes trans dans un club. En 2016, Helem organise une projection-débat du film Priscilla, suivie d’une conférence de presse d’un rassemblement exigeant l’abrogation de l’article 534 du code pénal et la libération de personnes trans emprisonnées. En 2016, Proud Lebanon organise une réception à Khan Al Harir, en présence d’autres organisations et de diplomates.

    En Tunisie, le drapeau arc-en-ciel est arboré dès 2011, et une Première Gay Pride a lieu en 2015 sur le campus universitaire de Tunis, avec drapeaux et pancartes :

    « L’amour n’est pas un crime », « Mon corps, ma sexualité, mon droit ». La même année, un festival d’art féministe est organisé par Chouf à Carthage, repris l’année suivante (choufouhonna, soit « vous les avez vues »). Shams organise son premier meeting pour la dépénalisation de l’homosexualité à La Marsa, en 2015. A l’occasion du Forum social mondial à Tunis, en 2015, un rassemblement a lieu arborant le drapeau arc-en-ciel. En 2016, des militants LGBT défilent à Tunis avec ce drapeau à l’occasion du cinquième anniversaire de la révolution. Puis Shams organise un événement public à l’espace El Teatro de Tunis. En 2017, des équipes de Damj se rendent à Beja, Sousse et Gabes pour diffuser un guide de sécurité, juridique, numérique et informatique. Les projets poussent comme des champignons, ainsi Shams devrait lancer une hotline et une revue pour les homosexuel-le-s, intitulée Shams Mag.

    La dimension internationale  et régionale

    Très tôt, Tunisia’s Gay Day a pris part à la campagne de solidarité avec les gays d’Irak. La dimension s’est particulièrement exprimée au moment de la tuerie d’Orlando, en 2016.

    Les LGBTIQ joignent aux drapeaux nationaux leur bannière arc-en-ciel et participent à des manifestations au niveau international : Gay Pride d’Amsterdam (participation d’un bateau marocain en 2014 et 2016), Forum social mondial au Canada en 2016, avec la participation de Without Restriction (Tunisie). 

    Iraqueer participe au congrès de Stockholm de 2015, au Malmoë for Diversity Festival en 2016 (Suède), à la Copenhagen Winter Pride en 2016 (Danemark), à Queer Asia 2016 et à une action conjointe avec Out Right et London Young Professionnal Engagement Committee, à Londres en 2016.

    UAE LGBT Rights (Emirats arabes unis) s’associe à la célébration de l’IDAHO (Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie) en 2011, appelle à signer une pétition pour les homosexuels persécutés en Iran, appelle au Spirit Day, le 16 octobre 2014 et au Bisexual Visibility Day le 23 septembre 2014.

    En 2007, Abu Nawas (Algérie) participe à la conférence panafricaine de
    l’ILGA  (International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association) à Johannesburg, en Afrique du Sud.

    Quzah (Libye) participe à la Gay Pride 2016 en Italie, arborant drapeau libyen et drapeau arc-en-ciel.

    Des initiatives se font jour au niveau régional comme « Ensemble, notre voix est plus forte », organisée le 15 mai 2016 par des associations d’Algérie (trans et homosexuelles), d’Egypte ou du Soudan (Mesahat, Bedayaa). Ces mêmes associations lancent à  l’occasion du 8 mars 2016 la campagne « La voix des femmes queer du Nord de l’Afrique ».

    Khomsa est le premier réseau LGBT maghrébin ; il a été lancé en 2011. Queers of Levant, lancé par deux femmes de 22 ans en 2015, veut couvrir le Liban, la Syrie, la Palestine et la Jordanie. En novembre 2016, vingt-deux structures LGBTQI du Maghreb et du Moyen Orient publient une déclaration commune, suite à l’arrestation et à l’incarcération de deux marocaines mineures, en raison d’un baiser échangé sur la voie publique à Marrakech. Quatre associations du Maroc, d'Algérie, de Tunisie et Libye publient un communiqué commun pour la décriminalisation de l’homosexualité.

    MantiQitna (« Notre région », avec le Q majuscule pour Queer) est une association qui organise un stage annuel dans la discrétion, à destination des militant-e-s LGBTIQ de la région arabe. La dimension régionale se traduit aussi par l’émergence de blogs, sites et pages « arabes ».

    Pouvoirs, sociétés et répression

    Les réactions des pouvoirs en place peuvent être contradictoires. Ainsi, en Irak, on a vu Moqtada Al Sadr déclarer qu’il faut que les exactions à l’encontre des LGBT cessent, tout en réaffirmant dans la même phrase que l’homosexualité est une « maladie psychologique ». L’ambassadeur des Emirats arabes unis aux Etats-Unis s’est fendu d’une condamnation de la « tuerie haineuse d’Orlando » sans toutefois préciser qu’il s’agissait d’un massacre homophobe, tandis que les ambassadeurs des autres pays arabes se taisaient. Les Emirats arabes unis et l’Egypte  ont légalisé les opérations chirurgicales de réassignation de sexe (auquelles la minorité arabe d’Iran avait accès de plus longue date), mais cette légalisation vise à « supprimer » l’homosexualité.

    Au Liban, des évolutions sont régulièrement enregistrées au niveau juridique. L’article 534 du code pénal punit les relations sexuelles contraires « à l’ordre de la nature », une formulation sujette à diverses interprétations, qui a permis en 2009 de faire acquitter deux homos, le juge ayant estimé que « l’homosexualité (...) fait partie de la nature ». En 2017, le juge unique du tribunal du Metn n’a pu poursuivre un couple pour la même raison et en s’appuyant sur un article protégeant la liberté d’expression. En 2014, un juge acquitte une trans en se fondant notamment sur l’« égalité de tous les Libanais » prévue par la constitution. Un juge de la Cour d’appel de Beyrouth confirmera le droit d’une femme trans à faire modifier son identité, lui ouvrant l’accès aux traitements et à une vie privée.

    Il reste qu’à la différence d’autres mouvements (écologiques et féministes, notamment) ayant surgi ou s’étant renforcés dans le cadre des révolutions arabes, les LGBTIQ rencontrent l’hostilité de la majorité des sociétés et des révolutionnaires eux-mêmes. S’y ajoute le fait que les contre-révolutions ont sérieusement réduit les petits espaces militants, contraints à limiter voire suspendre leurs activités, particulièrement en Libye, Irak, Bahrein, Syrie ou au Yémen, où les homosexuel-le-s encourent la peine de mort. De façon générale, c’est la répression qui est la règle.

    En plus de celle qui vise tous les  LGBTIQ (criminalisation pénale, répression sociale et tortures spécifiques), ceux et celles qui les soutiennent, voire se contentent de leur donner la parole, sont à leur tour réprimés. Des publications sont interdites, leurs responsables pourchassés. En Tunisie, les militants de Shams sont menacés de mort et agressés régulièrement, parfois en présence de policiers impassibles. Les autorités yéménites bloquent l’accès à des sites LGBT. A Oman, Omantel bloque le blog Comunity Queer.

    D’autres sont purement et simplement assassinés comme en Libye, après passage devant des cours. En 2014, Ali Shalwi, Saad Fakhakhiri et Nassib Jazawi sont exécutés à l’issue d’un procès devant un tribunal de l’EI en Libye. C’est également le cas en Arabie Saoudite. En février 2017, Amna et Meeno, personnes trans d’origine pakistanaise, sont décédées sous la torture.

    Un mandat d’arrêt a été émis en 2017 contre Abbad Yahya, un romancier de Cisjordanie. Son polar, Jarima fi Ramallah (Un crime à Ramallah), a été saisi en Cisjordanie et à Gaza. Le procureur général de Palestine estime que le livre comporte des textes et termes dont la connotation sexuelle menace la « moralité et la pudeur publiques, et qui pourraient affecter la population, en particulier les mineurs. » Il est soutenu en cela par le président de l’Association des écrivains palestiniens, qui affirme : « c’est un roman stupide qui viole les valeurs nationales et religieuses de notre société pour flatter l’Occident et gagner des prix. Ma liberté d’écrivain s’arrête aux limites de la liberté du pays »...

    Luiza Toscane 

  • Grève de la faim : « Israël veut par tous les moyens casser cette résistance » (NPA)

    Entretien. Nous avons rencontré Walid Attalah, représentant de l’Association des Palestiniens en France (APF) pour parler de la grève de la faim des prisonniers palestiniens démarrée il y a un mois.

    Où en est la grève de la faim ? Les médias israéliens annoncent des arrêts partiels du mouvement : info ou intox ?

    Au départ du mouvement le 17 avril, il y avait 1 500 prisonniers qui ont commencé la grève de la faim. Aujourd’hui ils et elles sont 1 800. Officiellement, il y a plusieurs organisations palestiniennes dont le Hamas, le Djihad islamique, le Front démocratique (FDLP), le Front populaire (FPLP), qui ont rejoint le mouvement. Initialement la grève a été lancée globalement par le Fatha suivi par des prisonniers à titre individuel. Ceux-ci étaient membres d’autres organisations, mais ils sont rentrés dans le mouvement. Cette grève a été préparée pendant plusieurs mois, a été discutée, s’est mise en place patiemment, parce qu’ils connaissent les pratiques des geôliers et de l’administration pénitentiaire, donc ils ont tout préparé avant de commencer.

    La répression des grévistes de la faim semble assez dure de la part des autorités sionistes...

    La répression va crescendo. Elle se manifeste d’abord par la mise à l’isolement des « meneurs » et surtout des responsables politiques, parce qu’il y a une direction du mouvement qui a été dispersée pour qu’il n’y ait aucune prise de décision. Donc, mise au mitard, fouille des cellules, on les met à poil, on fait rentrer des chiens, des membres des forces spéciales viennent dans les cellules, font usage de matraques et de gaz lacrymogènes...Ils sont privés de visites de leurs familles, de leurs avocats – pour ceux qui en ont un –, on leur a aussi retiré le sel parce que les grévistes de la faim buvaient de l’eau salée pour garder des minéraux essentiels à l’organisme... Certains dorment à même le sol, privés de tout vêtement. Pour tenter de casser le mouvement, Pizza Hut Israël a même sorti un montage publicitaire odieux ciblant Marwan Barghouti...

    Une délégation dont tu faisais partie vient de sortir du siège français du CICR (Comité international de la Croix rouge) pour expliquer ce que tu viens de nous décrire. Quelle a été leur attitude et que comptent-ils faire ?

    Nous avons porté les revendications des prisonniers palestiniens au CICR : la fin de la détention administrative, la fin des tortures, la libération des enfants détenus, la situation des femmes, le droit aux soins, à l’éducation, le rétablissement des visites des familles. Bien sûr, ils sont au courant ! On leur a rappelé que leur mission était de protéger les populations sous occupation, de leur trouver un système de protection. On leur a rappelé que depuis 1967, dans les territoires occupés par Israël, 800 000 personnes ont été détenues. On leur a demandé quelles avaient été leurs « réussites » depuis 50 ans.

    Tout ce qu’ils nous ont dit, c’est qu’ils ont le droit de visite dans les prisons, qu’ils ont aidé certaines familles à obtenir un droit de visite. Nous leur avons demandé de s’exprimer sur ce qu’ils ont constaté dans les prisons, puisqu’ils sont la seule organisation internationale à pouvoir le faire. La réponse est que leur règle d’or était la confidentialité, et qu’il était hors de question de communiquer quoi que ce soit sur ce qu’il se passe dans les prisons israéliennes... car sinon on leur retirerait leur droit de visite (sic !).

    Actuellement, on assiste à de multiples transferts de prisonniers, du sud d’Israël vers le nord, du nord vers le sud... Certains prisonniers ont été regroupés et envoyés dans une prison qui se trouve dans le désert du Naqab, dans des conditions carcérales encore plus dures.

    Comment réagit la société palestinienne, aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie, par rapport à cette grève de la faim ?

    Il y a beaucoup de soutien de la population qui se manifeste par des jeûnes de solidarité. Il y a aussi des marches, des rassemblements. Les anciens prisonniers sont particulièrement actifs, ainsi que les familles. Il y a quelques jours à Naplouse, des enfants se sont regroupés et ont marché avec des portraits de leurs pères qui sont en prison... Il y a un tas d’initiatives qui sont prises et qui ont été préparées pendant des mois avant le déclenchement de la grève.

    La question des prisonniers est-elle fédératrice, compte tenu de la défiance envers l’Autorité palestinienne et de Mahmoud Abbas ?

    La question des prisonniers a toujours été un élément fédérateur, parce qu’il y a continuellement des emprisonnements. Tous les jours, Israël arrête et emprisonne... Alors ils peuvent éventuellement libérer les petites peines, mais c’est un système permanent de prise d’otages à très grand niveau. Il y a 6 500 prisonniers qui sont actuellement des otages d’Israël. C’est un élément de pression sur toute la société palestinienne, une punition collective : c’est moi qui commande, et toi tu obéis, tu es l’occupé.

    Quant à l’Autorité palestinienne, depuis les accords d’Oslo, elle a été assignée à collaborer avec l’occupation. C’est marqué dans les accords, elle doit « empêcher toute action contre Israël ». Elle emprisonne et pourchasse d’ailleurs les résistants sur demande des Israéliens. Elle peut même les exécuter, ça s’est passé dans plusieurs camps de réfugiés, dans la ville de Naplouse par exemple. Des résistants sont emprisonnés dans les prisons de l’Autorité, puis livrés à Israël. Le cas le plus connu est celui d’Ahmad Saadat, secrétaire général du FPLP emprisonné par l’Autorité à la prison de Jéricho et livré à l’armée d’occupation.

    La grève de la faim des prisonniers palestiniens vient contrebalancer la politique de collaboration de l’Autorité, et elle la dénonce. Il y a une perspective politique dans ce mouvement qui est un véritable soulèvement des prisonniers politiques. Ceux-ci sont des résistants qui ont pour certains mené la lutte armée, et qui continuent dans les prisons à mener la lutte politique tant que durera l’occupation. Il est alors évident qu’Israël veut absolument et par tous les moyens casser cette résistance.

    Après un mois de grève de la faim, on entre dans une période critique de dégradation rapide de l’état de santé des grévistes, et malheureusement certains peuvent en mourir. Au niveau international, que pouvons-nous faire ?

    Comme je l’ai dit, les autorités israéliennes font tout pour briser la grève de la faim, y compris par le gavage de force. Comme ils n’ont pas trouvé de médecins israéliens pour le faire, ils font appel à des « médecins » mercenaires étrangers pour le faire à leur place... Mais plus la grève dure, plus le soutien s’amplifie et plus le système de collaboration issu des accords d’Oslo sera remis en cause. Il faut que nous, ici, soyons attentifs à tous les aspects de cette lutte et qu’on la soutienne. Il faut que le mouvement de solidarité à la lutte palestinienne cesse de soutenir l’Autorité et le système qu’elle a engendré. On ne peut en même temps soutenir le mouvement des prisonniers et l’Autorité : il faut faire un choix et être clair dans la perspective politique qu’on veut voir gagner. Les Palestiniens se battent pour des droits universels, que ce soit pour le droit au retour des réfugiés, le droit à un État indépendant avec Jérusalem pour capitale... La lutte ne s’arrêtera pas jusqu’à l’obtention de ces droits !

    Propos recueillis par Alain Pojolat

    https://npa2009.org/

  • Tunisie : totale solidarité avec les populations en lutte de Tataouine ! (NPA LO Nawaat)

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    Depuis le début de l'année, les habitants des régions ouest et sud de la Tunisie se soulèvent pour « l'emploi, la liberté et la dignité », car six ans après le départ de Ben Ali, rien n'a changé.

    Dans le gouvernorat de Tataouine, qui produit la presque totalité du pétrole et du gaz et qui est le plus dépourvu en infrastructures et équipements, le mouvement dure depuis presque deux mois. Hommes et femmes réclament que 20 % des revenus pétroliers soient reversés pour l'emploi et le développement de la région et qu'un membre de chaque famille soit embauché dans les sociétés pétrolières, dans une région où le chômage touche 40 % de la jeunesse.

    La population de Tataouine a reçu le soutien de l'Union Régionale du travail de l'UGTT. Le chef du gouverne- ment a reçu un accueil glacial lors de son déplacement à Tataouine et les propositions gouvernementales ont été rejetées. Mouvement de grèves générales, blocages des routes expliqués à la population, sit-in quotidien, le mouvement ne fait que s'amplifier.

    Le NPA apporte tout son soutien aux revendications des sit-inneurs, dénonce la criminalisation du mouvement et la répression annoncée par les autorités.

    Montreuil, le 15 mai 2017

    https://npa2009.org/

    Lire aussi:

    Tunisie : l’armée contre les chômeurs (Lutte Ouvrière)

    Reportage à El Kamour : la résistance du Sud se radicalise malgré les intimidations (Nawaat)

  • Julien Salingue (Regards)

    Spécialiste du Proche et du Moyen-Orient, Julien Salingue évoque le "conflit colonial" mené par Israël et le "champ de ruines politique" palestinien. Il exprime aussi ses craintes quant à la politique étrangère du nouveau président pour la région.

  • Syrie : Entre escalade militaire et rivalité inter-impérialiste (NPA)

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    Le paysage en Syrie s’est obscurci encore plus après la frappe étatsunienne contre la base aérienne de Shayrat dans la nuit du 7 avril, en riposte à l’attaque chimique de Khan Cheikhoun.

    Dans le mouvement anti-guerre international, le risque d’une guerre américaine imminente a été évoqué. Cependant, il est probable que l’objectif de cette frappe n’est pas un début d’invasion massive, mais plutôt la « communication » particulière de Trump. Le président populiste a déclaré sur Fox News le 12 avril que c’est pendant qu’il était en train de déguster « la plus belle part de gâteau au chocolat que vous ayez jamais vue » avec son homologue chinois Xi Jinping, qu’il a eu le message de l’armée américaine annonçant que tout était prêt, et qu’il a donné donc son accord pour lancer « 59 missiles en direction de l’Irak » (corrigé par la journaliste en « Syrie »).

    Une ambiance de retour à l’époque de « la guerre froide » s’est installée dans les médias, avec des déclarations hostiles entre les Américains et les Russes, comme si une nouvelle stratégie américaine en Syrie était mise en place, en rupture avec celle de l’administration Obama. Mais le porte-parole du ministère de la Défense russe, Igor Konachenkov, a déclaré que « seuls 23 des 59 missiles Tomahawk ont atteint l’aérodrome, le point de chute des 36 autres étant pour l’instant inconnu ». Et les dégâts dans la base Shayrat n’ont pas empêché la reprise de l’activité de cet aéroport dès le lendemain.

    Le 12 avril, la Russie a opposé son huitième veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui condamnait l’utilisation de l’arme chimique le 4 avril à Khan Cheikhoun et appelait à la constitution d’une commission d’enquête internationale. Une fois de plus, la Russie de Poutine a protégé son allié, le régime sanguinaire d’Assad. Tout redémarre comme avant...

    Jeux dangereux

    La réunion du G7 du 10-11 avril, n’a qu’à peine changé la thématique « il n’y a pas d’avenir de la Syrie possible avec Bachar el-Assad », selon le compromis de cette réunion exprimé par Jean-Marc Ayrault. Aucune sanction supplémentaire n’a pourtant été décidée. En fait, les déclarations des pays occidentaux sont plus agressives vis-à-vis d’Assad... mais ces pays tiennent à préserver son régime.

    C’est toujours la politique de la « transition ordonnée » qui est prônée, c’est-à-dire conserver le régime, en changeant si possible sa tête. Les pays occidentaux souhaitent contenir le drame humanitaire le plus catastrophique depuis la Seconde Guerre mondiale qui est aussi à l’origine des vagues migratoires vers l’Europe, et pour cela, fait tout pour les stopper.

    Cette frappe US a aussi une importance géopolitique dans la cadre d’une rivalité entre les grandes puissances, car elle a été suivie par la largage de la plus grande bombe non nucléaire sur l’Afghanistan le 13 avril, puis par l’annonce de l’envoi du porte-avions USS Carl Vinson et de son escorte vers la péninsule coréenne. Il y a là un jeu géopolitique dangereux de cette administration Trump pour imposer une hégémonie globale pourtant fragilisée.

    La population dans l’étau

    Pendant ce temps, l’offensive du régime Assad et ses alliés s’intensifie sur tous les fronts, comme le montre le 16 avril la reprise de la ville importante de Sourane, dans la campagne de Hama, au centre du pays. L’échange forcé de populations entre, d’une part, le régime et ses alliés et, d’autre part, les groupes djihadistes continue, comme le troc des populations de Zabbadani et Madaya, près de Damas, contre celles de Fouaa et Kefrya (bourgs chiites près d’Idlib, considérés comme loyalistes). La population civile de ces quatre villes a manifesté contre cet échange, mais a été forcée à l’accepter par les factions armées confessionnelles (régime et Hezbollah d’un côté, et Jahbat al-Nosra de l’autre).

    En plus de la souffrance de quitter leurs maisons, un attentat-suicide non revendiqué contre les bus transportant les civils de Fouaa et Kefrya a causé la mort de 129 personnes dont plus de 60 enfants. La solidarité et le sauvetage des combattants de l’Armée syrienne libre présents sur place avec ces civils victimes ont été exemplaires, contrairement à la propagande et au comportement du régime. Un élan de solidarité avec les victimes a eu lieu partout, avec des manifestations dans plusieurs villes, et une condamnation large par l’opposition de cet acte barbare. Mais les multiples forces contre-révolutionnaires qui s’entretuent se moquent toujours des vies des civils qui paient le prix le plus fort.

    En dépit de la situation difficile du peuple syrien, de ses forces démocratiques et progressistes dans sa lutte pour son émancipation, les masses syriennes se lèvent et manifestent : contre le régime et toutes les forces contre-révolutionnaires, contre les ingérences étrangères pour la liberté, pour l’égalité et la justice sociale. La dernière manifestation du lundi 17 avril, dans la région Aswayda, sous contrôle du régime en est le dernier exemple, et cette lutte nécessite la solidarité internationaliste.

    Ghayath Naisse

     
  • Syrie : La souffrance d’un peuple face au dictateur Assad et aux commerçants de la guerre (NPA)

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    L’attaque aux gaz toxiques du 4 avril, contre la ville de Khan Cheikhoun dans la province d’Idlib, a fait plus de 80 morts dont plus de 25 enfants et plusieurs centaines de blessés graves...

    En réaction, la base militaire Shayrat du régime Assad, d’où auraient décollé les appareils responsables de cette attaque, a été la cible de frappes aériennes étatsuniennes. Pour la première fois en six ans...

    Attaques chimiques et gaz toxiques, une réalité quotidienne

    Le bombardement aux armes chimique sur la ville de Khan Cheikhoun a été une énième étape dans la campagne meurtrière pour détruire ce qui reste de l’opposition populaire au régime d’Assad en instaurant la terreur chez les populations civiles. Ce n’est pas une exception dans les vastes moyens répressifs du régime. Depuis les attaques chimiques dans la région de la Ghouta, au sud de Damas en août 2013, qui avaient fait environ 1 400 morts, jusqu’à celle sur Khan Cheikhoun la semaine dernière, d’autres bombardements contenant des produits chimiques toxiques ont eu lieu régulièrement. Pourtant le dictateur Assad avait déclaré en juin 2014 que toutes ses armes chimiques avaient été transférées hors de la Syrie pour être détruites, suite à l’accord entre Moscou et Washington à la fin de l’été 2013.

    Le Réseau syrien pour les droits de l’homme (SNHR) a documenté 167 ­attaques par les forces du régime utilisant des substances toxiques depuis septembre 2013. En 2017, le SNHR en a déjà documenté 9 en y incluant Khan Cheikhoun. 97 % de ces attaques ont été commises dans les zones dites « libérées », tandis que 3 % ont été menées dans des zones détenues par le prétendu État islamique (Daesh).

    C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la satisfaction de certaines parties des classes populaires syriennes, en particulier dans les zones libérées, de voir une base militaire d’un régime les massacrant jusque-là en toute impunité, être la cible de frappes aériennes punitives par les États-Unis. Cela dit, aucune forme d’optimisme ne devrait être placée dans l’administration du président Trump qui pourrait apporter quelque chose de positif au peuple syrien.

    Aucune illusion dans l’administration Trump

    Beaucoup de Syriens le comprennent d’ailleurs très bien et sont loin d’être naïfs. Dans de nombreux témoignages, on peut entendre des activistes dire que ces frappes aériennes n’ont pas pour objectif de punir Assad trop durement... mais simplement lui faire comprendre qu’il doit respecter les « lignes rouges » qui proscriraient l’utilisation des armes chimiques. En même temps, les forces militaires du régime et ses alliés ont tout loisir de continuer la guerre avec des barils de TNT, des bombes à fragmentation, des armes au phosphore, et autres armes meurtrières... Les habitantEs de Khan Cheikhoun ont d’ailleurs souffert d’un nouveau bombardement le 8 avril, qui a tué une femme et blessé plusieurs autres personnes. Le régime et la Russie ont également bombardé tout le week-end diverses provinces, entraînant la mort de nombreux civils.

    Les États-Unis ont aussi démontré une volonté de ne pas trop punir Assad et fâcher Moscou. Washington a en effet averti les dirigeants russes avant de bombarder la base militaire de Shayrat, tandis que, selon certains témoignages, le régime syrien avait eu le temps d’évacuer son personnel et de déplacer son équipement hors de la base avant les frappes. D’ailleurs dans les 24 heures qui ont suivi les bombardements, l’aviation du régime utilisait à nouveau la base de Shayrat !

    Nos solidarités avec la lutte du peuple syrien

    D’autres éléments montrent la nécessité de lutter contre les illusions d’une intervention bénéfique d’un pouvoir étatsunien raciste et qui fait la chasse aux réfugiés et aux étrangers sur son propre sol. Depuis 2014, les frappes aériennes des États-Unis en Syrie et en Irak ont fait plus de 2 500 morts civils, dont plus de 1 000 durant le seul mois de mars. La semaine passée une frappe aérienne des États-Unis dans une localité proche de Raqqa a causé la mort de 15 civils. Cela sans oublier le soutien aux dirigeants d’autres régimes autoritaires dans la région : Turquie, Israël, Arabie saoudite, Égypte, etc.

    Dans ces conditions, l’administration Trump, comme d’ailleurs celle de son prédécesseur Obama, ne peut représenter un espoir pour les SyrienEs. Les déclarations du secrétaire d’État Rex Tillerson, qui doit visiter Moscou le 12 avril, confirment qu’il n’y a pas pour l’instant de changement de cap pour Washington. La priorité des États-Unis reste la prétendue « guerre contre le terrorisme » et Daesh, en tentant d’atteindre une forme de stabilité autoritaire en Syrie maintenant les structures du régime intactes, avec à sa tête Assad ou pas.

    Le peuple syrien continue donc de souffrir, renforçant la nécessité de notre solidarité avec sa lutte démocratique et sociale contre le régime Assad et ses alliés russes et iraniens, contre toutes les forces fondamentalistes religieuses, et contre toutes les ­interventions étrangères.

    Joseph Daher

    https://npa2009.org/

  • Nouveautés "Syrie" (NPA + Souria Houria)

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    Déclaration de Philippe Poutou «Après le bombardement états-unien en Syrie»

    Déclaration Philippe Poutou : Remis en selle par les grandes puissances, Assad gaze le peuple syrien Assez d’impunité et de bombardements ! (NPA)

    Syrie : Assez de massacres !(NPA et divers)

    Dossier Alencontre: Syrie. L’arme chimique sème la mort

    Après le massacre de Khan Cheikhoun, rassemblements jeudi 6 avril en solidarité avec le peuple syrien

    Que cherche Poutine en Syrie?(Souria Houria)

    Pourquoi l’Armée Syrienne Libre n’a-t-elle pas vaincu ? Partie I

    Pourquoi l’Armée Syrienne Libre n’a t’elle pas vaincu ? Partie II

    «Never again» et ce tralala ne semble qu’être des foutaises qui ont aveuglé la conscience internationale (Souria Houria)

    De Damas à Paris, itinéraire d’un enfant de la révolution (Orient 21)

  • Yémen : De la guerre à la famine (NPA)

    C’est une guerre largement oubliée ici mais qui sévit depuis plusieurs années. Mais les humanitaires y pensent, par la force des choses...

    Ainsi, dans ce pays d’environ 26 millions d’habitantEs, deux millions de personnes dépendaient d’une aide alimentaire d’urgence fin janvier. Fin février, c’est même le chiffre de 7,3 millions de personnes qui a été évoqué auprès des Nations unies, qui chiffraient le besoin d’aide urgentissime à 1,7 milliard de dollars. Le 26 janvier, le dirigeant des opérations humanitaires de l’ONU, Stephen O’Brien, évoquait « la plus grande urgence pour la sécurité alimentaire dans le monde ». 14 millions de Yéménites ont par ailleurs besoin d’un soutien alimentaire venu de l’extérieur. Les réserves de blé du pays sont en train de s’épuiser, et 2,2 millions d’enfants souffrent de malnutrition, soit une augmentation de + 53 % par rapport à la situation de 2015.

    C’est essentiellement le blocage des ports du pays qui est responsable de cette situation catastrophique, ainsi qu’un arrêt des transactions des banques avec le Yémen, alors que ce pays dépend largement des importations. Dans un rapport élaboré par un groupe d’experts des Nations unies rendu public fin février, il est écrit que « toutes les parties (du conflit armé) ont fait obstacle à la distribution de l’aide alimentaire dans le pays »...

    Ces parties belligérantes sont essentiellement d’un côté une coalition menée par l’Arabie saoudite (soutenue par les monarchies arabes et notamment les Émirats arabes unis), et de l’autre une alliance de circonstance entre l’ex-président Ali Abdallah Saleh (déchu en 2012 suite à une révolte dans le contexte du « printemps arabe ») et des miliciens chiites.

    Alors que pendant ses années au pouvoir (1979 à 2012), Saleh s’était surtout appuyé sur l’Arabie saoudite voisine et les USA, une fois évincé, il s’est rappelé qu’il était lui-même chiite... Et alors qu’il avait combattu le groupe armé des houthistes, une rébellion de type intégriste issue de la minorité chiite du pays, il s’est rapproché de ces mêmes houthistes après son remplacement au palais présidentiel par son ancien vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi (élu en 2012 lors d’une élection où il fut le seul candidat...).

    Le jeu des puissants

    L’alliance Saleh-houthistes a conquis une large partie du pays en 2014, ce qui a déclenché en mars 2015 une intervention militaire de l’Arabie saoudite appuyée par des régimes arabes sunnites. La guerre, dont le nombre de morts civils était chiffré à 10 000 fin 2016, a donc pris des allures de conflit confessionnalisé. Mais c’est aussi une lutte d’influence entre le régime saoudien et son grand rival chiite, le régime iranien, soupçonné d’appuyer les houthistes.

    La coalition dirigée par le régime saoudien bloque les ports du pays, surtout ceux de la Mer rouge, ce qui empêche les importations alimentaires d’entrer. Le principal port, celui de Hodeida, est toujours tenu par les houthistes, alors que le président Rabo a pu reprendre celui de Moka.

    Les USA, qui se contentaient jusque-là d’appuyer les monarchies du Golfe (alors que l’Arabie saoudite est aussi armée par la France et l’Allemagne), se sont mêlés du conflit ces dernières semaines. Les Saoudiens sont soupçonnés de complaisance avec les forces djihadistes sunnites, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et dans une moindre mesure Daesh opérant dans le pays.

    Or, depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, les USA ont bombardé les combattants d’AQPA. Le 29 janvier, un premier raid étatsunien contre une mosquée et un dispensaire à Yakla a tué 57 personnes... dont au moins 16 civils. Et le Yémen figure aussi sur la liste des pays – initialement sept, désormais six puisque l’Irak a été retiré de la liste – dont les ressortissants sont interdits d’entrée aux USA par l’administration Trump...

    Bertold du Ryon


  • Irak : Une offensive complexe de la coalition à Mossoul (NPA)

    Quatre mois après le début de l’offensive visant à reprendre la région de Mossoul à Daesh/« l’État islamique », le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a lancé dimanche 19 février l’opération finale visant à libérer la partie ouest de la grande ville.

    Il s’agit évidemment d’un enjeu stratégique essentiel pour le fragile gouvernement irakien, mais aussi pour la coalition internationale dirigée par les États-Unis qui l’encadre. Mossoul est la deuxième ville irakienne (2 millions d’habitantEs). Elle a connu le « privilège » d’être proclamée en juin 2014 capitale du « califat » de Daesh, avec à cette occasion la seule apparition publique de son chef, le calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. La bataille y est donc très dure, Daesh résistant de toutes ses forces.

    La densité de population à l’ouest du Tigre y est aussi la plus élevée, dans la partie ancienne de la ville avec ses petites ruelles et 750 000 habitantEs (dont 350 000 enfants) fragilisés par le manque d’eau et de nourriture, mais aussi par la répression sanglante menée par Daesh. Il y a eu plusieurs actions internes de résistance contre les forces djihadistes dans la ville, vite stoppées par l’ampleur de la punition contre ces actes : selon des habitants, pour chacun de ses membres tués, Daesh a arrêté 40 jeunes et les a ­exécutés sur place.

    Coalition et pouvoir irakien

    Cette offensive présente de nombreuses difficultés pour la coalition qui la mène. Elle ne peut se permettre d’être aussi féroce envers les civils que celle du régime syrien et de ses alliés contre Alep et les autres villes syriennes : à la différence de la Syrie, elle combat ici vraiment Daesh et non une insurrection populaire. La coalition doit aussi tenir compte un minimum de l’opinion publique internationale, et dans l’immédiat, elle est confrontée aux alertes pressantes d’organisations humanitaires qui voient venir une situation d’abandon catastrophique de centaines de milliers de civils.

    De son côté, du fait de sa faiblesse au Parlement, le Premier ministre irakien Abadi et son gouvernement ont un besoin absolu de victoires militaires afin de restaurer un fort crédit populaire pour rassembler les différentes composantes de la population. Il ne dispose de manière sûre que de 20 à 30 parlementaires (sur 328 !), face à son frère ennemi l’ancien Premier ministre al-Maliki, qui lui a choisi la confrontation contre les alliés kurdes et arabes sunnites, suivant la ligne du gouvernement iranien fondée sur une agitation confessionnaliste. Or Mossoul est composé de multiples ethnies et religions : il s’agit donc d’une des dernières opportunités de conserver l’Irak comme pays de cohabitation.

    Sur le terrain du rapport de forces

    Se résignant à aller lentement, Abadi privilégie l’envoi au front des unités du CTS (Service de contre-terrorisme), dont le chef a refusé qu’il soit bâti à l’image de l’État irakien sur des quotas confessionnels ou ethniques. Cette force a montré son efficacité militaire contre Daesh, en même temps que sa capacité à établir de bonnes relations avec les populations des zones libérées. Cela au contraire d’autres unités militaires et milices responsables d’exactions récemment dénoncées, comme la force « Mobilisation populaire » constituée à l’appel de l’autorité religieuse chiite Ali al-Sistani, mais dont la plupart des unités ne suivent pas les recommandations de bonnes relations avec la population sunnite.

    À côté de ces unités, il y a des forces de « mobilisation tribale » sunnites et les peshmergas kurdes barzanistes. Et le tout compte sur l’aviation de la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Ceux-ci cherchent, sans y arriver, à éviter les bavures militaires ou diplomatiques, comme la récente déclaration de Trump regrettant que les USA n’aient pas obtenu plus de pétrole irakien en compensation de l’engagement militaire étatsunien...

    Le calme après la tempête ?

    Jusqu’ici, Abadi a réussi à séparer les composantes inflammables des forces anti-Daesh, laissant la plupart des forces des « Mobilisations populaires » loin de Mossoul, négociant avec les peshmergas kurdes qui ont lutté pour la première fois côte-à-côte avec l’armée irakienne... Ce qui ne les pas empêché de recevoir des obus d’artillerie tirés par des « milices indisciplinées » !

    Mais le retour au calme en Irak est encore loin. La reprise de Mossoul peut déraper à tout moment. Il reste des territoires à l’ouest de la ville jusqu’à la frontière avec la Syrie contrôlées par Daesh. Il y a aussi les forces du PKK auxquelles les USA interdisent d’entrer dans la ville de Sinjar, et considérées comme une organisation terroriste en Irak, mais amie en Syrie. Et il y a le discrédit du système politique irakien avec sa corruption et ses tensions confessionnalistes.

    Pour notre part, nous maintenons notre opposition aux bombardements sur les zones habitées comme aux guerres substituant les logiques impérialistes et dictatoriales aux luttes des peuples, bombardements et guerres qui au Moyen-Orient n’ont fait que favoriser les obscurantismes depuis tant d’années.

    Karim Saïd et Jacques Babel