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Alors que les élections législatives du 1er trimestre 2017 se préparent dans l’indifférence la plus totale, le gouvernement continue à se positionner en défenseur du caractère social de l’État. Mais dans la pratique, il fait exactement le contraire !
Le pouvoir continue sa politique d’intégration à la finance mondiale. Le « nouveau modèle économique », nouveau slogan du gouvernement, sonne comme un pas de plus dans le processus de libéralisation entamé il y a déjà quelque temps.
Libéralisation économique à pas cadencés
Avec 900 millions de dollars emprunté auprès de la Banque africaine de développement (BAD), salué par le milieu libéral, le gouvernement de Bouteflika annonce son renouement avec l’endettement extérieur. Il offre à l’occasion de nouveaux avantages aux investissements étrangers, notamment dans l’assouplissement de la règle des 51/49 % qui constitue le verrou du code de l’investissement en Algérie, et cela dans le but « d’attirer des Investissements directs étrangers (IDE) ». Dans ce cadre, Abdesselam Bouchouareb, ministre de l’Industrie et des Mines, proclame que le gouvernement crée une « dynamique sans précédent qui vise, à moyen terme, une intégration effective et positive de l’économie algérienne dans le système économique mondial ». Pourtant, la réalité est à l’encontre de cette intégration « positive ». L’accord d’association avec l’Union européenne a permis à l’Algérie d’exporter pour 12 milliards d’euros vers l’Union européenne. Mais cette dernière a exporté l’équivalent de 195 milliards d’euros vers l’Algérie !
Sur le plan des subventions, la politique gouvernementale, relayée par la critique libérale, s’attaque aux maigres aides de l’État des produits de base (lait, pain, sucre, etc.) encore en vigueur. Et les classes populaires de subir ainsi une réduction des subventions sur les produits de première nécessité, une hausse de 2 % de la TVA, une hausse des tarifs de l’énergie et par conséquent des transports… Le blocage des recrutements dans la fonction publique et le gel de certains investissements publics feront grimper le chômage.
Dans le même élan, la loi sur les retraites des salariéEs, loi qui leur interdit le départ en retraite à l’issue de 32 années de travail, est toujours en vigueur malgré l’amendement « oral introduit sur instruction du président de la République », selon le rapport fait par le ministre du Travail à l’Assemblée. Cette mesure prépare la casse du système de protection sociale.
En revanche, les contributions et autres avantages pleuvent sur les possédants et les classes dominantes à travers l’abaissement du taux de la taxe sur l’activité professionnelle, l’absence d’impôt sur la fortune, le laxisme fiscal... Au même moment, l’exécutif prépare la privatisation des entreprises publiques par l’entrée des hommes d’affaires dans leur capital. Il « régularise » les situations acquises dans « l’informel » (télévisions offshore...) et ouvre la voie à la création d’hôpitaux et d’universités privés…
Une mobilisation limitée
Pour faire face à ces attaques, les travailleurs se mobilisent à l’appel de la coordination des syndicats autonomes ou des structures combatives de l’UGTA. Les chômeurs de la ville pétrolière d’Ouargla affiliés à la CNDDC marchent. Les étudiants inquiets pour leur avenir se mobilisent à Boumerdes, Oran, Constantine… Les habitants des villes et villages du pays dénoncent la cherté de la vie (Adrar, Ouargla, Béchar, El Oued…) et manifestent leur mécontentement.
Mais la résistance reste laborieuse.
Ainsi, les dernières manifestations sur les retraites organisées par les syndicats autonomes sont restées en deçà des mobilisations souhaitées : la retraite n’est pas mobilisatrice au même titre que les revendications salariales, souligne le secrétaire général du CLA, d’autant plus qu’il y a de plus en plus de travail informel et précaire qui préoccupe le monde du travail.
Face à l’inquiétude et au mécontentement légitimes qui s’amplifient, le pouvoir refuse toute concertation et réprime. Les atteintes aux libertés démocratiques se multiplient.
Devant la dégradation de la situation, l’heure est à la résistance contre la politique de spoliation des richesses et de l’économie nationale au profit d’une minorité d’affairistes algériens et d’entreprises étrangères. Il faut continuer à dénoncer la remise en cause des acquis sociaux et la répression dont sont victimes les classes populaires et leurs représentants syndicaux, associatifs, politiques, et apporter le soutien plein et entier aux luttes des travailleurs, des chômeurs, des étudiants en vue d’une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste, pour construire une alternative populaire à l’actuelle politique.
Depuis le 15 novembre, le monde entier est ému par les cris d’alarme et les adieux déchirants que lancent les habitants et habitantes d’Alep, ville syrienne sous contrôle rebelle depuis 2012, en passe d’être totalement reprise par le régime de Bachar el-Assad.
Son aviation bombarde l’est de la ville et les zones résidentielles de l’ouest avec le soutien d’un porte-avions russe et de milices chiites composées de combattant libanais, afghans et iraniens, aux ordres de Téhéran. Elle utilise des bombes anti-bunker, dont la puissance permet de détruire des immeubles et des abris souterrains.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, elle a détruit au moins trois hôpitaux le premier jour. Le bilan humain était estimé mi-décembre à plus de 400 morts civils, dont de nombreux enfants, et plus de 350 parmi les combattants rebelles. Des chiffres sans doute sous-estimés et en constante augmentation : l’armée syrienne ne se contente pas de pilonner des bâtiments avec leurs occupants. Elle procède ensuite à des arrestations et à des exécutions sommaires.
À ces morts s’ajoutent au moins 40 000 déplacés, là encore un nombre qui continue de croître. Le régime s’apprête à reprendre le contrôle du pays et à gagner la guerre civile. Il procédera alors à un nettoyage ethnique et religieux en chassant la majorité sunnite des grandes villes insurgées. De leur côté, certains des « rebelles », comme le Front Fatah Al-Cham (qui prêtait allégeance à Al-Qaïda jusqu’à cette année) et les brigades Abu Amara (liées à l’Arabie saoudite et au Qatar) empêchent les civils de fuir en les assassinant ou en les enlevant.
Au Kurdistan, l’offensive lancée par Erdoğan depuis la fin de l’été est censée marquer un tournant dans la guerre, alors qu’en Irak, une nouvelle offensive a été lancée le 28 octobre pour reprendre Mossoul, au nord du pays. La coalition internationale agit avec les forces militaires du gouvernement de Bagdad et du Kurdistan « irakien », en lien avec les milices chiites Hachd al-Chaabi, proches de l’Iran.
Les hésitations et retournements des États-Unis, de la Russie et des pays ouest-européens vis-à-vis des forces régionales rivales ajoutent au chaos. La Turquie ou l’Iran sont tour à tour soutenus ou mis de côté ; le gouvernement de Bachar el-Assad, longtemps cible prioritaire, est depuis l’an dernier devenu secondaire par rapport à Daech. Et les voix sont nombreuses, de Trump à Fillon, à le considérer comme le « moindre mal ». Le PKK et le PYD aux Kurdistan « turc » et « syrien », sont alternativement qualifiés d’organisations terroristes ou d’alliés valables sur le terrain, tout comme les Hachd al-Chaabi...
Pour tenter de démêler les fils et de développer une orientation politique pour les militants et militantes anticapitalistes et internationalistes des pays impérialistes, un tour d’horizon et un détour par l’histoire récente sont nécessaires.
En Irak
Le Kurdistan « irakien »
Depuis le démantèlement de l’Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale, le territoire kurde est séparé entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie. Les Kurdes sont 15 millions en Turquie (20 % de la population environ), 8 millions en Iran (18 %), 7 millions en Irak (20 %) et 2 millions en Syrie (8 %).
Excepté une éphémère république de Mahabad (capitale du Kurdistan « iranien ») en 1946, sous la protection de l’URSS, aucun État kurde n’a vu le jour.
Le Kurdistan « irakien » bénéficie cependant d’une grande autonomie depuis la fin de la guerre du Golfe de 1990-1991. Les deux principaux partis kurdes d’Irak, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), sont des alliés de l’Iran depuis les années 1980 et la guerre Iran-Irak (trahissant au passage les Kurdes d’Iran, en lutte contre le gouvernement de la République islamique). Ils sont aussi alliés aux États-Unis depuis que ceux-ci se sont retournés contre Saddam Hussein. Leurs dirigeants ont accédé aux plus hautes fonctions grâce à l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. Massoud Barzani, dirigeant du PDK, est le président du gouvernement régional du Kurdistan depuis 2005. Jalal Talabani, de l’UPK, a été président de la République d’Irak de 2005 à 2014. Son successeur Fouad Massoum est issu de la même formation.
Pour Barzani, une victoire contre Daech prouverait la viabilité d’un État kurde indépendant. Il serait un rempart contre l’État islamique bien plus solide que le faible État irakien, et à terme un tampon entre la Turquie et l’Irak. Le projet d’un référendum d’indépendance a ainsi été ravivé en février 2016. Quitte à trahir, une nouvelle fois, le reste des forces kurdes, car pour s’assurer le soutien d’Ankara, Barzani n’hésite pas à dénoncer le soutien des États-Unis au PYD, organisation sœur du PKK au Kurdistan « syrien » (voir plus bas), pourtant en première ligne dans la lutte contre Daech.
La place de Bagdad dans le « croissant chiite »
Si la branche chiite de l’islam ne regroupe que 10 à 15 % des musulmans du monde, elle est majoritaire en Iran (environ 80 % de la population), en Irak (51 %) et à Bahreïn (50 %). Elle occupe la première place des communautés religieuses au Liban (25 %) et compte une très forte minorité au Yémen (45 %) et au Koweït (21 %). En Syrie, sa sous-branche alaouite ne représente que 11 % de la population, mais il s’agit de la religion de la famille Assad.
Au pouvoir, Saddam Hussein s’appuyait sur la minorité sunnite irakienne (tout de même 46 % de la population). Les partis et le clergé chiites se sont donc rapprochés de la République islamique d’Iran dès sa naissance en 1979, et plus encore pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les dirigeants du principal parti chiite, le Parti islamique Dawa (PID), ont vécu en exil, le plus souvent en Iran, de 1979 à 2003. À partir des années 1990, ils ont bénéficié du soutien des États-Unis. Le PID a ainsi participé en 1992 au Congrès national irakien, organisation créée par la CIA afin de préparer un éventuel gouvernement post-Saddam Hussein.
Depuis 2005, les trois Premiers ministres irakiens qui se sont succédé, Ibrahim al-Jaafari, Nouri al-Maliki et Haïder al-Abadi depuis 2014, sont issus du PID. Et si l’actuel chef du gouvernement se prononce pour une plus grande indépendance vis-à-vis de l’Iran, il sait à quel point son emprise réelle sur son territoire dépend de l’aide de Téhéran.
L’idée d’un « croissant chiite », de l’Irak au Liban en passant par l’Iran et la Syrie, avec l’Iran comme force motrice et la Russie comme parrain international, est apparue en 2004 dans une déclaration du roi Abdallah de Jordanie. Un projet de la Turquie, en lien avec l’Égypte, l’Arabie saoudite et le Qatar, serait d’y répliquer par un « axe sunnite ».
Mais si l’alliance politique entre Téhéran, Damas et le Hezbollah libanais est bien réelle, la convergence d’intérêts entre l’Iran et les États-Unis dans l’occupation de l’Irak, le choix de ses dirigeants et la lutte contre Al-Qaïda et Daech montrent que la situation ne peut être réduite à un simple affrontement de blocs.
Daech au « secours » des Arabes sunnites ?
Avec l’occupation militaire impérialiste de 2003 et donc la prise du pouvoir par les forces kurdes et chiites – fruit du compromis entre Washington et Téhéran –, la population arabe sunnite se retrouve dans la ligne de mire du nouveau pouvoir.
C’est par exemple le cas à Falloujah, lieu emblématique des conditions qui ont mené à la naissance et au succès de l’État islamique. Ville sunnite du centre du pays, où dès le 29 avril 2003, un mois après le début de l’invasion, l’armée américaine a fait feu sur une manifestation, tuant 13 personnes, elle est un an plus tard un lieu de convergence des groupes guérilléristes, constitués de partisans de l’ancien régime (Armée des hommes de la Naqshbandiyya, Brigades de la révolution de 1920) et de religieux sunnites intégristes (Al-Qaïda en Irak, Ansar al-Islam, Ansar al-Sunna, Armée islamique en Irak, Brigade de l’étendard noir).
C’est dans ce type d’affrontements qu’Al-Qaïda en Irak se lie à d’autres forces et individus, y compris d’anciens baasistes. De ces alliances naît l’idée qu’il ne faut pas simplement chasser les forces coalisées et les chiites, mais prendre le contrôle du pays ; autrement dit, créer, donc, un État islamique. Celui-ci est annoncé officiellement en 2006. Son premier « émir », Abou Omar al-Baghdadi, serait un ancien général de la police de Saddam Hussein.
Il faut près de 45 000 soldats de la coalition et du gouvernement, un mois et demi de bataille en novembre et décembre 2004, et des centaines voire des milliers de victimes civiles, pour mettre fin à l’insurrection. Pendant les dix années suivantes, la ville est maintenue sous contrôle militaire, mais sans qu’aucune politique de reconstruction et de services publics ne soit développée. En 2014, elle tombe dans les mains de l’État islamique sans résistance. Pour la population, malgré ses crimes et la terreur qu’il fait régner, Daech est souvent perçu comme un moindre mal.
Sa reprise par les forces gouvernementales et iraniennes en mai et juin 2016 occasionne de nombreuses exactions de la part des Hachd al-Chaabi et de la police gouvernementale : détentions arbitraires, enlèvements, torture, exécutions sommaires de civils.
La reprise de Mossoul
Au moment où nous écrivons ces lignes, l’État islamique est presque encerclé à Mossoul. Les troupes d’élite irakiennes auraient repris le contrôle de plus de 40 % de la ville. Les peshmergas seraient près d’y entrer, tandis que les Hachd al-Chaabi occuperaient les alentours, notamment les voies menant au fief syrien de Daech, Raqa. De leur côté, les bombardements de la coalition auraient détruit les derniers ponts enjambant le Tigre, au milieu de la ville. Sans renforts ni possibilité de se réalimenter, l’État islamique serait acculé.
Mais plus d’un million de civils sont eux aussi bloqués dans la ville. Dans les zones reprises, le couvre-feu est déclaré, preuve que les forces de libération ne sont pas exactement accueillies à bras ouverts.
Une façon de dire que même s’il perdait tous ses territoires, l’État islamique pourrait continuer longtemps ses attentats dans le monde entier. Al-Qaïda l’a fait bien avant lui.
Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, mais pas le PYD. La Turquie considère les deux organisations comme telles. En revanche, le PKK bénéficie de longue date d’un soutien passif de l’Iran, qui l’autorise à se réfugier de son côté de la frontière. Depuis 2013, la République islamique lui fournit même des armes et un soutien logistique.
Et un pacte de non-agression est vraisemblablement en place entre le PYD et Assad. Le sectarisme des composantes arabes de l’Armée syrienne libre (ASL) vis-à-vis des revendications kurdes explique en grande partie sa méfiance et sa mise à l’écart du reste du mouvement anti-Assad. Mais il est paradoxal que cela l’amène à une alliance, au moins de fait, avec le dirigeant nationaliste arabe.
Certes, la lutte pour l’auto-détermination du plus grand peuple privé d’État, contre l’intégrisme, son héroïsme dans les affrontements face à l’État islamique ou la place occupée par les femmes dans les combats et l’organisation politique, placent incontestablement le courant « confédéraliste démocratique » dans le camp des organisations populaires progressistes. Mais ces qualités ne sauraient effacer les relents de stalinisme et d’autoritarisme qui doivent nous faire relativiser son caractère « libertaire » et « autogestionnaire » [Human Right Watch cite ainsi dans les territoires qu’il contrôle : « des arrestations arbitraires, des procès iniques et l’utilisation d’enfants soldats »].
Quoi qu’il en soit, sa capacité à résister à Daech force le respect, y compris à Washington. Dès septembre 2014, au début de la bataille de Kobané, ses dirigeants militaires ont été invités par l’état-major des États-Unis à indiquer les positions à bombarder. En octobre 2015, l’armée américaine lui a largué 50 tonnes de munitions et Obama a autorisé pour la première fois l’envoi de cinquante membres des forces spéciales sur le terrain aux côtés des FDS. Un affront complet pour la Turquie, qui n’a pas cessé de bloquer sa frontière pour interdire le passage de renforts kurdes dans la lutte contre Daech.
Erdoğan, d’abord contre le Rojava
L’opération « Bouclier de l’Euphrate » a été lancée le 24 août, quelques semaines après la tentative de coup d’État contre Erdoğan. Pour l’apprenti dictateur, le premier enjeu est de réaffirmer son rôle vis-à-vis de dirigeants occidentaux qui semblent hésiter à le soutenir, lui qui ne joue clairement plus son rôle de stabilisateur régional.
Selon ses propres mots, la Turquie entend lutter « avec la même détermination » contre Daech et le PYD pour « créer une zone libérée des terroristes au nord de la Syrie ».
Le 24 août, une cinquantaine de chars turcs et quatre cents soldats sont donc entrés en Syrie dans le couloir de Djarabulus, seule partie de la frontière turco-syrienne sous contrôle de Daech, à l’ouest de l’Euphrate et du Rojava. Le 12 août, le FDS et les YPG/YPJ avaient repris des territoires à Daech, dont la ville de Manbij. Sans grande surprise, l’armée turque n’a pas affronté les djihadistes, en fuite dès son arrivée (les combats n’ont fait qu’un mort, dans les rangs des rebelles syriens). Elle n’a pas cherché à les poursuivre, mais s’est tournée vers les forces kurdes, les forçant à repasser à l’est de l’Euphrate. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les frappes ont tué au moins 40 civils et blessé plus de 70 personnes dans les trois jours suivants . L’urgence pour Erdoğan étant d’empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie (Afrin, Kobané et Djazira à l’est) que le FDS était sur le point de réaliser en chassant Daech .
Longtemps première cible d’Ankara, Assad n’est désormais plus un enjeu. Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmuş explique même qu’une fois la « zone de sécurité » créée à la frontière, des négociations devront être ouvertes, auxquelles il serait « naturel » que participe Assad. Un changement de cap qui montre un réchauffement des relations de la Turquie avec l’Iran et la Russie (fait confirmé par la presse officielle iranienne elle-même), au détriment des Kurdes. Même Poutine est donc sujet aux retournements et trahisons d’alliés, alors que la Russie assurait encore son soutien au PYD en mai dernier.
Nos mots d’ordre
À bas l’impérialisme et ses crimes ! Solidarité internationale !
Dans toute cette complexité, certaines certitudes demeurent. D’abord, celle que le terreau qui a donné naissance à Daech, c’est l’occupation militaire impérialiste de l’Irak et un État défaillant, qui n’hésite pas à faire appel à des milices extra-gouvernementales, voire étrangères, pour faire régner la répression. Ce n’est certainement pas avec plus d’interventions militaires et le renforcement de l’axe chiite sous direction iranienne que les bases de Daech seront sapées. Au contraire, elles seront d’une manière ou d’une autre renforcées. Nous devons donc revendiquer l’arrêt immédiat de toutes les opérations militaires de la coalition, à commencer par les bombardements français. Le rapprochement envisagé, à Washington comme à Paris, avec Moscou, et donc Damas et Téhéran, montre bien l’hypocrisie de dirigeants prêts à défendre les pires régimes au nom de la stabilité, conscients qu’ils sont, pourtant, de renforcer la légitimité de l’État islamique auprès d’une population victime des gouvernements en place et de leurs complices impérialistes.
Du reste, depuis septembre 2014, ces bombardements visent exclusivement Daech. En très grande partie, ils ont servi Assad en le soulageant d’un front. Et ils ne font pas moins de morts et de drames. Quant aux groupes intégristes que les impérialistes soutiennent sur place, ils commettent les mêmes exactions contre les civils.
Ensuite, nous avons la conviction que la résistance doit venir du terrain et des peuples concernés. La désinscription du PKK de la liste des organisations terroristes, l’arrêt du soutien à Erdoğan et l’ouverture de la frontière turque sont des revendications urgentes évidentes. Leur satisfaction aurait sans aucun doute des conséquences immédiates dans la région. Elle affaiblirait Daech et presque autant la dictature naissante à Ankara. Mais défendre n’est pas soutenir ou, dans tous les cas, idéaliser le PKK et le PYD.
Dans le reste de la Syrie, la situation n’est certes plus celle de 2011. La terrible répression et la force militaire des groupes intégristes armés par l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie ont mis à mal les cadres d’auto-organisation démocratiques, laïques et populaires. Pourtant, en janvier 2014, c’est bien la population d’Alep qui a chassé Daech. Nous devons continuer de défendre les revendications de 2011 : la démocratie, la liberté, la justice sociale, le contrôle des richesses du pays.
Dans l’urgence, nous devons exiger l’ouverture des frontières et l’arrêt du soutien financier à Erdoğan, pour mettre fin à la prison à ciel ouvert dans laquelle sont bloqués les réfugiés. Leur accueil n’est pas une œuvre de charité, mais le minimum que puissent faire des puissances impérialistes qui sont directement responsables de la situation !
Commentaire: Anticapitaliste et Révolution est un des courants internes du NPA, affilié à la 4è Internationale, contrairement à "Révolution Permanente".
Syrian activists and supporters have been sharing a video of Juan Carlos Giordano, the Argentinian MP and leader of the ‘Izquierda Socialista‘ (Socialist Left) party, itself a member of the Trotskyist ‘Frente de Izquierda y de los Trabajadores’ (Workers’ Left Front) coalition, giving a powerful speech on the situation in Aleppo at the Buenos Aires City Council.
The speech was made as the fall of Aleppo entered its final stage with Assad regime forces and pro-regime sectarian militias, backed by Russian air power, defeating the remaining rebel forces in the city. This was accompanied by the mass evacuation of tens of thousands of East Aleppo residents to the relative safety of rebel-held countryside.
Here is a transcript of his speech and its translation:
My motion of privilege, that we have brought up in this parliamentary work, is about denouncing an international genocide. When one is asked in what way is an MP, the chamber of deputies of the nation affected? An international genocide! A crime against humanity perpetrated against the people of Aleppo, Syria, which we want to condemn. And this flag represents not the dictator Bashar al Assad, but the rebellious people of Aleppo against the dictatorship of Bashar al Assad. What has been named the Guernica of the 21st century, where bombs condemned by the international community have been dropped… on hospitals, schools… Where the civillian population has been murdered, [where] 95 per cent of all physicians have fled. Aleppo has been put under siege, food and medicine were not allowed to enter. The dictatorship of Bashar al Assad, the bombardment from Russia with the complicity of the United States and the complicity of the European Union, because this is a people that rose up against dictatorship as part of the Arab Spring in 2011 and [the situation] transformed into a civil war, provoking a humanitarian catastrophe. Therefore, we defend the people of Aleppo, the rebellious people of Syria against Bashar al Assad, against the bombardment and imperialist interference. And we are demanding that the national government break all diplomatic relationships with this dictatorship, corner the dictator and side with the rebellious peoples struggling with dignity against dictatorships in the world. Thank you, Mr. President.
The reference to the bombing of Guernica, the April 26, 1937 bombing of the city at the behest of the Spanish nationalist government by its allies, the Nazi German Luftwaffe's Condor Legion and the Fascist Italian Aviazione Legionaria, echoes the work of Portuguese artist Vasco Gargalo, whose work ‘Alepponica‘ shows some of the actors in the Syrian conflict the way Picasso drew his famous painting ‘Guernica’ in 1937.
Commentaire: Izquierda Socialista fait partie du Front de Gauche argentin avec le Partido Obrero et le Partido de los Trabajadores Socialista, à ce dernier est lié le site "Révolution Permanente", composante du NPA.
Poutine a-t-il organisé la défaite de Clinton en ayant piraté des emails du Parti démocrate pour favoriser l’élection de Trump ? C’est ce qu’affirment des responsables de la CIA, et Obama d’ordonner une enquête et de promettre des représailles. Trump, qui vient d’être élu le 19 décembre par les grands électeurs, ironise, mais ce nouvel épisode du psychodrame électoral américain est bien dans l’air du temps du rapprochement annoncé Trump-Poutine.
« L’ami de Poutine »
Rex Tillerson, ex-PDG du géant pétrolier ExxonMobil, a été nommé secrétaire d’État, c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères. De par son ancienne fonction, il entretient de bonnes relations avec la Russie, en particulier avec Igor Setchine, le patron de Rosneft, le principal producteur de pétrole russe, un proche de Poutine. Il s’était opposé aux sanctions adoptées par les États-Unis après l’annexion de la Crimée en mars 2014. Rex Tillerson ne dépare pas dans l’équipe de généraux, de grands patrons et de banquiers du futur gouvernement.
Les nouvelles relations entre Moscou et Washington se négocient en fait autour du drame syrien, où les USA ont laissé les mains libres à Moscou et Téhéran. Trump fait confiance à Poutine. La Russie a réalisé ses objectifs : son intervention militaire a sauvé Bachar el-Assad, le dictateur ami, assuré ses bases en Méditerranée, et lui a permis de conserver la dernière de ses zones d’influence dans le monde arabe. Il s’agissait aussi de mettre un terme au « Printemps arabe », de mater l’insurrection populaire.
La chute d’Alep aux mains de l’alliance russo-iranienne change les rapports de forces dans une région jusqu’alors dominée par les États-Unis, et par eux seuls.
Ceux-ci sont contraints de s’entendre avec la Russie et de négocier avec l’ayatollah Ali Khamenei, dans un monde libéral et impérialiste dit « multipolaire ».
Fin de la « normalisation » USA-Chine ?
Le 11 décembre, à l’occasion d’un entretien accordé à la chaîne Fox News, Trump est revenu sur l’incident diplomatique qu’avait provoqué sa conversation téléphonique, le 2 décembre dernier, avec la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, à l’initiative de cette dernière :« Je comprends parfaitement la politique d’“une seule Chine”. Mais je ne sais pas pourquoi nous devons être liés par [cette] politique(…), à moins que nous concluions un accord avec la Chine concernant d’autres choses, y compris le commerce ».
Il n’a aucune intention de respecter l’accord diplomatique avec Pékin dit d’« une seule Chine » qui ne reconnaît pas Taïwan, accepté jusqu’alors par Washington dans le cadre de la « normalisation » des relations USA-Chine. Cette page se tourne. Trump entend non seulement mener une guerre commerciale contre la Chine mais il dénonce aussi « l’énorme forteresse au milieu de la mer de Chine méridionale » érigée par Pékin. La saisie par la marine chinoise d’une sonde de la marine américaine dans cette zone a été l’occasion d’une violente réaction de Trump.
De toute évidence, son prétendu isolationnisme ne signifie en rien un abandon des prérogatives de l’impérialisme américain.
Il ne s’agit plus pour les USA de prétendre au rôle de gendarme du monde, mais de se concen- trer sur la défense de leurs propres intérêts tant économiques que politiques et militaires. Ils veulent imposer à leurs alliés de prendre leur part, en particulier au niveau de l’Otan, et enten- dent renégocier en fonction des nouveaux rapports de forces au prix de tensions exacerbées. Trump sera le Président de ce tournant dans la mondialisation. Ainsi, il a repris le slogan de « paix par la force » de Reagan… tout en décidant d’accroître les dépenses militaires !
L’explosion socio-politique qui a été appelée « Printemps arabe » a été une réaction en chaîne sur trois mois reprenant partout dans la région, les mots d’ordre de liberté, justice sociale et dignité.
L’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid en Tunisie, et le soulèvement qui a suivi, ont obtenu la fuite du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011. Les manifestations qui ont commencé le 25 janvier en Égypte ont abouti au départ de Moubarak le 11 février . Des mouvements de masse se sont levés en Libye, au Yémen, à Bahreïn, au Maroc, en Jordanie. Le 15 mars 2011, le peuple syrien entrait à son tour en insurrection.
Les dictateurs étaient chassés en Tunisie, en Égypte, bientôt en Libye (octobre 2011) et plus tard au Yémen (2013), mais dans ces deux derniers pays au prix de la transformation du soulèvement en insurrection armée et de l’installation du chaos, comme en Syrie où Bachar a réussi de justesse à sauver son régime. La répression sanglante avec l’aide de l’Arabie saoudite est venue à bout du soulèvement à Bahreïn, tandis qu’en Jordanie, au Maroc et à Oman, les pouvoirs ont pris le dessus en combinant répression, petites ouvertures et légitimité encore partielle de ces monarchies.
L’ancien et le nouveau
Ces soulèvements ont surpris le monde, pourtant leurs combustibles s’accumulaient les années précédentes : la grande vague néolibérale mondiale qui détruit les tissus sociaux, combinée dans cette région au népotisme et à l’accaparement de tous les pouvoirs par des clans familiaux, quelle que soit la forme des régimes politiques. Cela alors qu’une jeunesse très nombreuse et massivement scolarisée est privée de toute perspective : ni emplois stables ni libertés.
Des prémices s’étaient manifestées, en particulier en Tunisie et en Égypte : le soulèvement du bassin minier de Gafsa dans le sud tunisien en 2008 ; les grèves du textile (Mahalla 2006) et des impôts fonciers (2007) en Égypte. Particulièrement en Tunisie, des traditions de syndicalisme, d’actions communes entre courants politiques existaient, et ont pu servir de point d’appui à certains moments. Mais pour l’essentiel les soulèvements de la région ont inventé de nouvelles formes d’action et d’auto-organisation dans l’occupation des places publiques, qui ont ensuite été réinvesties par des mouvements sociaux dans le monde entier. Ces expériences n’ont cependant pas été jusqu’à créer des formes de double pouvoir durables pour la gestion de la société, sauf en Syrie. Ici, la dynamique des affrontements et la formation de zones libérées du régime s’est traduite par des expériences de comités locaux et coordinations régionales, qui ont concentré la haine de l’appareil totalitaire de Bachar el-Assad. Mais elles n’ont pas réussi à se centraliser, laissant la représentation à l’étranger de l’opposition syrienne à des coalitions de forces non légitimes sur le terrain.
Résistance de la contre-révolution
Les divers foyers de la contre-révolution : régimes locaux, puissances régionales ou mondiales, mouvements politico-religieux, se sont rapidement réorganisés pour désorienter, récupérer ou écraser les soulèvements populaires, marquant des points très importants. En Tunisie, le nouveau pouvoir a d’abord été repris par des notables de l’ancien régime, qui, face aux coup de boutoir du mouvement de masse, a dû accorder des droits démocratiques importants. En Égypte, l’armée a également été forcée par les mobilisations populaires à se mettre provisoirement en retrait. Dans ces deux pays, les premières élections entre fin 2011 et juin 2012 ont donné la première place aux courants de l’islam politique déjà très implantés dans la population, s’appuyant sur la religiosité de la population et des réseaux d’entraide, et jouissant du prestige d’avoir été longtemps réprimés.
Ces courants ont cependant commencé à accaparer les pouvoirs et tenté d’imposer des mesures réactionnaires, contre les droits des femmes, etc. tout en cherchant de bonnes relations avec les institutions internationales, et prétendant poursuivre une orientation néolibérale. La répression des mouvements sociaux et partis politiques de gauche par la police et par les attentats (comme les assassinats des députés du Front Populaire Chokri Belaid et Mohamed Brahmi en Tunisie) a provoqué de nouveau d’immenses mouvements de colère sans alternative politique nouvelle.
La réaction au pouvoir
Les anciens régimes ont alors trouvé l’espace pour reprendre le pouvoir. En Égypte sous couvert de répudier le Président de la République Frères musulmans Mohamed Morsi à la demande du mouvement populaire, le maréchal Sissi a mené un véritable coup d’État, qui en quelques mois, a supprimé toutes les libertés et abouti maintenant à une situation pire que celle sous Moubarak. En Tunisie, les islamistes d’Ennahdha effrayés du sort réservé à leurs cousins égyptiens, ont passé un pacte avec les notables de l’ancien régime qui a débouché sur la mise en place de gouvernements réactionnaires et néolibéraux. Leur politique a été en partie freinée par un mouvement populaire plus fort qu’ailleurs, en particulier du fait de la puissance de l’UGTT, la seule centrale syndicale réellement existante en Tunisie. En Libye, en Syrie, au Yémen, les situations sont devenues de plus en plus chaotiques et les guerres dominent les mouvements sociaux avec la radicalisation des courants confessionnels des diverses tendances de l’islam, dans lesquels s’insèrent cyniquement les appareils d’État des dictatures.
Une vague qui n’est pas terminée
Mais la contestation des pouvoirs installés a continué de produire ses effets, jusqu’au Soudan, à Oman, en Irak, au Liban. Même l’Arabie saoudite n’a pas été épargnée. En revanche, l’Algérie, marquée par la terrible guerre civile entre État et islamistes dans les années 1990-2000, n’a pas suivi ce mouvement, même si les contestations ne sont pas absentes.
Malgré l’importance des revers subis par les mouvements populaires, il est difficile de mettre fin à une vague de fond rassemblant la jeunesse, le prolétariat urbain mais aussi une bonne partie des classes moyennes, et surtout les couches populaires de régions marginalisées, surexploitées et polluées, qui convergent dans les revendications communes de la liberté, l’emploi, la dignité et la souveraineté nationale, qu’aucune répression ne peut totalement étouffer.
Perspectives révolutionnaires et campagne présidentielle
La tragédie d’Alep suscite, à travers le monde, émotion et révolte non seulement contre les bourreaux du peuple syrien mais aussi contre leurs complices qui s’indignent, cyniques et impuissants, pour mieux faire oublier tant leur abandon du peuple syrien que leurs propres crimes en Irak, à Mossoul, en Afghanistan ou au Yémen. L’odieux attentat terroriste de Berlin revendiqué par l’Etat islamique ne fait que souligner le terrible enchaînement de violences barbares qu’engendre l’offensive libérale et impérialiste des classes dominantes de par le monde.
Cette tragédie s’inscrit au centre des négociations entre les grandes puissances alors que se dessine une nouvelle politique des USA sous la houlette de la réaction alliant milliardaires et généraux.
« Je pense qu’avec la libération d’Alep, on dira que la situation a changé, pas seulement pour la Syrie, pas seulement pour la région, mais pour le monde entier, il y aura un avant et un après la libération d’Alep » a pu déclarer avec cynisme le dictateur sanglant de Syrie. Avec brutalité, il exprime une réalité politique tant dans la situation au Moyen-Orient que dans les rapports internationaux.
Les USA devenus incapables d’assumer leur prétention à maintenir l’ordre mondial sont contraints de composer avec les ambitions impérialistes de la Russie, de l’Iran et autres Turquie ou Arabie saoudite…
Ils encouragent la montée des forces réactionnaires comme ils l’ont fait dans le passé en portant une lourde responsabilité dans la formation d’Al Qaïda. Trump sera l’homme de cette politique des USA concentrés sur la défense de leurs propres intérêts, de ceux de Goldman Sachs and Co.
La mondialisation libérale et impérialiste rentre dans une nouvelle phase où la lutte pour le maintien des profits et éviter un nouveau krach, une faillite généralisée, s’exacerbe tant au niveau national qu’international.
Les bourgeoisies n’ont pas d’autre réponse à leur faillite qu’une fuite en avant qui ne peut qu’aggraver les tensions tant économiques et sociales que militaires et internationales.
Cette offensive provoque à travers le monde de multiples réactions et révoltes, de nouveaux affrontements se préparent à travers lesquels le mouvement ouvrier est appelé à connaître un nouvel essor. Nous n’en connaissons ni les rythmes ni les étapes, mais cette possibilité est inscrite dans le développement des luttes de classes. Elle porte la seule réponse à la banqueroute des classes capitalistes. Nous voulons nous donner les moyens d’y être acteurs en faisant vivre une perspective pour ces mobilisations et ces luttes qui permette d’inverser le cours des choses.
Sur ce chemin, il n’y a pas de raccourcis ni de voie détournée. Ce qui est à l’ordre du jour est de rassembler les forces en vue de ces affrontements qui posent la question de leur issue révolutionnaire pour en finir avec la domination des classes capitalistes.
« Crise de la représentation politique » ou nécessité d’un parti des travailleurs ?
Un nouveau discours politique se développe jusqu’à la caricature, contre « la caste », la corruption des dites élites, antisystème… Ni droite ni gauche, ni bourgeoisie ni prolétariat, ce nouveau populisme serait porté par les classes populaires.
« Ils ne nous représentent pas » devient y compris au sein de la gauche radicale le mot d’ordre du jour. La « crise de la représentation politique » serait un des facteurs déterminants de la situation actuelle y compris du point de vue des luttes des travailleurs. Cette formule, même si elle peut exprimer une part du mécontentement, est fourre-tout et mélange la censure de la démocratie qu’impose la finance en se soumettant les Etats par le biais de la dette publique et le rejet de la mondialisation et des partis institutionnels voués à la défense des intérêts des classes dominantes, leur corruption comme leurs mensonges ou le recours à la violence d’Etat pour imposer leur politique. S’interrogeant sur cette question, notre camarade Ugo Paletha écrit dans un article intitulé Vers l’autoritarisme ? Crise de la démocratie libérale et politique d’émancipation : « Malheureusement, cette crise d’hégémonie est trop souvent ramenée par les commentateurs politiques, et par certains segments de la gauche radicale, à une disjonction entre l’offre et la demande électorales, autrement dit à la version simpliste d’une crise de représentation politique. Il arrive même qu’elle soit perçue comme le symptôme d’une corruption des élites politiques, recodant ainsi sur un plan moral – donc dépolitisant – la crise politique à laquelle nous faisons face.
Ces interprétations sommaires mais répandues de la crise de la démocratie libérale ont donné une force certaine au récit populiste (au sens de Laclau, diffusé notamment par Podemos et ses principales figures politiques et intellectuelles, Pablo Iglesias et Iñigo Errejon. Ces derniers, comme le Parti de gauche (PG) et Jean-Luc Mélenchon en France, ont bâti leur discours politique dans la période récente sur l’idée simple – et juste à un tel niveau de généralité – qu’ « ils [les membres de l’élite politique] ne nous représentent pas ».
Mais ce slogan – et l’imaginaire qui lui est associé – charrient trop souvent une solution illusoire : l’émergence de nouveaux leaders, plus moraux, et de figures charismatiques mieux capables, non simplement d’incarner le peuple, mais à travers eux de le construire comme acteur politique en s’érigeant au-dessus des mouvements sociaux et des organisations politiques […] L’un des défauts essentiels de la démarche défendue par ces courants, dans leur diversité, est qu’elle repose sur une fausse évidence : l’exercice du pouvoir politique permettant seul d’impulser un changement social d’ampleur, les institutions politiques – et partant les élections – constitueraient le champ de bataille central pour la gauche radicale, et plus profondément l’unique locus de la politique d’émancipation. Pablo Iglesias a d’ailleurs affirmé dans un discours récent : « Nous avons appris à Madrid et à Valence que les choses se changent à partir des institutions. Cette idiotie que nous disions quand nous étions d’extrême gauche, que les choses changent dans la rue et non dans les institutions, c’est un mensonge ».[…] Cette conception relève de ce que Marx nommait l’« illusion politique », reposant sur une série de fausses équivalences entre le pouvoir politique, le pouvoir d’État et le pouvoir tout court. » Oui, et c’est bien cette question qu’il nous faut discuter. Pour le mouvement ouvrier, la question n’est pas celle d’être mieux représenté dans le cadre des institutions mais bien de se donner un instrument politique pour préparer l’affrontement avec les classes dominantes, la conquête du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes, la population.
L’écume et la vague de fond
Nous avons besoin de nous dégager des effets de mode, analyses superficielles, qui confondent l’écume avec le mouvement de fond. Une première remarque s’impose, du point de vue des classes exploitées, du mouvement ouvrier, cette dite « crise de la représentation » n’est pas vraiment une nouveauté. Elle a commencé avec la faillite de la social-démocratie en 1914 puis la soumission des partis communistes à la bureaucratie stalinienne avant que les partis communistes ne réintègrent après la deuxième guerre mondiale le giron des institutions bourgeoises. Faire semblant de redécouvrir le monde n’est pas une bonne façon de faire sauf si on cherche à être une nouvelle représentation politique dans le cadre de ces institutions, la politique de Podemos ou de Mélenchon, c’est à dire recommencer une histoire qui s’est avérée une impasse dramatique.
La montée des forces réactionnaires n’est pas liée à une simple question de représentation mais bien à la crise globale du capitalisme mondialisé, à l’impuissance du système politique institutionnel dit démocratique dans les pays riches à contenir le mécontentement, les inquiétudes, les souffrances qui touchent des fractions de plus en plus larges de la population.
La globalité de la crise condamne à l’impuissance, au mieux, des forces politiques qui ne s’attaquent pas à la racine des problèmes, la politique des classes dominantes et de leurs Etats, la logique capitaliste du profit et de la concurrence.
A la fin de cette année 2016, le basculement du monde dans l’instabilité et dans des tensions exacerbées exige des réponses démocratiques et révolutionnaires. Encore moins que par le passé, il n’est possible de replâtrer le système. Une vision stratégique claire seule permet d’avoir une boussole à travers les différents moments de l’actualité ou les mille aspects des luttes de classes.
Le lien entre nos tâches quotidiennes et la perspective du pouvoir ne peut se faire que si nous disons clairement et sans ambiguïté l’enjeu de notre combat, non seulement dans notre programme mais y compris dans notre agitation en trouvant les formules pour populariser l’idée d’un pouvoir démocratique des travailleurs.
La tragédie d’une révolution écrasée n’est pas la fin du processus ouvert en 2011
La montée des idées réactionnaires loin de nous pousser à chercher des positions de replis, des formules qui permettraient d’éventuelles alliances avec des forces réformistes sous couvert de faire face au recul, nous encourage au contraire à travailler collectivement à élaborer nos analyses et explications qui fondent notre démarche révolutionnaire. Les forces réactionnaires ont le terrain libre non pas parce que les travailleurs ne seraient pas « représentés » mais bien parce qu’il n’y a pas de mouvement significatif capable de formuler une politique pour les mobilisations en vue de luttes politiques, d’affrontements pour en finir avec le pouvoir des classes dominantes.
A partir de 2011, dans les premières années du NPA fondé au tout début de la crise qui s’est développée depuis, notre compréhension de la période s’articulait autour d’une idée essentielle : la vague révolutionnaire qui balaye le monde arabe souligne le fait que les conditions objectives d’une nouvelle période révolutionnaire mûrissent.
Ces révolutions s’inscrivent dans une évolution globale du monde qui fonde et légitime une stratégie révolutionnaire.
Les bouleversements opérés par la mondialisation libérale et impérialiste ont mûri les conditions objectives pour une transformation révolutionnaire de la société en mettant en concurrence les travailleurs à l’échelle de la planète, en prolétarisant des millions de paysans, en ouvrant les frontières, en développant comme jamais les relations internationales, les transports, les nouvelles technologies. En portant les contradictions mêmes du capitalisme à un niveau d’exacerbation jamais atteint au point que le décalage entre les progrès scientifiques, techniques et la dégradation sociale pour le plus grand nombre, le creusement des inégalités, la paupérisation sont devenus insoutenables.
Ce sont ces contradictions qui ont engendré la première vague révolutionnaire de la nouvelle période.
Un mouvement irréversible a été engagé, il connaîtra des hauts et des bas, des victoires et des défaites, de lentes accumulations de forces puis de brusques accélérations, des explosions mais notre stratégie doit toute entière s’inscrire dans cette nouvelle période de guerres et de révolution.
La catastrophe financière est imminente, la discussion sur les moyens de la conjurer est au cœur du débat à l’échelle nationale et internationale. L’étape que vient de franchir la crise économique et financière a des influences politiques qui créent une période d’instabilité politique, d’usure, de discrédit des partis institutionnels qui entraîne une évolution rapide des consciences.
La question de la dette n’a pas de solution dans le cadre des rapports de classe du capitalisme, la dette publique s’inscrit dans le fonctionnement à crédit du capitalisme qui doit anticiper en permanence les profits non encore réalisés ou qui ne se réaliseront… pas. Le gonflement de la bulle financière accroît sans limite cette logique de l’économie d’endettement tant public que privé. Tous les partis sont confrontés à ce problème qui les ruine à court terme.
La question sociale s’impose comme la question politique clé en lien avec la question de la démocratie.
« Non à l’austérité », « annulation de la dette », « aux peuples de décider », deviennent des mots d’ordre quasi universels.
La crise écologique, par sa globalité, remet en cause l’ensemble du système et fait de la circulation des capitaux un facteur écologique de première importance. Elle donne au besoin d’une gouvernance mondiale, à celui d’une planification démocratique un contenu évident autant il est vrai qu’il n’y a pas de réponse locale ou partielle à la crise écologique planétaire.
Le principal facteur de stabilité des vieilles bourgeoisies impérialistes, les surprofits impérialistes, est sapé par une terrible concurrence internationale avec son corollaire, la mise en concurrence des travailleurs à l’échelle internationale : crise de la domination de la bourgeoisie qui nourrit le populisme mais aussi émergence d’une nouvelle classe ouvrière internationale porteuse de la transformation révolutionnaire de la société.
La réponse des classes dominantes et des grandes puissances à l’émergence encore incertaine de ces exigences dans le monde arabe a été la répression dont la tragédie d’Alep marque le sinistre et sanglant apogée alors que le djihadisme poursuit ses exactions barbares.
Les forces réactionnaires ont pu briser cette première vague de la révolution, elles n’en sont pas pour autant venues à bout. Les exigences de la révolution ne sont pas, elles, brisées, elles gagnent du terrain, se répandent.
A l’opposé des confusions sur « la nouvelle représentation », la nécessité d’une démocratie révolutionnaire
La déferlante réactionnaire ne doit pas nous enfermer dans l’instant. Elle est la seule politique d’une classe en faillite incapable d’offrir d’autres perspectives aux peuples que l’égoïsme national, l’obscurantisme religieux, la mystique nationale et la haine de l’autre pour leur imposer la régression sociale, démocratique, la guerre en permanence.
Toute notre politique doit être fondée sur l’idée qu’à l’opposé, les travailleur-e-s, et la jeunesse, les classes exploitées vont chercher les moyens de se défendre, les armes pour se battre.
La perspective révolutionnaire va progressivement, à travers les expériences quotidiennes, gagner les consciences.
C’est cette expérience qui construit le lien concret et pratique entre notre activité quotidienne, les luttes d’aujourd’hui et la lutte pour le pouvoir demain.
La révolution n’est pas un saut qualitatif à partir de rien mais bien un bouleversement, une rupture, conséquence de l’accumulation de contre-pouvoirs locaux gagnés dans les syndicats, les associations, les institutions elles-mêmes. L’agitation, l’activité révolutionnaire n’est pas une simple dénonciation ou incantation mais la lutte pied à pied pour gagner des positions, la lutte pour des micropouvoirs démocratiques et révolutionnaires, accumulation primitive de forces révolutionnaires, de matériels explosifs en vue de la conquête du pouvoir. La révolution est bien un processus, celui de la révolution en permanence.
La bataille pour la candidature de Philippe Poutou, vers un parti des travailleurs…
Ces dernières années, le NPA a connu des doutes, des hésitations à assumer une politique de parti pour la transformation révolutionnaire de la société s’adressant à l’ensemble de la classe ouvrière, de la jeunesse. Il en a été fortement affaibli.
Nous donner maintenant les moyens d’être présents dans la campagne présidentielle autour de Philippe Poutou, ouvrier candidat, est une étape importante pour surmonter nos difficultés en défendant une politique et un vote de classe, contre leur système, en rupture avec lui. En rupture aussi avec celles et ceux qui dénoncent les élites pour mieux rester dans le cadre institutionnel et y enfermer le mécontentement.
C’est une bataille importante pour contribuer à ce que l’ensemble du mouvement révolutionnaire sorte des politiques d’auto affirmation pour rassembler, unir ses forces pour faire face aux tempêtes à venir.
Le mouvement anticapitaliste et révolutionnaire est devant une nouvelle étape. Depuis l’effondrement de l’ex-URSS, il y a près de 30 ans, l’extrême gauche, pour l’essentiel le mouvement trotskyste, n’a pas réussi à répondre aux nouvelles possibilités ni aux nouveaux besoins nés de la fin du stalinisme et de la transformation de la social-démocratie en social-libéralisme. Aujourd’hui ces évolutions laissent un champ de ruines, des militantEs désemparés, démoralisés pour beaucoup. Nous n’avons pas encore réussi à opérer notre révolution culturelle, un saut qualitatif de groupes opposants à la social-démocratie et au stalinisme en un petit parti ouvrier et populaire, que ce soit Lutte ouvrière et l’appel à un parti des travailleurs après 1995, Voix des travailleurs et la politique d’unité des révolutionnaires de 1997 à 2000, la LCR avec la fondation du NPA, aujourd’hui le NPA lui-même.
Lutte ouvrière s’enferre dans un repli sur soi contraire à l’orientation qui avait permis à LO de jouer un rôle essentiel dans le développement du mouvement révolutionnaire au sein de la classe ouvrière. Ce repli s’exprime de façon caricaturale dans l’analyse de La Russie de Poutine que fait LO. Dans un article intitulé Décembre 1991 : la fin de l’URSS, pas des idées communistes, publié le 14 décembre dernier, Lutte ouvrière revient sur l’effondrement de l’URSS et sur le régime de Poutine. « Arrivé à la tête de la Russie en 2000, Poutine se donna pour tâche de rétablir la «verticale du pouvoir», dans l’intérêt de la bureaucratie dans son ensemble. Il imposa que les affairistes se soumettent à l’État et paient leurs impôts, tout en permettant leurs pillages, avec comme perspective la réintégration de la Russie dans le marché mondial.
Mais le capitalisme en crise n’est plus capable de progrès depuis longtemps déjà. Il est incapable de se substituer efficacement à l’économie et aux rapports sociaux hérités des soixante-dix ans d’existence de l’URSS, si ce n’est pour permettre à une minorité de s’enrichir.
La fin de l’URSS a marqué une étape décisive dans le processus réactionnaire dont le stalinisme avait été l’incarnation sanglante, et il n’y a pas lieu de se réjouir de l’évolution en cours. La perspective d’une future Union socialiste mondiale des travailleurs reste la seule qui permettra à l’humanité de reprendre sa marche en avant. » Quelle est la place de la Russie aujourd’hui dans le monde libéral et impérialiste ? Continuité de la bureaucratie ? Continuité de l’Etat ? De l’Etat ouvrier ? Le lecteur ne saura pas. Cette analyse fermée et métaphysique est l’expression de la fermeture de LO elle-même.
Pourtant, la nouvelle époque dans laquelle nous entrons demande un dépassement de l’extrême-gauche, rendu nécessaire mais aussi possible par le basculement du monde dans une crise globale sans précédent qui crée les conditions objectives de cette mue, l’exige et la rend possible.
Cette question s’était déjà posée après la fin de l’URSS, à partir de 1995 après qu’Arlette Laguiller a rassemblé plus de 5 % des voix à l’élection présidentielle et le mouvement de novembre-décembre 95 puis quand, ensemble la LCR et LO ont obtenu 5 députés au Parlement européen. En 2002, l’extrême gauche réalisait plus de 10 % des voix à l’élection présidentielle.
Rien de significatif n’est sorti de cette période. Conditions objectives ?
Non, ou du moins pas seulement, mais l’incapacité de l’extrême-gauche à surmonter ses divisions. Il ne s’agit pas d’une question psychologique, ou morale, de sectarisme, mais bien d’une question politique de fond : les conceptions de construction par en haut, d’auto construction dans laquelle le programme est plus un instrument de délimitation, de clivage qu’un instrument d’intervention et de regroupement.
Rompre avec ces conceptions n’est pas abdiquer d’une fermeté stratégique, bien au contraire. Les idées ne servent pas à cliver sinon ce sont des formules dogmatiques, elles servent à agir, à unir pour agir.
Nous rééditons en annexe de cet article un texte de 1997 rédigé par Voix des travailleurs, groupe constitué par les militantEs excluEs de LO à ce moment-là, qui illustre notre propos en revenant sur l’histoire de la façon dont la construction d’un parti s’est posé pour le mouvement ouvrier. Nous voulions opposer la réalité aux mythes.
Un parti de la classe ouvrière participe d’un processus d’auto-organisation dans lequel sont acteurs groupes, tendances, militantEs, un processus créateur qui suscite initiatives, cimenté par une même conscience révolutionnaire, socialiste et de classe.
Le parti est une sorte de melting-pot à travers lequel il se transforme lui-même, évolue, se renforce, élabore sa politique à travers une confrontation permanente tant entre les différents courants qui s’y retrouvent qu’avec les autres forces du mouvement ouvrier.
C’est notre capacité à rassembler toutes nos forces qui peut nous permettre de surmonter nos actuelles difficultés. Cette capacité ne renvoie pas à des qualités morales, individuelles mais bien à une question de stratégie, la compréhension de la nouvelle période, les tâches qui en résultent, les changements qu’elle implique et la volonté de construire un parti révolutionnaire et démocratique sur des bases de classe.
Il y a six ans débutait en Tunisie un processus révolutionnaire secouant la plupart des États d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient.
Dans un mouvement cumulatif début 2011, des soulèvements de masse remettaient en cause des régimes politiques d’origine très diverses (républiques nationalistes pro ou anti-occidentales, monarchies absolues ouvertement réactionnaires ou se voulant modernistes). Un dictateur après l’autre était conspué avec une haine commune, contre la confiscation de l’État et l’arbitraire, contre la corruption et le chômage généralisés. Et dans plusieurs d’entre eux, face à la répression sanglante, des manifestations immenses scandaient le slogan « Ash-shab yurid isqat an-Nizam ! » « Le peuple veut la chute du régime ! »… D’hier à aujourd’hui, ce dossier revient sur quelques éléments d’un processus essentiel.
Les images accompagnant la chute des derniers quartiers libres d’Alep-est provoquent à juste titre des protestations dans le monde, hélas pas partagées par tous les leaders politiques. L’évacuation de près de 80 000 habitants et des combattants qui restaient encore dans ce minuscule réduit se fait dans les conditions les plus difficiles…
Après des mois de siège et des semaines d’assaut militaire, les habitants d’Alep ont dû se résoudre à accepter de quitter la ville, comme les insurgés syriens ont été obligés de le faire auparavant à Homs, Daraya et Zabadani… Ils n’ont pu résister aux bombardements incessants avec l’aide des avions russes, à la destruction de toutes les infrastructures et moyens de subsistance, et aux offensives au sol des troupes du régime et des milices dirigées par le pouvoir iranien de Khamenei/Rohani.
Le régime voulait que la reddition se passe sous son contrôle total en direction d’Alep-ouest, avec à la clé la disparition ou l’enrôlement forcé de nombreux hommes dans l’armée de Damas. Mais les insurgés et l’augmentation de la mobilisation dans le monde ont obtenu que l’évacu- ation finale se fasse vers la zone hors du contrôle du régime, au nord-est d’Alep. Cependant les plus grandes incertitudes continuent de régner sur cette évacuation de milliers d’habitants laissés dans le dénuement le plus total, et qui vont dans une zone qui sera probablement la prochaine cible de Bachar el-Assad.
Crime contre l’humanité
Le régime syrien est en fait résolu à éliminer toute opposition, à n’importe quel prix. Les innombrables crimes de guerre qu’il a commis (emploi d’armes interdites dont les armes chimi- ques, exactions multiples contre les populations civiles et les combattants désarmés, contre les infrastructures et personnels médicaux, abandon de toute protection des populations) consti- tuent un crime contre l’humanité se déroulant sous les yeux du monde, avec la complicité ou la passivité de quasiment tous les gouvernements.
Presque jusqu’au bout, les habitants d’Alep-est ont espéré un cessez le feu qui serait imposé par une « communauté internationale » sensible à leur martyr. Bien sûr, c’est l’alliance du régime avec Poutine et le pouvoir iranien qui les a écrasés sans aucune pitié. Mais cette alliance n’a fait que porter à l’apogée les outils géopolitiques accumulés depuis des années par toutes les grandes puissances : les justifications étatsuniennes, mais aussi britanniques et françaises aux interventions militaires massives dans le tiers monde au nom de la défense de leurs intérêts étatiques et de la « guerre au terrorisme ».
En ce même nom, le renoncement à l’essentiel des protections juridiques des législations portant sur les droits humains (torture, exécutions extra-judiciaires, emprisonnements sans procès, etc.). Pour justifier ces crimes, le droit à la désinformation médiatique la plus cynique. Et pour garantir ces politiques, le droit de veto à l’ONU qui permet à cinq grandes puissances de s’arroger la vie et la mort de populations entières.
Admiration, complaisance et aveuglement
Dans ce contexte, il faut dénoncer les prises de position scandaleuses de Marine le Pen et de François Fillon. Ils admirent Poutine pour sa capacité à incarner un pouvoir fort, qui ne s’em- barrasse pas de contingences « droits-de-l’hommistes » et qui défend sans états d’âme la « civilisation chrétienne ». En bons héritiers du colonialisme, ils assument que les peuples de la région arabes doivent être dirigés d’une poigne de fer.
Hélas, nous voyons à gauche des discours tendant à converger avec ce position- nement, remettant en cause les informations les plus vérifiées par les médias, cela au nom des manipulations passées. Malgré sa propension à jouer les victimes, avec d’autres, Jean-Luc Mélenchon persiste à propager le mensonge selon lequel il n’y aurait plus de démocrates dans la résistance à Assad, que les combattants d’Alep sont tous « les assassins de Charlie », voire assimilables à « des Waffen-SS »… passant par pertes et profits le fait que Daesh a été chassé d’Alep en 2014 ! Bref, qu’il n’y a plus rien à défendre dans l’insurrection syrienne. Les tortures et massacres de masse du régime sont relativisés, le fait que les bombardements du régime et de ses alliés épargnent Daesh pour se concentrer sur les zones où existent des coordinations citoyennes est nié.
Leur hypocrisie, nos solidarités
Mais nous ne sommes pas dupes des larmes hypocrites des membres du gouvernement socialiste qui disent défendre le peuple syrien, alors qu’ils en avaient le pouvoir et n’ont rien fait. Ni pour permettre aux Syriens insurgés de se défendre, ni pour empêcher l’aide humani- taire d’être accaparée par l’appareil du régime massacreur, ni pour accueillir dignement les centaines de milliers de réfugiés qui fuyaient la guerre en espérant trouver un asile, même provisoire, dans les pays d’Europe.
Nous ne devons pas nous résigner à accepter la perte de l’humanité élémentaire qui, seule, offre l’espoir d’un avenir meilleur.
Il faut saluer et amplifier les mobilisations citoyennes en solidarité avec les habitants d’Alep, exiger l’arrêt immédiat de tous les bombardements au Moyen-Orient, qui ne règlent en rien le problème de la montée de courants terroristes. Nous devons exiger la fin des sièges des villes syriennes, l’envoi d’aide humanitaire d’urgence. Nous devons consolider des liens de solidarité concrets avec les démocrates syriens. Et nous avons besoin d’une révolution complète des institutions internationales comme l’ONU, qui ne servent aujourd’hui qu’aux puissants.