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Liban: La guerre contre les réfugié(e)s syrien(ne)s ou la continuation de la guerre de classe (LCR.b)

A chaque fois qu’on formule des expressions telles que « le prestige de l’Etat », « l’armée est une ligne rouge », et la  « préservation de l’institution militaire », ou autres phrases ronflantes que serinent à l’envi les politiciens des pivots confessionnels de l’intérieur des retranchement du pouvoir libanais, ou de l’extérieur, je sais alors que l’Etat libanais mène par le biais de l’armée une nouvelle guerre de classe contre les réfugiés, les pauvres, les travailleurs, hommes ou femmes.

Notons ici que l’institution militaire de la classe dirigeante et de l’Etat libanais ne se limite pas à la police et l’armée, -mais s’étend aux milices et aux nervis de quartiers qui composent l’appareil « local » du pouvoir libanais et qui assument la tâche de maintenir « les populations » dans des compartiments confessionnels, et sous le prestige de directions « populaires-locales » qui ont étendu leur pouvoir aux quartiers.

Mais cette institution militaire à travers ses branches, officielles ou non, joue un autre rôle encore plus féroce.

C’est l’oppression et la torture des réfugié(e)s, des travailleur(se)s étrange(ère)s. Avec l’intensification de leur main de fer, elle arrête, tue et détruit des camps de réfugiés, se montre gentille devant les armes miliciennes et confessionnelles sophistiquées, de Saïda à Beyrouth et Tripoli, la Bekaa et le Sud. Cette institution militaire n’a joué qu’un rôle d’officier de la Sûreté politico-confessionnelle. Elle n’a jamais défendu le peuple et les gens face aux massacres confessionnels, mais elle s’y est adaptée et s’est transformée elle aussi en milices soutenant des directions confessionnelles contre d’autres, comme c’est arrivé pendant la guerre civile. Avec le retour de l’ère de « la paix », après l’accord de Taïef, les milices combattantes ont été intégrées dans l’armée « nationale » et sont devenues un appareil parmi d’autres appareils de contention de classe et confessionnelle, de par les quotas confessionnels à l’embauche, pour les promotions ou autres. Elles ont été les premières à exécuter les décisions du régime du Bath au Liban, où elles ont eu le privilège et l’orgueil de porter ses dogmes.

Cette institution militaire a toujours été le bras droit des guerres du pouvoir libanais contre les réfugiés, sous le couvert de « lutte nationale » ou de « lutte anti terroriste ».

Dans les deux cas cet appareil ne s’attaque pas à l’occupation israélienne par exemple, ni aux milices confessionnelles armées, mais elle torture, contraint à la fuite et frappe les réfugié(e)s, les pauvres. Nous l’avons vu au camp de Nahr El Bared en 2007 et nous le voyons aujourd’hui à Ersal : c’est une nouvelle version de la seule guerre qui soit, à savoir celle du régime contre les réfugiés.

Cette année-là, les factions palestiniennes ont proposé leur aide à la direction militaire pour se débarrasser de Fath Al Islam dans le camp de Nhar El Bared, sans recourir à la destruction du camp. Mais l’armée à décliné l’offre de ceux qui connaissent le camp pierre par pierre, et le bombardement ne s’est calmé qu’après la destruction totale du camp et le martyre de nombreux civils palestiniens et de soldats libanais au cours de la bataille.

En 2008, l’armée libanaise en collaboration avec des milices du 8 mars à Beyrouth et d’autres régions a contribué au rééquilibrage « militaire-confessionnel » interne dans toutes les régions du Liban, notamment à Beyrouth et à la « pacification » de la situation entre forces s’entre égorgeant, et bien sûr aucun homme armé des partis au pouvoir n’a été arrêté.

Nous ne pouvons pas oublier non plus 2004, lorsque cette institution nationale s’était opposée à la grève générale d’alors, tuant cinq travailleurs dans le quartier de Salam. Elle avait réprimé elle-même les mouvements revendiquant l’électricité et avait tué des citoyens pendant des années en menant la répression de ces mouvements.

L’histoire libanaise contemporaine a vu plusieurs exemples de ce qu’ont enduré les Palestiniens au Liban par exemple, ou les Libanais eux-mêmes, avant, pendant et après la guerre civile, aux mains des institutions militaire et sécuritaire libanaises. A qui l’aurait oublié, nous rappelons la grève de l’usine de Gandour, et la manifestation au cours de laquelle a été tué Maarouf Saad à Saïda, ainsi que la guerre d’annihilation entre Aoun et Geagea, lorsque ce qui restait de l’armée s’est réparti entre les deux camps.

Cette institution dans son dogme, identifie le nationalisme par l’embrigadement confessionnel, en d’autres termes son rôle reste confiné à la sphère de l’équilibre militaire politico-confessionnel, en uniforme « national » et il n’est pas étonnant que la seule institution considérée comme « nationale » au Liban soit l’institution militaire et de sécurité, soit l’institution dont le premier pilier est la violence organisée.

Dans la logique du système confessionnel libanais, le gouvernement national est l’antithèse du confessionnalisme, mais dans la réalité il n’est qu’un pouvoir sécuritaire et dans la plupart des cas une déclaration de guerre de classe, permanente, à certains moments contre les travailleurs et les mouvements sociaux, qui menaceraient la paix sociale, et à d’autres moments, contre les réfugié(e)s au prétexte de la construction d’une identité « libanaise » qui les sauverait de la crise sociale économique et politique du régime, et le meilleur moyen pour la bourgeoisie, où qu’elle se trouve, pour fuir sa crise, c’est le racisme et le fascisme.

C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. Du fait de l’absence de volonté de pans du pouvoir politique de trouver une solution à la question des otages de façon politique, ou même militaire,- ce qui a été fait maintes fois avec l’ennemi sioniste ou les milices libanaises-, le pouvoir politique et l’institution militaire transforment leur combat en affrontement contre les réfugiés syriens, pour fuir leur impuissance. Bien que les familles des soldats enlevés eux-mêmes aient répété plusieurs fois qu’il n’y avait pas de rapport entre les réfugiés syriens et la question du kidnapping. Et comment pourrait-il y avoir un rapport puisqu’ils sont eux-mêmes les premières victimes de Daech et de leurs actes terroristes.

Quant à ce racisme, bien des plumes tentent de le justifier par l’existence de causes objectives contingentes, comme la question du gagne-pain et de la concurrence pour les emplois et autres, ou encore l’héritage de la relation libano-syrienne sous le protectorat.

Mais, et pendant la période du pouvoir du Baath au Liban, la direction militaire fut de façon permanente le bras droit de l’exécution de toutes les exigences de l’autorité d’Assad. Ses commandants et ses troupes ont été formées pour porter et défendre la « relation stratégique avec la Syrie d’Assad », c’est-à-dire l’alliance entre le régime confessionnel libanais et le régime tyrannique du Baath.

Dans les combats actuels d’Ersal à la suite de l’enlèvement des soldats libanais par Daech et En-Nosra, l’institution militaire libanaise a mis le feu aux camps de réfugiés, harcèle et arrête les réfugiés syriens dans tout le Liban, sous l’égide d’un discours raciste et haineux qui considère tout Syrien comme « daechiste » ;

La fabrication de cette relation entre Daech et les réfugiés syriens n’est que racisme, direct et clair, qui se refugie derrière « la lutte contre Daech » pour combattre les réfugiés syriens au Liban.

Aujourd’hui comme hier, le pouvoir libanais procède à une catégorisation raciste claire sous couvert de lutte anti-terroriste, feignant d’oublier et d’ignorer la réalité que Daech ou En-Nosra ne sont ni l’une ni l’autre des organisations syriennes, de même que Fath Al Islam n’était pas une organisation palestinienne, mais il s’agit d’organisations confessionnelles tekfiries transnationales, parrainées par les forces régionales et locales, qui vont des classes dirigeantes libanaise ou syrienne aux monarchies et émirats du Golfe.

Au lieu de riposter à Daech et En-Nosra, qui ont enlevé les soldats, nous les voyons appuyer et maintenir l’équilibre confessionnel et militaire et régional. Les exigences de « nationalisme libanais », soit ce prestige s’enorgueillissant au rythme des bottes qui écrasent sont les conditions sine qua non de la préservation de ce système à la botte de l’institution militaire.

Dans les années qui ont suivi 1948, c’est-à-dire dans la première phase d’exil palestinien au Liban, résultant de l’expansion de l’occupation sioniste en Palestine, le pouvoir libanais avait transféré les camps de réfugiés du Sud au Centre et dans la Bekaa et à Alep (le convoi d’Alep s’est arrêté au Nord et s’est stabilisé au camp de Nahr Al Bared), et avait administré les camps de façon sécuritaire directe par la police et l’armée. Avec la création du deuxième bureau à l’époque du général président Fouad Shehab, la main de fer sécuritaire et du renseignement s’est accrue contre les Palestiniens, et parmi les plus importantes « réalisations »  du deuxième bureau d’alors, la mort en martyr du militant Jalal Kaoush sous la torture dans son cachot.

Il n’aurait pas été nécessaire de parler ne serait-ce qu’une journée de « l’importance » du maintien du prestige de l’Etat si l’armée s’était engagée dans une confrontation contre l’occupation israélienne par exemple, dans le peu de fois où cela a été le cas, mais cela aurait alors salué son héroïsme, mais ce prestige ainsi que la nécessité de le préserver sont d’actualité seulement lorsque l’institution militaire mène une guerre de classe contre les réfugié(e)s, les pauvres et les travailleur(euse)s.

Les récents événements d’Ersal qui ont conduit à l’enlèvement de soldats libanais par Daesh et En-Nosra, sont le nouvel « argument » utilisé par la plupart des forces politiques libanaises pour réhabiliter leur racisme préexistant, tenter d’en étendre la portée et d’embrigader toute la société dans une nouvelle guerre contre les réfugié(e)s.

Ce racisme n’est pas étonnant de la part de l’Etat libanais, ou de ses partis, car la plupart des partis qui composent le pouvoir en place, ont construit leur légitimité « nouvelle » sur les ruines des massacres et des guerres sociales interminables contre les réfugiés palestiniens, et ce racisme a été couronné par l’accord de Taïef qui a prolongé et fixé les mesures arbitraires et les politiques de punition collective contre les Palestiniens au Liban.

Aujourd’hui, le régime libanais commence une autre guerre contre les réfugiés syriens au Liban, qui va des politiques d’expulsion, d’annulation des statuts de réfugié, d’incendie des camps et d’arrestations arbitraires, d’humiliations par les fouilles, pour en finir par les passages à tabac, la torture et autres méthodes violentes et arbitraires.

En outre, une guerre économique est menée contre eux par l’augmentation des  loyers, sans parler de la répétition hystérique de ce que « Les Syriens volent le pain libanais », l’obligation faite aux réfugiés syriens de payer le prix de leur assignation à résidence dans des tentes de réfugiés aux propriétaires des terrains, aux intermédiaires et aux courtiers de l’asile qui volent leurs ressources puis les chassent de leurs abris, et autres moyens détournés qui font que dans la plupart de cas, la condition du réfugié est plus difficile que la guerre elle-même.

Certains pourraient s’étonner de l’emploi du terme « racisme » ici, puisque les Syrien(ne)s et les Libanais(e)s ne sont pas des éléments différents, et certains renonceront à utiliser ce terme ou tentent de le justifier comme une « une réaction naturelle » dans la situation que nous vivons. Le racisme et le confessionnalisme ne sont pas nouveaux pour la classe au pouvoir et l’Etat libanais tout entier. La « première république » qui a vu le jour et s’est développée dans le giron du mandat français, s’est édifiée sur l’héritage des massacres confessionnels perpétrées par la féodalité libanaise lors de la guerre de 1860 contre les paysans, qui a été encouragée par l’Empire ottoman et dont a profité le colonialisme européen, pour construire un équilibre confessionnel et géopolitique en Syrie et au Liban, qui a garanti à tous les deux une domination concurrentielle dans l’espace libano-syrien. Le grand Liban fut l’incarnation réelle du confessionnalisme fabriqué par la féodalité libanaise lors de cette guerre.

Tandis que la plupart des dirigeants politiques libanais,-indépendamment de leur position au sein de la répartition libanaise-, en appellent à expulser de larges pans des réfugiés syriens, nombre de municipalités ont commencé en retour à expulser les réfugiés syriens de leurs localités.

En même temps, les milices libanaises et leurs nervis dans les quartiers lancent des menaces et les attaquent, frappent et kidnappent les réfugiés et les travailleurs syriens dans les régions où ils sont présents, réalisant ainsi (de façon concrète), les espoirs de leurs dirigeants en se débarrassant des réfugiés syriens au Liban.

En outre, sous le parapluie et sous couvert « national » l’institution militaire libanaise dans toutes ses  branches, harcèle, fait fuir et frappe des milliers de réfugiés syriens lors de raids dans les camps, en les incendiant, en les détruisant, tout cela pour « lutter contre le terrorisme ». L’armée est le premier et le dernier ressort de la couverture « nationale » du régime confessionnel libanais.

Avec l’institution militaire, la violence confessionnelle et raciste et de classe menée par le régime se transforme en violence « laïque » ornée dans le passé et chaque jour de slogans tels que « 100% Libanais » et « Armée, peuple et résistance » et  « Gloire à tes bottes » et autre expressions de la psychose de la soldatesque et du chauvinisme « national » et de la soumission totale face aux scènes d’écrasement menées par l’armée nationale contre les réfugié(e)s syrien(ne)s, comme elle l’a fait précédemment contre les Palestinien(ne)s et contre les Libanais(e)s pendant la guerre civile. Ces scènes d’écrasement ne diffèrent guère de celle qu’elle a pratiquée et que pratique la soldatesque du régime syrien indifféremment contre les Libanais(e)s, les Syrien(ne)s et les Palestinien(ne)s. La soldatesque n’a qu’une seule nationalité, l’identité d’«écrasement», le dispositif à travers lequel on impose et on applique cette violence de classe, confessionnelle et raciste.

Depuis l’Egypte qui est l’un des plus importants centres de la contre-révolution jusqu’au Golfe à l’est et à l’Océan atlantique à l’ouest, en passant et en arrivant en Syrie et au Liban, le racisme a été une arme aux mains des régimes et ce qu’endurent les travailleurs étrangers dans les monarchies du pétrole ne diffère en rien des souffrances des travailleurs africains en Tunisie ou en Liban, et ce à quoi sont exposés les Amazigh au nord de l’Afrique n’est pas différent de la situation des Kurdes sous le régime du Baath, irakien et syrien. Actuellement, alors que la révolution régresse, ou s’éteint par les épées de Daech, les fusées de la coalition internationale et les bottes de l’armée, il faut, alors que se coalisent les régimes dictatoriaux arabes et leurs parrains impérialistes mondiaux ou régionaux, former une alliance révolutionnaire des peuples insurgés pour s’opposer à ces régimes, en dépassant l’illusion des divisions nationales, de frontière et identitaires, vers un mouvement solidaire pour faire face aux régimes de la répression et de l’oppression.

(Le texte ci-dessus est le dernier article de Bassem Chit. Notre camarade y mettait la touche finale dans la nuit du 30 septembre, quelques heures avant sa mort. (Publié par le comité de rédaction)

(Traduction de l’arabe, Luiza Toscane, Rafik Khalfaoui)

lien vers l’article en arabe : http://www.al-manshour.org/node/603

http://www.lcr-lagauche.org/liban-la-guerre-contre-les-refugiees-syriennes-ou-la-continuation-de-la-guerre-de-classe/

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