Djibouti est un pays stratégiquement placé dans le contexte géo-politique mondial actuel.
Le petit Etat d'Afrique de l'Est est avec l'Erythrée, au nord, et le Yémen, en face, un point de passage obligé entre la mer Morte et le Golfe d'Aden, soit la route vers le canal de Suez. Tandis que d'un point de vue géopolitique, le pays, à quelques kilomètres du Moyen-Orient, constitue un allié et une base-arrière essentiels pour des puissances comme la France, les Etats-Unis et, demain, la Chine. De quoi protéger son président Ismaël Omar Guelleh, connu pour sa pratique pour le moins autoritaire du pouvoir ? Jusqu'à présent, oui.
Djibouti aux côtés des Occidentaux contre le terrorisme
A Djibouti, Français et Américains sont présents. Ils y disposent de bases militaires, stratégiques pour leur action au Moyen-Orient, en Afrique de l'Est et dans l'océan indien. Qu'il s'agisse des opérations anti-piraterie au large de la Somalie ou de la lutte contre le terrorisme islamique, difficile de faire l'impasse sur ce pays tant les alternatives sont peu nombreuses, voire inexistantes.
Dans ce contexte, les remerciements appuyés de Washington à Djibouti en mai dernier n'ont rien d'étonnant. Comme l'a en effet relaté le site d'information suisse Romandie, le secrétaire d'Etat américain John Kerry y a effectué une visite officielle pour remercier le gouvernement d'avoir accueilli plusieurs centaines de ses concitoyens contraints de fuir le Yémen et la Somalie.
De fait, Djibouti a considérablement accru sa participation à la lutte contre l'extrémisme religieux dans la région et ne cesse de se placer en allié pour les puissances occidentales. Le pays fait partie d'une coalition militaire et humanitaire qui, sous l'égide de l'Union africaine et avec le soutien des Etats-Unis, combat les islamistes Shebab somaliens, proches d'Al-Qaïda.
Profitable aux pays occidentaux, la stratégie menée par Ismaël Omar Guelleh, président de Djibouti en poste depuis 1999 et qui vise un 4e mandat consécutif lors de la prochaine élection présidentielle prévue pour 2016, n'est certainement pas désintéressée. Grand artisan de l'indépendance de son pays vis-à-vis de la France, finalement obtenue en 1977, IOG s'est efforcé depuis d'entretenir de bonnes relations avec ses partenaires européens et américains pour asseoir son pouvoir, qu'une frange de plus en plus importante de la société djiboutienne lui conteste.
Répression, exactions et confiscation du pouvoir
Connu pour son exercice autoritaire du pouvoir, Ismaël Omar Guelleh n'est en effet pas parvenu à sortir son pays de la pauvreté ou à améliorer le développement humain de la population, et ce en dépit d'une croissance soutenue – 5 % – depuis plusieurs années. Pire, le président djiboutien a généralisé le recours à la violence et la répression, notamment à l'encontre du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie, un mouvement d'opposition qui a le vent en poupe dans le nord du pays.
Un bilan fort peu flatteur de plus en plus critiqué en interne, mais rarement évoqué à l'étranger. Les soupçons d'implication du président Guelleh dans l'affaire de l'assassinat du juge français Bernard Borrel à Djibouti en 1995 ont à peine rafraîchi les relations avec Paris.
A l'époque, Ismaël Omar Guelleh était chef de cabinet du président Aptidon et est encore aujourd'hui fortement suspecté d'avoir été le ou l'un des commanditaires de ce meurtre d'un magistrat dont le travail était vu d'un mauvais oeil par le pouvoir djiboutien. En 2007, la juge d'instruction Sophie Clément, chargée de l'affaire, avait souhaité auditionner Ismaël Omar Guelleh en marge du sommet France-Afrique qui se déroulait à Cannes, mais son immunité lui avait permis de s'y soustraire.
A un an de la prochaine élection présidentielle djiboutienne, le président sortant semble donc conserver la même posture que celle qui lui a apporté le succès au cours des seize dernières années. Ménager ses alliés étrangers et participer activement à la défense de leurs intérêts dans une région extrêmement sensible pour mieux occuper le pouvoir d'une main de fer.
Le récent rapprochement entre Djibouti et la Chine illustre parfaitement ce phénomène. Dans une optique tant commerciale que militaire, Pékin cherche en effet à renforcer sa présence dans cette partie du monde. Une volonté qui, à l'heure où la France tendrait plutôt à se désengager de Djibouti, aurait tout d'une aubaine pour Ismaël Omar Guelleh.
La Chine finance d'ores et déjà le colossal projet de ligne ferroviaire entre Djibouti et l'Ethiopie, aussi coûteuse qu'indispensable au développement de la région, et s'active actuellement pour devenir une puissance navale, présente sur tous les océans. En échange de bases militaires gratuites, le gouvernement chinois deviendrait l'un des plus grands pourvoyeurs d'aide économique du pays. La belle affaire ! Faute de redistribution efficace des richesses, le peuple n'en profiterait pas. En 2010, Djibouti était ainsi classé 147ème pays sur 169 sur le plan du développement humain.