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Cinq ans après l’insurrection révolutionnaire en Tunisie, la dette léguée par Ben Ali ne doit plus être payée (Afriques en Lutt)

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À l’occasion du cinquième anniversaire de la chute de Ben Ali, le réseau CADTM réaffirme son soutien au peuple tunisien toujours en lutte pour le respect de ses droits et dénonce la mainmise du FMI et de l’Union européenne qui continuent d’étrangler la Tunisie avec la dette. L’année 2016 sera décisive dans le combat pour l’annulation de la dette odieuse puisqu’une Commission d’audit de la dette pourrait être créée en Tunisie.

Il y a tout juste cinq ans, le 14 janvier 2011, Ben Ali était chassé du pouvoir par le peuple tunisien. Les puissantes mobilisations qui ont démarré dans les régions de l’intérieur du pays ont, à la fois, provoqué la fuite de ce dictateur et ouvert la voie à d’autres soulèvements populaires dans d’autres pays de la région et même sur les autres continents, donnant notamment naissance au mouvement des « Indignés ».

Grâce à ces luttes, le peuple tunisien a arraché plusieurs libertés fondamentales dont la liberté d’expression. Les partis politiques réprimés par la dictature sont sortis de la clandestinité, de vraies élections ont été organisées, une nouvelle Constitution a vu le jour, etc.

Mais sur le plan social et économique, la politique est la même que celle menée par Ben Ali. Elle reste dictée par les Institutions financières internationales (Banque mondiale et FMI en tête) épaulées par l’Union européenne. Sous couvert d’ « aide » à la Tunisie, ces créanciers extérieurs ont aggravé en réalité le poids de la dette et les inégalités en augmentant leurs prêts toxiques. Ces prêts sont débloqués par tranche en fonction de la bonne application par le gouvernement de mesures dictées par les créanciers. Au menu : gel du recrutement dans la fonction et les entreprises publiques, baisse de l’impôt sur les revenus des sociétés |1|, augmentation de l’impôt sur les revenus du travail entraînant une baisse conséquente du pouvoir d’achat des travailleurs et une montée en flèche de la pauvreté |2|, renflouement des banques, adoption d’une nouvelle loi sur le partenariat public-privé et remboursement intégral des dettes léguées par Ben Ali, malgré l’urgence sociale et le nature odieuse de ces dettes. Le service de la dette (5130 millions de dinars tunisiens soit 2,13 milliards d’euros) représente en 2016 l’équivalent des dix budgets suivants cumulés : santé, affaires sociales, emploi et formation professionnelle, développement, environnement, transport, enseignement supérieur et recherche scientifique, culture, affaires sociales et tourisme.

Depuis le 14 janvier 2011, l’objectif des créanciers est clair : garder leur contrôle sur la Tunisie en utilisant l’arme de la dette et en plaçant leurs disciples aux postes clés. Rappelons que moins d’une semaine après la chute de Ben Ali, le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Nabli, fraîchement débarqué de Washington où il officiait comme économiste en chef du département du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord de la Banque mondiale, déclarait dans sa première conférence de presse datée du 22 janvier 2011 que « La Tunisie remboursera ses dettes dans les délais |3| ».

C’est ce qui s’est effectivement passé puisque la dette tunisienne à été payée dans les délais avec l’argent des nouveaux emprunts. 82% des nouveaux prêts contractés entre 2011 et 2016 ont ainsi servi à payer la dette contractée par le régime de Ben Ali, entraînant le doublement, en 5 ans, de l’encours de la dette publique qui est passé de 25 milliards de dinars (soit 11,2 milliards d’euros) à 50,3 milliards de dinars (22,6 milliards d’euros).

Pour les créanciers, le peuple tunisien aurait donc le droit de se débarrasser du dictateur mais pas de la dette qu’il a contracté. Ce qui constitue une violation flagrante du droit international. Comme l’indique explicitement la doctrine classique de la dette odieuse de 1927 : « Si un pouvoir despotique contracte une dette, non pas pour les besoins et dans les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, etc., cette dette est odieuse pour la population de l’État entier (…). Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation ; c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée, par conséquent elle tombe avec la chute de ce pouvoir |4| ».

Malgré l’existence de cette doctrine de droit international et les résolutions prises par le Parlement européen en 2012 et le Parlement belge en 2011 qualifiant explicitement la dette tunisienne d’ « odieuse », aucun acte concret n’a encore été posé.

Mais l’année 2016 pourrait changer la donne puisqu’une proposition de loi tunisienne instituant une commission d’audit, s’inspirant des exemples équatorien et grec, sera déposée très prochainement à l’Assemblée des représentants du peuple par le groupe parlementaire du Front populaire (une coalition de partis politiques tunisiens). L’objectif est d’examiner tous les contrats des prêts depuis juillet 1986, date du premier programme d’ajustement structurel conclu avec le FMI et la Banque mondiale.

Les audits de la dette sont des armes stratégiques entre les mains des débiteurs pour construire un rapport de force politique face aux créanciers en justifiant le non-paiement des dettes odieuses, illégales, illégitimes et insoutenables. Pour construire ce rapport de force politique, la population doit être associée à la réalisation de cet audit et à la diffusion de ses résultats. Les rouages de la dette doivent pouvoir être vulgarisés pour permettre à l’ensemble de la population de comprendre les enjeux autour de la lutte contre la « dictature de la dette » et se mobiliser dans la rue contre ce système. Il est dès lors essentiel de faire les liens entre la dette et les préoccupations sociales quotidiennes de la population. C’est l’objectif premier de la campagne « Droit de savoir la vérité sur la dette de la dictature. Auditons la dette, donnons une chance à la Tunisie » lancée en décembre dernier à Tunis par le Front populaire et l’association RAID (membre des réseaux CADTM et ATTAC), qui s’attache aussi à faire le lien entre la dette et les luttes en cours.

Cinq ans après la victoire éclatante du 14 janvier, le peuple tunisien reste, en effet, fortement mobilisé. Les mobilisations sociales ont même atteint une ampleur sans précédent en 2015 touchant de nombreux secteurs : enseignement, transport en commun, chômeurs, entreprises du secteur public, du secteur privé (grandes distribution, industrie alimentaire, tourisme), lutte des diplômés chômeurs, etc. Le 12 septembre 2015, la population a même bravé l’état d’urgence décrété par le gouvernement en manifestant dans plusieurs villes de Tunisie contre le projet de loi dit de « réconciliation économique » qui vise à amnistier les corrompus du régime de Ben Ali. Effet boomerang, le succès de ces manifestations a permis la levée de l’état d’urgence quelques jours après |5|.

Pour l’année 2016, le réseau CADTM continuera à soutenir les mobilisations sociales en Tunisie et se tient prêt à apporter son aide pour l’audit de la dette.

Communiqué du réseau international CADTM

http://www.afriquesenlutte.org/communiques-luttes-et-debats/article/cinq-ans-apres-l-insurrection

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