La délégation saoudienne reçue à l’Élysée et dans divers ministères le 4 mars ne s’était pas déplacée seulement pour quelques colifichets, sacs Vuitton, Légion d’honneur et haute couture. Il y a entre la France et l’Arabie saoudite des affaires bien plus sérieuses.
La monarchie pétrolière achète en effet aux marchands de canons français de quoi équiper, en plus de son armée, celles de ses alliés. Les deux navires refusés à la Russie et rachetés par l’Égypte avec l’argent saoudien en sont un exemple. Un contrat d’une valeur de trois milliards d’euros pour moderniser l’armée libanaise devait également être financé par les caisses saoudiennes. Mais il semble qu’il y ait eu une difficulté, d’où la visite princière.
L’armée libanaise est, comme le reste du pays, soumise aux pressions des différentes factions qui se disputent le pouvoir, héritage des divisions soigneusement installées par le colonialisme français.
La France et l’Arabie saoudite soutiennent l’une d’entre d’elles, comprenant notamment le clan Hariri, milliardaire libano-saoudien. Le Hezbollah en dirige une autre, fort d’un puissant soutien populaire et allié de l’Iran et de Bachar al-Assad, le dictateur syrien. L’équilibre relatif obtenu après des dizaines d’années de guerre civile, d’interventions étrangères, d’occupation d’une partie du territoire par Israël, d’une autre par la Syrie, est remis en cause par la guerre dans ce dernier pays, l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés, la tension grandissante dans la région. Dans ces conditions, l’Arabie saoudite craint que les armes fournies à l’armée libanaise se retrouvent entre les mains du Hezbollah et dirigées contre les intérêts saoudiens. Elle vient donc à Paris exiger des garanties.
Les discussions ont dû être laborieuses car des intérêts contradictoires entrent en ligne de compte. La diplomatie française tient à préserver la relative stabilité du Liban et, pour cela, l’accord du Hezbollah est indispensable. L’Arabie saoudite veut, au minimum, contenir l’influence du Hezbollah et certainement pas lui fournir des armes. Les marchands de canons veulent leurs profits, quelles que soient les conséquences, et sont prêts à vendre leur marchandise à qui les paiera.
Hollande, Valls, Le Drian et Ayrault se sont tour à tour entretenus avec la délégation saoudienne, pour la convaincre de continuer à payer les armes et à maintenir l’alliance franco-saoudienne, si profitable aux Dassault, Thales et DCNS.
Un dictateur qui rend de tels services aux marchands de mort industrielle que sont les capitalistes français mérite en tout cas la Légion d’honneur !