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Tunisie : le débat au sein du Front populaire (Essf)

Lettre ouverte de militant-e-s et sympathisant-e-s du Front populaire adressée aux autres militant-e-s du Front et à sa direction.

Saisissons l’opportunité historique pour construire l’alternative de gauche prête à gouverner

Nous sommes,


* des militant.e.s dans les domaines culturel, médiatique, politique et social - affilié.e.s au « Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution » ;


* des soutiens qui appuient le Front populaire de l’extérieur et lui appartiennent intellectuellement et spirituellement ;


* des indépendant.e.s intéressé.e.s par l’expérience du Front populaire et par la réalisation des promesses de la révolution.


Par ailleurs nous partageons tous/toutes la conviction du projet historique du Front, comme porteur politique des aspirations des femmes et hommes libres de notre peuple et de ses démuni.e.s à la liberté, à la justice sociale, à la dignité et à la souveraineté nationale, tel que revendiqué par la révolution de 17 décembre.

Nous vous écrivons à la lumière des résultats des élections législatives et le premier tour de l’élection présidentielle, et en perspective de la prochaine étape.


Tout d’abord, nous vous félicitons des résultats respectables et encourageants du Front, même si, comme vous d’ailleurs, nous pensons que le « front des martyrs » ne mérite pas moins que gouverner la Tunisie pour mettre en pratique l’essentiel de sa raison d’être, à savoir « réaliser les objectifs de la révolution », comme le dit son nom. Pour cette raison, plus spécifiquement, nous souhaitons partager avec vous notre point de vue sur une question que nous considérons fatidique pour le Front, la gauche et le pays dans la prochaine phase.

Concernant le débat en cours sur la possibilité de la participation du Front populaire au gouvernement qui sera formé par Nidaa Tounes, et à la lumière des appels de certains des dirigeants de ce parti à l’adresse du Front pour qu’il donne une consigne pour voter son candidat au second tour de la présidentielle, nous pensons ce qui suit :

* Le Front populaire et le processus révolutionnaire n’ont aucun intérêt à privilégier un candidat sur un autre, étant donné que tous les deux appartiennent à la contre-révolution. Quelles que soient les divergences sur lequel l’un des deux est « moins nocif », nous craignons qu’un appel du Front à voter pour l’un d’eux conduise à la perte d’une partie importante de couches sociales qui le soutient, ou celles dont elle aspire à gagner le soutien à l’avenir. Cette option pourrait aussi nuire à l’unité du Front et la percée qu’il a fait récemment. De ce fait nous pensons que la position la plus sûre est que la direction du Front ne donne aucune consigne pour voter l’un ou l’autre des candidats et de laisser le choix libre à ses militants et sympathisants.

* à notre avis, il n’est pas de l’intérêt du Front d’accepter de faire partie de la prochaine coalition gouvernementale, et ce, pour les raisons suivantes :


En cas de participation au gouvernement, le Front sera obligé d’accepter les politiques de la partie majoritaire. En raison de ses liens à l’intérieur et à l’extérieur, qui ne sont un secret pour personne, Nidaa Tunis n’acceptera pas de donner au Front des centres de décision réels avant tout dans les domaines économique et social. Tout le monde sait que tous les partis de droite sont aujourd’hui d’accord entre eux sur la nécessité d’accepter les diktats des institutions financières internationales sous formes de « réformes douloureuses » qui augmenteront la détérioration des conditions de vie des couches paupérisées et de la classe moyenne.


Ce qui signifie que le Front non seulement sera incapable, dans le cadre de cette coalition, de mettre en œuvre les politiques qu’il a promises à ses électeurs, mais portera aussi la responsabilité des conséquences de ces politiques impopulaires et antipatriotiques, y compris la répression prévisible du fait des protestations sociales qui s’en suivront.


Malgré notre confiance en les compétences des militants et dirigeants du Front, l’alliance avec une partie forte de la droite mène dans la plupart des cas à ce que est arrivé aux partis Congrès (CPR) pour la République et Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés, FDTL) sous le gouvernement précédent de la Troïka, à savoir la perte de crédibilité et la marginalisation.


En outre, cette alliance pourrait renforcer l’image promue par les ennemis du Front populaire que celui-ci est incapable de faire la rupture avec le régime de Ben Ali de par son acceptation de s’allier avec les héritiers du RCD, essentiellement représentés dans Nidaa Tounes. D’autant plus que le recours de ce parti à museler les libertés dans la période à venir est probable.

Pour cela, rester en dehors du gouvernement et jouer le rôle d’une opposition parlementaire responsable est une occasion de sortir la lutte politique dans le pays du dédale des questions identitaires fictives et le ramener à son domaine principal, lié directement aux exigences de la révolution et ses slogans, c’est-à-dire principalement les problèmes économiques et sociaux.


C’est aussi une occasion idoine, pour la première fois après le 14 Janvier, pour le peuple tunisien de voir une lutte aux contenus lignes clairs entre,


* d’une part, la droite avec ses deux composantes
* de l’autre, la gauche et les forces progressistes en général (à l’intérieur et l’extérieur du Parlement).

C’est ce qui permettra aux Tunisiens de distinguer clairement ceux qui sont avec leurs intérêts et problèmes quotidiens, et ceux qui s’y tiennent contre. Ceci loin de toutes les tromperies et exagérations des rhétoriques de « défense de l’islam » et « défense de la modernité ». Cela nécessite, à notre avis, du Front qu’il ne fasse aucune concession sur aucun point de son programme et qu’il préserve son projet, ce qui n’est pas possible en cas d’adhésion au prochain gouvernement.

Enfin, nous croyons que le Front populaire a une occasion unique pour se démarquer et s’imposer en permanence dans l’opinion publique comme étant la principale force nationale qui défend les revendications qui étaient la cause de la révolution, confirmer qu’il est différent des autres forces et, partant, réfuter l’argutie de plusieurs Tunisiennes et Tunisiens que « tous les partis sont les mêmes, ils ne cherchent que le fauteuil, c’est-à-dire le pouvoir et l’argent ». Même ceux qui ne sont pas complètement convaincus aujourd’hui, peuvent le devenir davantage au cours des cinq prochaines années si ils voient que le Front n’a pas abandonné ni sa plateforme, ni son programme ni ses principes.

Nous croyons fermement que le Front doit, sans verser dans des calculs étroits ou hâtifs, œuvrer à être la force politique la plus populaire dans cinq ans. Chose possible à notre avis si l’effort de construire la force subjective du Front continue, en accueillant d’autres courants de gauche qui sont encore dehors, et en renforçant la démocratie interne et l’élaboration d’une conception stratégique efficace pour s’implanter parmi les masses populaires, en soutenant l’action culturelle et la fusion avec les mouvements sociaux. C’est seulement ainsi que nous pourrions célébrer, à l’image de certains pays d’Amérique latine, l’arrivée de la gauche au pouvoir par les urnes, poussée par le soutien et la protection du peuple.

Tout en renouvelant nos félicitations et notre soutien au Front populaire pour les exigences de la prochaine étape, nous exprimons notre volonté de contribuer à l’activation de son programme électoral et la mise en œuvre des propositions contenues dans la présente lettre.

Les signataires (de la lettre dans la version initiale avant sa mise à jour) :

 

27 novembre 2014

 

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