"Les forces de sécurité ont dû intervenir, le 27 janvier, pour empêcher un groupe de personnes de traverser la frontière turque à partir de la ville de Suruç pour aller vers la ville de Kobané (dans le nord de la Syrie). Ce mouvement s'est formé après que les forces kurdes ont annoncé avoir chassé de cette ville l'EI", rapporte sur son site le quotidien turc Hurriyet Daily News.
Côté turc, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser la foule, précise Hurriyet. "La tension est tombée quand le groupe a renoncé à poursuivre son avancée après l'appel lancé par le Parti démocratique du peuple [HDP, parti kurde, de gauche]. Le parti avait d'ailleurs dépêché à Kobané dix de ses députés." Ces derniers ont posté sur Twitter, ce 27 janvier, une photo montrant six d'entre eux souriant devant des immeubles en ruine avec la légende : "Les premières images de Kobané libre".
Quatre mois de violents combats
Cette victoire des forces kurdes contre l'EI "fait suite à plus de quatre mois de violents combats menés par les forces kurdes avec le soutien prépondérant des frappes quotidiennes de la coalition internationale. Les combats ont fait plus de 1 800 morts, dont plus de 1 000 dans les rangs djihadistes depuis la mi-septembre, selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH)", souligne L'Orient-Le Jour.
En Turquie, l'attaque de Kobané par l'EI a eu des répercussions profondes. "Le gouvernement turc a fait l'objet de plusieurs critiques pointant son inaction pour sauver la ville. Les manifestations qui avaient eu lieu les 6 et 7 octobre 2014 dans plusieurs villes d'Anatolie [pour dénoncer le manque d'implication de la Turquie] se sont soldées par la mort de 50 personnes", rappelle Hurriyet Daliy News.
Faire chuter le régime en place
L'ambiguïté de la position turque et son refus de participer à la coalition internationale menée par les Etats-Unis contre les djihadistes en Irak et en Syrie traduisent les craintes d'Ankara de renforcer le camp des Kurdes de Syrie. En tout cas, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a réaffirmé sa position devant un groupe de journalistes dans l'avion qui le ramenait à Ankara au terme d'une tournée en Afrique. "Ce n'est pas à la Turquie de changer sa politique à l'égard de la Syrie. C'est plutôt aux Etats-Unis de le faire. Notre objectif est de faire chuter le régime en place."
Et de rappeler que, malgré les avertissements lancés par la Turquie, les Américains avaient essayé de fournir des armes aux combattants kurdes dans le nord de la Syrie. Armes qui sont tombées entre les mains des djihadistes de l'EI. Selon Erdogan, la focalisation des Etats-Unis et de leurs partenaires occidentaux sur la ville de Kobané, alors que ce qui se déroule à Alep est ignoré, est "significative" des erreurs de Washington "dont l'objectif n'est plus de faire tomber le régime d'Assad".
Courrier international27 janvier 2015