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Samedi 28 février 2015, la machine de répression s'est brutalement abattue sur les habitants d'In Salah qui manifestent pacifiquement depuis deux mois leur opposition à l'extraction du gaz de schiste dans leur région.
Les autorités tentent de faire croire que le projet n'est pas à l'ordre du jour et qu’il ne s’agit que d’explorations. Mais sur le terrain les prospections avancent et des délégations de firmes étrangères comme celle d'Halliburton sont présentes
Après avoir ruiné le pays et pillé ses ressources conventionnelles, le régime franchit un pas supplémentaire dans sa fuite en avant en optant pour l'exploitation des gaz et pétrole de schiste. En prenant le risque inacceptable de détruire un environnement particulièrement vulnérable et de polluer définitivement les ressources hydrauliques fossiles, dernière recours pour la satisfaction des besoins des populations locales et ultime levier d’un futur développement agricole.
Affolé par la baisse des prix mondiaux du pétrole et la baisse de ses revenus, le régime des généraux qui a permis la surexploitation suicidaire des réserves traditionnelles se retrouve le dos au mur, sans marge de manœuvre. Incapable d'impulser la moindre dynamique de croissance réelle en dépit des ressources financières colossales de ces 20 dernières années, il n'a plus d'autre alternative pour générer des revenus externes que le recours destructeur pour le pays à la production d’hydrocarbures par fracturation hydraulique.
Les populations du Sahara, celles d'In Salah en particulier, marginalisées depuis toujours et n’ayant pas tiré le moindre profit des richesses de leur sous-sol, n’acceptent pas que ce régime criminel porte définitivement atteinte au devenir de leur région et au futur de leurs enfants. Depuis plusieurs semaines, des mobilisations massives et des sit-in sont organisés pour exprimer le rejet sans appel des populations de la fracturation hydraulique.
Face aux protestations pacifiques conduites par des femmes et hommes de qualité, le régime et ses misérables agents de propagande ne répondent que par le mensonge et la manipulation. Entre allusions méprisantes sur la prétendue incompétence des représentants de la population et accusations tout aussi stupides sur une soi-disant « main étrangère » qui tirerait les ficelles de la contestation, le régime ne répond que par un discours lénifiant et mensonger. Les annonces contradictoires se succèdent mais sont systématiquement démenties par la réalité du terrain.
Les habitants d'In Salah ne sont pas dupes des manœuvres cousues de fil blanc et maintiennent un haut niveau de mobilisation. La présence permanente de très nombreux citoyens et citoyennes résolus mais calmes et disciplinés sur Sahat Essoumoud, la Place de la Résistance, aujourd’hui ravagée par les « forces de l’ordre » exprime la détermination d’une population qui sait ce qu’elle ne veut pas pour elle-même et ses enfants. Cette détermination populaire se heurte à la volonté d’un régime ouvertement inféodé aux pires milieux de l’ex-puissance coloniale et aux plus infréquentables compagnies pétrolières américaines, notamment l’abjecte Halliburton, longtemps dirigée par le criminel de guerre Richard Cheney, ex-adjoint de G.W. Bush.
Avec la violence et les faux-fuyants, les rentiers en uniforme au pouvoir n’ont, pour gérer la société et calmer le mécontentement, que les seuls hydrocarbures, pourvoyeurs des capitaux qu’ils dilapident et qu’ils détournent massivement depuis des dizaines d’années vers leurs comptes bancaires à l’étranger, comme ceux, partie visible de l’iceberg, tenus à Genève par la banque-voyou HSBC. Cette rente qui paye les clientèles et les mercenaires du régime, et qui achète le minimum de paix sociale. Cette rente dont le peuple algérien ne reçoit même plus les miettes. Cette rente détournée au vu et au su de tous et sur la destination de laquelle la justice italienne vient de placer un projecteur implacable. Une juge milanaise s’apprête en effet à entendre un ancien ministre du pétrole, Chakib Khelil, pour une affaire de pots-de-vin de près de 200 millions de dollars. Cet escroc notoire à la tête d’un réseau de voleurs « d’Etat », a tiré de substantiels profits de sa position sans être ni inquiété ni mis en cause par la soi-disant justice de son pays. Et selon le code mafieux du régime, il sera exempt de poursuites.
Ce qui n’est pas le cas des militants anti-gaz de schistes d'In Salah et d’ailleurs. Le régime n’éprouve aucune gêne ni pudeur à faire donner ses gendarmes et ses polices contre des manifestants pacifiques et qui, eux, démontrent le sens le plus élevé des intérêts de la Nation. A In Salah comme ailleurs sur tout le territoire, la réalité est sans ambiguïté, ceux qui assument le saccage du pays et le pillage de ses ressources sont à la tête des appareils d’Etat. Leur message est clair : le régime des généraux est objectivement en fin de course mais il ne quittera le pouvoir qu’après avoir assuré la destruction complète de l’Algérie.
Les affairistes et généraux au pouvoir n’hésiteront devant aucune violence ni aucune forfaiture, en essayant d’inventer, comme ils savent le faire depuis l’indépendance, des divisions « régionalistes ». C’est peine perdue, les militantes et militants d’Aïn-Salah, à l’avant-garde des luttes populaires, bénéficient de la solidarité de tous ceux qui sont préoccupés par l’avenir du pays et qui souhaitent préserver ses véritables richesses. Les Algériennes et les Algériens soucieux de l’avenir du pays, les forces politiques réelles, sont à côté des frères et sœurs du Sud qui agissent pour des lendemains meilleurs. Leur courage tranquille et leur détermination pacifique sont les gages de la noblesse de leur engagement. Leur combat est celui de tous ceux qui luttent pour l’avenir du peuple Algérien.
Algeria-Watch, 1er mars 2015