Il s’agit bien d’un questionnement, il est extrêmement difficile de savoir ce qu’il se passe dans les territoires plus ou moins contrôlés par Daesh (ou Etat Islamique).
Le site d’information libanais Now, rapporte que les habitants de Manbij, une ville de 100 000 habitants, plutôt 75 000 aujourd’hui, dans la province d’Alep en Syrie, sont descendus dans la rue pour protester contre les règles imposées par l’Etat islamique (EI), qui contrôle la ville. Il y aurait eu des petits rassemblements de dizaines de personnes exigeant de l’EI qu’ils quittent la ville. Les forces armées de Daesh auraient répondu en tirant et en faisant des arrestations. En effet, participer à une manifestation sur le territoire de Daesh, au vu des méthodes de torture, de mutilation, de viols, et d’exécutions sommaires par décapitation, c’est s’exposer potentiellement au pire.
C’est d’ailleurs la conscription de jeunes de la ville mourants rapidement morts au front qui aurait déclenché cette contestation. En vérité, c’est très certainement l’accumulation des enlèvements de femmes, les arrestations et exécutions arbitraires continus d’hommes et de femmes, qui déclenchent cette colère. C’est un groupe rebelle syrien, appelé Manbij Mubasher, qui a fait part de ces événements sur sa page Facebook, en s’appuyant sur deux photos de rassemblements. Les photos ne prouvent rien et cette « information » est donc à prendre avec précaution.
Mais si elles venaient à être confirmées, ces manifestations seraient un indicateur important du fait que Daech a bien du mal à contrôler son territoire et que l’EI serait de fait en perte de vitesse, comme beaucoup de spécialistes de la région tendent à l’affirmer. Le fait qu’il ait perdu – pour l’instant - sa force expansive, notamment vers les territoires kurdes, n’est pas à négliger et pourrait expliquer la stratégie d’internationalisation et d’exportation de la terreur vers l’Europe. Ainsi le 12 novembre 2015, les peshmergas kurdes lancent une offensive au nord de l’Irak et s’emparent de Sinjar, coupant ainsi la route reliant Mossoul au reste des territoires sous contrôle de l’EI. En Irak, il a perdu près de 30% de terrain en Irak depuis son apogée en août 2014 et notamment la ville de Tikrit – symbolique pour les sunnites puisque lieu de naissance de Saddam Hussein.
C’est pourquoi Daesh peut être tenté par une stratégie d’escalade accrue, grâce à un engrenage connu. Il s’agit en effet de déclencher des bombardements massifs sur les civils de la part de l’impérialisme, ce qui permet de regrouper une partie de la population autour de soi, dans un cycle sans fin amené à se répéter. Le deuxième objectif est également de déclencher sur le territoire européen des situations de véritable guerre civile – non sans analogie possible avec ce qui se passa pendant la guerre d’Algérie.
En effet, la terreur des attentats permet aux gouvernements européens de se droitiser sans fin et de remettre en question les libertés vers une dérive de plus en plus autoritaire et potentiellement raciste. En laissant faire alors le déchaînement guerrier, fascisant et raciste, l’Europe s’enferme dans une logique de guerre interne et externe qui fournit sans cesse plus de troupes et de ressources à l’EI.
Évidemment, les révoltes qui pourraient avoir lieu sur le territoire de Daesh sont très embarrassantes pour la politique de Hollande et de l’impérialisme américain. Elles rappellent que la vraie solution ne peut reposer dans des frappes aériennes, au contraire. Si les impérialismes français et américain sont prêts à faire alliance avec Bachar El Assad et la Russie, c’est bien que l’intérêt de la population syrienne, irakienne ou française est le dernier de leur souci. Publié le 19 novembre 2015 Léo Serge
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