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Tunisie : Sfax à la veille de la grève générale régionale du 19 novembre (Essf)

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Contrairement aux prophéties péremptoires concernant l’établissement d’une hypothétique « paix sociale » en Tunisie suite à l’attribution du prix Nobel de la paix à l’UGTT et au syndicat patronal UTICA, cet article rédigé le 15 novembre laissait présager un bon départ pour le cycle de grèves générales régionales décidées par l’UGTT dans l’ensemble du pays. A l’heure où cet article est mis en ligne, la mobilisation à Sfax semble être une pleine réussite..... A suivre.

L’UGTT de Sfax ressemble ces jours-ci à un nid d’abeilles. Est à son ordre du jour la réussite de la grève générale régionale annoncée pour le 19 novembre. Celle-ci inaugure un cycle de grèves comparables dans l’ensemble des régions de Tunisie.Dans quel contexte se situent ces grèves ?

Il est indispensable de rappeler que la centrale UGTT a été un acteur politique majeur en 2013-2014.(1) Elle a réussi pendant cette période à imposer la reconnaissance de son rôle historique dit « national », en tant qu’élément d’équilibre et de stabilité du pays.
Les interlocuteurs de l’UGTT espéraient qu’il en résulterait l’instauration d’une « paix sociale » de deux ans, ainsi qu’un silence du syndicat au sujet des « réformes » imposées par le Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI et les autres bailleurs de fonds. (2)

Mais simultanément, l’UGTT se devait de répondre aux attentes des salariés, décidés à mettre fin à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat. Dans ce cadre, des augmentations et des primes spécifiques ont pu être arrachées dans le secteur public. Il a fallu pour cela maintes grèves et mobilisations, parties de plusieurs secteurs comme par exemple l’enseignement et la santé publique.

De son côté, le patronat tunisien a persisté à ne pas appliquer une grande partie des accords sectoriels conclus avec l’UGTT dans le secteur privé. Invoquant la crise économique, il n’envisage à ce jour que des augmentations salariales minimes, ne devant pas dépasser le taux d’inflation proclamé par le pouvoir et qui est très en deça de la réalité.

Suite au blocage des négociations dans le secteur privé, la Commission administrative nationale de l’UGTT a décidé, le 8 novembre, le déclenchement d’une série de grèves régionales. Les dates en ont été précisées le 12 novembre. Et, comme d’habitude, la première grève concerne la région de Sfax où elle a été décidée pour le 19 novembre.

Pourquoi les grèves commencent-t-elles par la région de Sfax ?

La région de Sfax est la première région industrielle du pays, et une des plus combatives. C’est la plus rodée et la plus opérationnelle lors des grandes mobilisations ou grèves. Cela a par exemple été le cas lors de la fameuse grève générale régionale du 12 janvier 2011 qui a été un des principaux préludes à la fuite de Ben Ali. Il en a été de même suite aux assassinats politiques de 2013.

L’Union régionale de Sfax est également la pierre angulaire de l’UGTT pour des raisons historiques : c’est le lieu de naissance de l’UGTT et de nombre de ses dirigeants, dont le premier secrétaire général et héros national Farhat Hached. La tradition veut que deux membres du Bureau exécutif de l’UGTT sur treize proviennent de cette région.

Dans ce contexte, l’UGTT de Sfax a appelé l’ensemble des salariés du privé à faire grève le 19 novembre. En solidarité, ceux du secteur public sont invités à débrayer sur le tas entre 10h et 11h, puis à se rendre à l’assemblée générale du secteur privé qui se tiendra devant le siège de l’UGTT. Tout le monde partira ensuite en manifestation jusqu’au siège du Gouvernorat (l’équivalent de ce que sont en France les Préfectures).
La mobilisation dans le privé va s’adosser sur des secteurs clés, connus pour leurs traditions combatives et militantes, ainsi que par leur poids dans la région : la chimie et le pétrole,3 le textile, la construction métallique ainsi que le secteur de la restauration. Les militants font le maximum pour réussir une mobilisation d’ampleur, digne de la réputation de la région, en vue d’organiser une véritable démonstration de force.

Une grève capitale pour la classe ouvrière tunisienne

L’UGTT a face à elle le syndicat patronal UTICA, son partenaire dans le « quartet du dialogue national », et qui reste inflexible pour le moment.

Elle se trouve également face à un gouvernement de plus en plus fragilisé. Celui-ci doit en effet affronter la grave crise traversant le parti Nidaa Tounès ainsi que l’alliance au pouvoir.
En ce qui le concerne, le gouvernement redoute ces tensions sociales, car il a été mis en demeure d’appliquer sans nouveau retard les « réformes » exigées par les « bailleurs de fonds » pour qu’ils continuent à financer un pays de plus tributaire de la dette extérieure.

Il est vital pour les travailleurs tunisiens, broyé par misère et la pauvreté, que les mobilisations en cours débouchent sur un coup d’arrêt à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat.
Il en va de même pour la direction de l’UGTT avant qu’elle ne s’envole pour recevoir, le 10 décembre, un prix Nobel vantant les mérites du compromis et du « dialogue ».

Sfax, le 15 novembre 2015, par MOULEH Mohamed Abdel

Mohamed Abdel Mouleh est militant de la Ligue de la Gauche Ouvrière et du Front Populaire à Sfax.

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36429

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