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Hocine Aït Ahmed, le militant infatigable de la démocratie (Algeria Watch)

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Hocine Aït Ahmed, l’un des neuf chefs historiques du FLN, est décédé mercredi 23 décembre dernier en Suisse à l’âge de 89 ans.

Impliqué dès son jeune âge dans la lutte nationaliste, il adhère au Parti du Peuple Algérie (PPA) à 17 ans alors qu’il était lycéen. A 20 ans, il rédige pour la direction du parti le texte connu sous le nom « rapport Zeddine » qui esquisse la stratégie de la lutte armée.

A la suite de ce rapport, le parti crée l’Organisation Secrète (OS) qu’il dirigera après la mort de Mohamed Belouizdad. Suite à la crise qui secoue le parti au début des années 1950, il appartiendra au courant populiste révolutionnaire qui créera le FLN et qui lancera l’insurrection le 1er Novembre 1954. En 1956, il est arrêté avec Ben Bella, Boudiaf, Khider et Lacheraf dans l’avion qui avait été mis à leur disposition par le roi Mohammed V et qui avait été détourné par l’armée de l’air française au-dessus de la méditerranée.

Libéré lors du cessez-le-feu en mars 1962, il s’opposera en vain au renversement du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) par l’Etat-Major dirigé par le colonel Houari Boumédiène. Il sera élu député dans la nouvelle Assemblée Nationale, se faisant remarquer par ses prises de position en faveur d’un Etat de droit et d’élections pluralistes. Lorsque le tandem Boumédiène-Ben Bella imposera le système du pari unique, il organise en 1963 une dissidence armée qui se limitera à la Kabylie. Arrêté en 1964, il sera jugé et condamné à mort par le régime de Ben Bella. Il s’évadera de prison en 1966 et s’installera à l’étranger où il continue à diriger son parti, le FFS, dans la clandestinité.

A la suite des émeutes d’octobre 1988 qui mettront fin au système du parti unique, il rentre à Alger pour réorganiser son parti et le faire participer aux différentes élections. Face à la déferlante islamiste, il incarne l’espoir d’une démocratie ancrée dans les idéaux du mouvement national dont il est une des figures emblématiques.

Il accepte le résultat des urnes même lorsque les élections sont remportées par les islamistes. C’est ainsi qu’il s’oppose à l’annulation du scrutin remporté par le FIS fin décembre 1991, et appelle à une marche historique le 2 janvier 1992 qui rassemble plus d’un million de personnes à Alger sous le slogan « ni Etat policier, ni Etat intégriste ». Cela n’empêche pas le coup d’Etat de janvier 1992 qui fera plonger le pays dans une violence meurtrière.

En janvier 1995, il prendra part à la réunion de Rome à laquelle participent les partis qui ont eu des députés en décembre 1991 (FIS, FFS et FLN). Il apportera sa vision et son expérience dans la rédaction de la « Plate-Forme de sortie de crise », appelée « le contrat de Rome », rejeté par les chefs militaires opposés à l’idée de laisser la politique à des civils qu’ils ne choisissent pas. Malgré les pressions sur les militants de son parti, dont certains ont été assassinés dans des conditions non élucidées à ce jour, et malgré les campagnes de dénigrement dont il était quotidiennement l’objet, celui que le DRS appelait « le marabout de Lausanne » s’accroche à l’espoir d’un Etat civil dirigé par des élites représentatives élues par la population. Son parti présentera sa candidature au scrutin présidentiel d’avril 1999. Ayant été informé la veille que les chefs militaires avaient donné des instructions à l’administration pour truquer les élections en faveur de leur candidat, Abdelaziz Bouteflika, il se retire en refusant de légitimer par sa participation une élection dont le résultat avait été décidé à l’avance.

Profitant de sa maladie apparue en 2012, la police politique infiltre le FFS et suscite une crise au sein de la direction, ce qui affaiblit le parti qui perdra des cadres de grande valeur. Soumis à des pressions de la part du régime, celui-ci arrive à infléchir sa ligne politique en lui faisant accepter les élections truquées et la gestion policière du champ politique.

Après avoir détourné le FFS de sa vocation de vrai parti d’opposition, le régime opère un hold-up sur la mémoire de Aït Ahmed en suscitant des articles de presse dithyrambiques sur lui, occultant son combat pour la démocratie. Dans son message de condoléances à la famille du défunt, le président Bouteflika ira jusqu’à écrire que Aït Ahmed s’était évadé de la prison française alors qu’il s’était évadé en 1966 de la prison à l’époque du colonel Boumédiène.

Après l’avoir pourchassé de son vivant, le régime récupère sa mémoire en décrétant un deuil national de 8 jours pour mieux cacher ce pourquoi Aït Ahmed a combattu. Avec lui, l’Algérie a raté l’occasion de se donner comme Chef d’Etat un homme qui incarnait à la fois le nationalisme et l’idéal démocratique universel.

Lahouari Addi
Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon  6 janvier 2016

http://www.algeria-watch.org/fr/article/tribune/addi_hommage_ait_ahmed.htm

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http://elwatan.com/contributions/l-ideal-democratique-constante-chez-ferhat-abbas-et-hocine-ait-ahmed

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