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Comment les médias tunisiens traitent le dilemme de l’endettement public (CADTM)

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Le quotidien tunisien La Presse a consacré un éditorial le dimanche 17 avril 2016 (voir ci-dessous) à la question du poids de l’endettement public.

L’article met très clairement en garde contre l’hémorragie entraînée par l’endettement et le grand danger que celui-ci représente pour l’économie tunisienne, compte tenu en particulier de ce que le taux de croissance est à zéro.

Ce qui est frappant dans cet article et dans d’autres, et chez de nombreux journalistes et « experts », c’est l’absence de courage quand il s’agit de défendre le rythme fou de l’endettement. Mais les critique mettent souvent l’accent sur deux points : le premier, c’est le montant élevé des prêts, engloutis par les salaires et la consommation, et le second, c’est que sans le soutien des institutions créancières et des États amis qui sont aux côtés de la Tunisie, l’économie tunisienne se serait effondrée lamentablement.

En réalité, ces deux arguments sont défectueux :

1. Le plus gros des montants empruntés (environ 75 pour cent) depuis l’année 2011 se sont évaporés dans le remboursement de la dette odieuse (du régime Ben Ali) et de tout cela, le peuple tunisien n’a rien eu sur le plan social et la consommation a notablement diminué vu que le taux d’inflation est resté élevé. Comment peut-on accuser les familles tunisiennes de surconsommation et de gaspillage de l’argent emprunté, alors que tout indique que le taux de consommation a diminué par rapport à la période avant 2010 et ne s’est pas stabilisé. Comment accuser les salaires alors que le salaire réel n’a pas évolué si l’on tient compte des taux d’inflation ? Nos journalistes doivent dire toute la vérité et faire le lien entre l’explosion de la crise de la dette publique et la poursuite dans les mêmes choix économiques et sociaux, et arrêter de rejeter la faute de cette crise sur les salaires et les familles populaires.

2. « Les grands pays et les institutions financières internationales (entendez impérialistes !) soutiennent la Tunisie dans les critiques conditions politiques et économiques locales et régionales » : poudre aux yeux. Ces pays et institutions créancières ne sont pas avec « la Tunisie », c’est un petit groupe qui contrôle la Tunisie et soutient les choix de ses dirigeants, médiatiquement et politiquement, sous couvert d’experts, de docteurs et d’ associations spécialisées. S’ils étaient vraiment avec le peuple tunisien, pourquoi n’annulent-ils pas la dette de la dictature, dont ce peuple subit le joug ? Pourquoi offrir des prêts à taux d’intérêt élevé ? Et pourquoi baisser la notation de la Tunisie ? Pourquoi imposer des conditions politiques et sociales nuisibles et toxiques à leurs prêts ?

Il suffit de faire un petit calcul arithmétique simple sur les transactions nettes entre la Tunisie, la France, l’Allemagne et autres, pour voir que c’est la Tunisie qui finance les créanciers, les soutient et se tient à leurs côtés, et pas le contraire. Il suffit aussi de faire un tour dans quelques quartiers populaires, et dans les nombreuses régions pauvres du pays, pour voir clairement que les choses se sont encore détériorées à cause de ces soi-disant « aux-côtés-de-la-Tunisie », qui sont en fait sur et contre elle. Ils sont en train de détruire tout un peuple avec leur politique et la complicité des agents locaux chargés de la mettre en œuvre.

Surendettement

par Sald Benkraiem, La Presse, 17/4/2016

POUR un pays qui réalise une croissance économique presque nulle, le recours à l’endettement extérieur n’est pas forcément la solution la plus indiquée. Il est vrai que les bailleurs de fonds ont encore confiance en la Tunisie et surtout en sa capacité à honorer ses engagements. Toutefois, ce capital-confiance ne doit pas encourager nos décideurs à choisir les solutions de facilité, à savoir l’endettement extérieur qui ne fait qu’hypothéquer l’avenir des futures générations, porter atteinte à la souveraineté nationale et rendre difficile toute sorte de croissance économique. Bien au contraire, notre gouvernement doit faire fructifier ce capital et le promouvoir davantage, notamment auprès des investisseurs, qu’ils soient tunisiens ou étrangers.

Il est vrai que le pays a besoin de crédits pour dynamiser son économie. En revanche, il a intérêt à impulser les investissements, véritable créateurs d’emplois et de richesse. Par contre, l’endettement extérieur ne crée pas la richesse en Tunisie, puisqu’il est la plupart du temps orienté vers la consommation et la couverture des dépenses le l’État. En d’autres termes, on s’endette non pas pour investir mais pour consommer. Un constat amer pour un pays qui compte plus de six cent mille chômeurs et qui a plus que jamais besoin de grands projets générateurs d’emplois. Un besoin pressant, voire une priorité nationale, si on veut vraiment conforter la paix sociale et permettre à nos jeunes demandeurs d’emploi de s’insérer effectivement dans le circuit économique du pays.

Ainsi, les crédits ne représentent que des calmants pour un pays comme la Tunisie dont l’économie nationale a besoin d’un sursaut d’investissement et non pas de surendettement. Être un client fidèle de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international n’est guère synonyme de bonne santé économique. Bien au contraire, la Tunisie ne doit jamais donner l’image du bon élève de ces deux institutions monétaires internationales qui ne font pas certes de la charité. Notre pays doit compter en premier lieu sur ses moyens, ses enfants et ses richesses naturelles, malheureusement prises en otage par une poignée d’individus.


 
Mokhtar Ben Hafsa

Membre de la coordination CADTM Afrique et Raid Attac-CADTM Tunisie

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