Le régime Assad veut écraser toute forme de résistance populaire démocratique… mais le peuple syrien en lutte ne se soumet pas
Une nouvelle flambée de violence a touché la ville d’Alep entre le 22 avril au 5 mai, faisant environ 300 morts au total, en majorité des civils dans les zones tenues par l’opposition et le régime, malgré une majorité nette du côté des territoires de l’opposition. C’est dans ce cadre qu’une campagne internationale nommée « Alep brûle » a été lancée par des groupes et individus dans le monde entier soutenant la révolution syrienne ces dernières semaines pour demander l’arrêt de tous les bombardements et envois de rockets contre tous les civils à Alep et afficher sa solidarité avec la ville meurtrie. Des manifestations populaires ont également dans de nombreuses région du pays dénonçant les bombardements de l’aviation militaire du régime et témoignant leur solidarité avec les habitant-es d’Alep. [1]
Il est vrai que la puissance de feu du régime n’a pas d’égal du côté de l’opposition armée et que le nombre de civils tué par le régime et ses alliés est bien plus élevé, mais cela ne justifie en aucun cas le bombardement ou le meurtre de civils ou la destruction d’hôpitaux par les groupes de l’opposition armée. Comme chantaient les manifestant-es au début de la révolution « celui qui tue son peuple est un traitre », aujourd’hui nous disons la même chose et ajoutons « celui qui tue les civils est un traître et un criminel ». On ne peut pas prétendre vouloir présenter un alternative démocratique au monstre Assad en utilisant des méthodes similaires à lui.
Une trêve temporaire à Alep est néanmoins entrée en vigueur jeudi 5 mai, qui tient encore à l’heure ou nous écrivons malgré un tir de roquette par des groupes de l’opposition armée dans la nuit de dimanche tuant 3 civils dans les régions sous contrôle du régime, après qu’une cessation des hostilités dans l’ensemble du pays entre les forces du régime et ses alliés d’un côté et l’opposition armée de l’autre appliquée depuis le 27 février a volé en éclats dans la ville. Cela n’a pas empêché le dictateur Bachar Al-Assad de déclarer le jour d’après dans un télégramme au président russe Vladimir Poutine, dans lequel il remercie Moscou pour son soutien militaire, que l’armée syrienne n’acceptera pas moins que la « victoire finale » et « l’écrasement de l’agression » contre les rebelles à Alep et ailleurs en Syrie. Malgré les différentes trêves le régime Assad et ses alliés n’ont en effet pas cessé leurs offensives militaires dans différentes parties du pays. C’est pourquoi d’ailleurs les négociations de « paix » sont au point mort.
Des combats se poursuivent d’ailleurs dans la province d’Alep ainsi que dans les gouvernorats de Deir ez-Zor (est), Damas, Homs (centre) et Deraa (sud), entre les forces du régime et différents groupes de l’opposition armée de l’Armée Syrienne Libre (ASL) et des groupes djihadistes non inclues dans l’accord de la trêve comme Daech et Jabhat Al Nusra (branche d’Al-Qaida en Syrie). L’aviation du régime a également bombardé un camp de déplacés le jeudi 5 mai dans la province d’Idlib (nord-ouest), qui a fait 28 morts dont des femmes et des enfants, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Détruire les alternatives populaires démocratiques
La bataille d’Alep revêt d’une importance politique et militaire importante et la reprise de la ville par les forces du régime Assad et ses alliés russes, iraniens, Hezbollah et autres porteraient un très gros coup à l’opposition, tout en renforçant les forces fondamentalistes islamiques réactionnaires. Les bombardements aériens du régime Assad n’ont pas simplement l’objectif de tuer un maximum de civils mais également d’empêcher toute alternative démocratique populaire sur le terrain comme par exemple les territoires libérées d’Alep. Alep représente en effet aussi un symbole fort d’une opposition populaire démocratique, qui s’est d’abord débarrassé du régime Assad, et ensuite de Daech et de Jabhat Al-Nusra refusant leur autoritarisme et leur vision réactionnaire. Il ne reste que quelques groupes de l’ASL dans ces quartiers. Les régions libérées d’Alep, dans lesquelles vivent encore 300,000 habitants, sont en effet auto-organisées par les populations locales à travers des conseils populaires locaux qui gèrent tous les secteurs de la société dans l’administration des écoles, la gestion des déchets, les campagnes démocratiques et les manifestations, travaux, accompagnements et assistances psychologiques et autres aux civils, etc…
C’est pourquoi le régime et/ou l’aviation russe cible principalement les infrastructures civiles de ces régions libérées comme l’hôpital a-Quds détruit par un bombardement aérien le 27 Avril, tuant au moins 55 personnes, dont l’un des derniers pédiatres dans la ville d’Alep. L’hôpital al-Quds, doté de 34 lits, était « le centre de référence principale pour la pédiatrie” dans cette région a déclaré Médecins Sans Frontières (MSF), qui a soutenu l’hôpital depuis 2012. C’est dans la même logique qu’il faut comprendre les bombardements qui ont frappé la seule station de la défense civile dans la ville d’Alep Atareb fin avril, tuant cinq de ses membres dans la dernière d’une série d’attaques sur les infrastructures civiles et de l’opposition dans la province du Nord. Quelques jours avant, c’était l’hôpital de la ville qui était visé. Dans le passé des boulangeries, écoles, hôpitaux de fortunes, centre de soins et autres infrastructures ont également été la cible du régime. Selon les Médecins pour les droits de l’homme, depuis le début du conflit, au moins 346 attaques contre des installations médicales ont été effectuées par les différentes parties au conflit, causant la mort de 705 travailleurs de la santé. Les forces du régime syrien et leurs alliés sont les responsables de la grande majorité ces attaques. Amnesty International dans un rapport récent a dénoncé les attaques sur les hôpitaux et centre de soins par le régime Assad et ses alliés et a caractérisé ses actions comme une stratégie de guerre délibérée. [2]
Le régime veut vider de sa population ses territoires libérés et empêcher toute alternative démocratique populaire, qui est son plus grand danger et non les forces islamiques fondamentalistes qui sont ces meilleurs ennemis…
Les résistances populaires continuent…
Des manifestations populaires et différentes formes de résistances continuent néanmoins dans différentes régions libérées de la Syrie demandant la chute du régime.
Des manifestations ont également eu lieu dans la ville de Sweida, en très grande majorité de la minorité Druze, ces dernières semaines à la suite de l’arrestation d’activistes dans la province. Les manifestant-es ont défilé dans les rues de la ville en chantant des slogans tel que « le peuple syrien est un et uni », « Syrie est à nous et non pas à la famille Assad » et « La religion pour Dieu et la patrie pour tous » (le dernier slogan est un slogan célèbre pendant la lutte contre l’occupant français au cours du mandat français de 1920 à 1946). La manifestation s’est terminée sur la place principale de la ville, sur laquelle les manifestations ont enlevé la statue de Hafez al-Assad et l’ont renommé de « la place du président » à « la place de la dignité » avec le drapeau de la révolution syrienne. Des témoignages de solidarité sont venus d’autres régions de la Syrie libérée avec les manifestant-es de Sweida. [3]
Les populations locales de la Ghouta Orientale ont de leur côté organisé des manifestations de masse pour dénoncer les combats internes entre l’Armée de l’Islam, qui domine cette région, et des forces dirigées par la faction rivale Failaq a-Rahman, qui a vu son influence augmenté ces derniers mois après sa création en février 2016 par et leur demandant d’unir leurs fusils contre le régime Assad. Ces confrontations militaires sont le résultat de la volonté de ces deux groupes armées de contrôler ces territoires et augmenter leur influence militaire, tout cela au détriment des populations locales.
Une révolte populaire a aussi commencé début mai dans la prison de Hama et les prisonniers ont pris le contrôle de la prison. La révolte a commencé après une tentative par la police de transférer cinq prisonniers condamnés à mort par un tribunal militaire extra-judciaire de la prison de Hama à la prison de Sadnaya, réputés pour sa violence contre les détenus. Les prisonniers dans l’aile « terrorisme » ont refusé de remettre les cinq détenus, détenant neuf policiers qui étaient venus les prendre, et ont commencé leur révolte. Le reste de la prison a rejoint l’insurrection et les prisonniers ont enlevé les portes des différents secteurs du bâtiment et étaient dès lors connecté, prenant le contrôle de toute la prison. La prison compte environ 1200 prisonniers, dont 850 prisonniers politiques arrêtés pour leur opposition au régime. Le régime a tenté de prendre d’assaut la prison le vendredi 6 mai en utilisant des bombes lacrymogènes et des balles en caoutchouc pour tenter de mettre fin à la rébellion, mais sans succès. Les négociations ont alors recommencé avec les prisonniers qui demandent la libération des prisonniers politiques. Une trentaine ont déjà été libérés par le régime. Aux dernières nouvelles (dimanche 8 mai), une entente de principe a été conclue pour mettre fin à la révolte dans la prison de Hamas qui conduirait à terme à la libération des prisonniers politiques.
En même temps, la ville de Maaret Al-Numaan continue ses manifestations populaires, depuis plus de 50 jours sans arrêt, contre l’organisation réactionnaire Jabhat Al-Nusra qui ne cesse d’intimider les activistes locaux et manifestant-es. Lors de la dernières grande manifestation du vendredi 6 mai, les milices de Jabhat Al-Nusra ont tenté de casser la mobilisation en agressant violemment les manifestant-es, mais sans succès. [4]
Conclusion
La mise en place d’une transition sans Assad et ses colistiers à la tête de l’Etat pour une Syrie démocratique et libre est une nécessité pour espérer un véritable changement dans le pays. Et comme l’a déclaré l’activiste des Droits de l’Homme Mazen Darwish, récemment libéré après plusieurs années de prisons, toute transition doit permettre la justice à toutes et tous en Syrie pour empêcher de rentrer dans une spirale de revanche dans une période de transition et cela signifie que tous les responsables du régime et ses alliés, des groupes islamiques fondamentalistes et autres doivent être tenus responsables de leurs crimes contre des civils et autres.
Solidarité avec le peuple syrien en lutte contre toutes les formes de contre révolution qui essaient de l’écraser.
Une Syrie pour toutes et tous.
Joseph Daher
9 mai 2016 Syria Freedom Forever. Posted on May 9, 2016