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  • Maroc. Les rebelles du Rif dans le viseur du roi Mohammed VI (L'Humanité + El Watan)

    Nasser Zefzafi est accusé d’atteinte à la sûreté de l’état. Youssef Boudlal/Reuters
    Nasser Zefzafi est accusé d’atteinte à la sûreté de l’état. Youssef Boudlal/Reuters
     

    Le Rif marocain est secoué depuis huit mois par un soulèvement populaire.

    Aux revendications sociales et culturelles de cette région marginalisée, le Palais répond par la répression. Nasser Zefzafi, porte-voix de la contestation, a été arrêté.

    Fin de cavale pour Nasser Zefzafi. Hier après-midi, les autorités marocaines ont annoncé l’arrestation de cette figure du soulèvement populaire qui secoue depuis huit mois le Rif, dans le nord du pays. Cette région traditionnellement rebelle s’est encore embrasée au mois d’octobre 2016 après la mort tragique de Mohcine Fikri, un poissonnier d’Al-Hoceima broyé par une benne à ordure alors qu’il tentait de récupérer sa marchandise, saisie par la police.

    Une illustration de la « hogra », du mépris du pouvoir central que dénoncent sans relâche, depuis, les protestataires de cette zone marginalisée. Vendredi, la situation s’est de nouveau brutalement tendue, lorsque Zefzafi a fait irruption dans la mosquée Mohammed-V, principal lieu de culte d’Al-Hoceima, pour interrompre un prêche hostile au « hirak » (la mouvance). L’imam reprochait aux manifestants de semer la « fitna », la discorde parmi les croyants. « Est-ce que les mosquées sont faites pour Dieu ou pour le makhzen (pouvoir – NDLR) ? » s’est exclamé le porte-voix de la contestation.

    Depuis cette altercation, Zefzafi était recherché pour avoir « insulté le prédicateur », « prononcé un discours provocateur » et « semé le trouble ».

    Entre-temps, des heurts ont encore éclaté, une quarantaine de personnes ont été arrêtées, chiffre sous-estimé selon certaines sources, qui parlent de 70 militants interpellés. Certains devaient comparaître dès hier devant la justice. D’autres, dont Zefzafi, ont été transférés au siège de la brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) à Casablanca. Ils font l’objet d’une enquête pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État », selon le procureur du roi à Al-Hoceima. Dans un contexte d’extrême tension, les défenseurs des droits humains dénoncent cette nouvelle vague de répression contre les animateurs d’un mouvement social pacifique.

    « Le centre d’Al-Hoceima est bouclé par la police pour empêcher toute manifestation.

    Dans toute la région, des maisons sont fouillées, des jeunes militants kidnappés, témoigne Faissal Aoussar, un responsable local de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH). Tout cela va envenimer la situation. La seule voie raisonnable serait d’écouter les Rifains, d’entendre leur soif de dignité et de respect, leurs revendications sociales, économiques, culturelles. »

    Les protestataires ont élaboré une solide plateforme revendicative, pour mettre fin au « blocus économique » infligé selon eux à la région, lutter contre « la corruption généralisée », créer des emplois, assurer le droit à l’éducation et à la formation pour tous, favoriser le développement de la région. Mais si la fracture est d’abord économique et sociale, elle se déploie aussi sur le terrain culturel et fait remonter à la surface un lourd contentieux historique.

    Les protestataires revendiquent fièrement leur filiation politique avec Abdelkrim El Khattabi, héros de la première guerre anticoloniale du XXe siècle (1921-1926), figure effacée de l’historiographie officielle, fondateur d’une éphémère république du Rif dont le drapeau rouge et blanc flotte sur les manifestations, un signe explicite de défi au pouvoir monarchique.

    Dans les mémoires, le souvenir de la révolte de 1958, écrasée dans le sang, reste vif.

    À l’époque, la région était devenue le théâtre d’une militarisation dont les contestataires demandent encore aujourd’hui la levée. Plus récemment, la passivité des autorités après le séisme de 2004, qui a fait plus de 600 morts, a attisé le sentiment de marginalisation.

    Cette région berbérophone réclame enfin la pleine reconnaissance de l’identité, du patrimoine culturel et de la langue amazigh.

    Celle-ci est inscrite depuis 2011 comme langue officielle dans la Constitution, mais sans effets sérieux sur l’administration et le système éducatif, dénoncent ses locuteurs. En guise de réponse à ce mouvement social et culturel profond, le makhzen manie l’accusation de séparatisme et crie au complot algérien. Pour mieux justifier ses opérations répressives et tenter d’isoler les rebelles du Rif. Sans succès : dimanche soir, des sit-in de solidarité ont eu lieu à Rabat, Casablanca, Tanger, Marrakech. Signe que le ras-le-bol de la « hogra » ne s’arrête pas aux montagnes du Rif.

  • Maroc Hirak: Grande manifestation à Al Hoceima, sit-in dispersés à Casablanca et Rabat (Tel Quel)

    Hirak: Grande manifestation à Al Hoceima, sit-in dispersés à Casablanca et Rabat
     

    Plusieurs manifestations et rassemblements de soutien au hirak se sont déroulées cette nuit, notamment à Al Hoceima. Certaines ont été rapidement dispersées par les forces de l'ordre.

    "Nous sommes tous Nasser Zafzafi". Portrait du leader récemment arrêté aux bouts des bras, plusieurs manifestants ont défilé cette nuit dans la ville d'Al Hoceima. Une foule "massive qui a rempli le quartier de Sidi Abid" rapporte notre journaliste. La presse internationale comme les policiers étaient massivement présents. Les avocats des prisonniers étaient aussi sur place pour réclamer leur libération. Le père de Nasser Zafzafi a également pris la parole en fin de l'événement pour remercier les participants et appeler à conserver le caractère "pacifique" des protestations. Un enregistrement sonore de Nasser Zafzafi a également été diffusé à la foule, mais nous n'avons pas pu en écouter la teneur exacte.

    Outre le grand rassemblement à Al Hoceima, plusieurs rassemblements de soutien ont eu lieu à Marrakech, Fès, Oujda et Nador. Des sit-in de soutien plus modestes se sont aussi déroulés dans de petites localités comme Martil. "Les rifains ne sont pas des awbach (sauvages)" pouvait-on entendre dans les lives diffusés par des participants à Martil.

    Dispersion de la foule

    A Casablanca et Rabat, les manifestants n'ont pas pu observer de sit in. La foule a été dispersée devant le parlement à Rabat, où se trouvait quelque 200 personnes, selon un journaliste de Telquel présent sur les lieux. Les manifestants ont à peine eu le temps de prononcer quelques slogans avant une charge des forces de l'ordre. Ils ont par la suite tenté de se regrouper près de la gare Rabat ville, mais ont de nouveau été dispersés. Les autorités ont continué de pourchasser les manifestants pour éviter tout rassemblement.

    A Casablanca, un rassemblement à l'appel du mouvement Anfass était prévu devant Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) où avaient été transférés les détenus du hirak. Sur place, notre journaliste décrit de nombreux policiers en civil, brassards orange sur l'épaule, dispersant rapidement les manifestants avant qu'ils ne puissent se regrouper. Les forces de l'ordre se sont déployées tout le long du boulevard Roudani, jusqu'aux intersections avec Zerktouni et Moulay Youssef.

    Selon nos confrères du Desk, des "policiers ont d’abord poussé les manifestants avant de les courser et les frapper à l’aide de matraques pour les disperser, non loin de l’Institut Français de Casablanca." Des points de contrôles auraient alors été établis pour empêcher les rassemblement. Toujours selon le desk, "les noeuds autoroutiers desservant la rocade et l’entrée sud de la ville et les bretelles des autoroutes A1  et A3" ont été filtrées.

    Les manifestants ont tout même réussis à se rassembler plus tard dans la soirée. Selon notre confrère Mohamed Ezzouak, directeur du site d'informations Yabiladi, qui appuie ses propos par un live vidéo retransmis par le média.

    mai 31
     

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