La décision du président Barack Obama d'intervenir en Irak pour "prévenir un génocide" ne dit pas la vraie raison de cette mobilisation.
En fait, il s'agit de protéger les multinationales du secteur des hydrocarbures implantées au Kurdistan.
Au Moyen-Orient, les premiers coups de feu d'un conflit définissent toujours le cadre de l'histoire que nous allons tous méticuleusement suivre. La dernière grande crise en Irak ne déroge pas à cette règle. Des chrétiens sont persécutés ? Sauvez-les. Des Yézidis [minorité kurdophone dont la religion monothéiste plonge ses racines dans le zoroastrisme pratiqué notamment en Iran] meurent de faim en haut de leurs montagnes ? Donnez-leur à manger. Des islamistes avancent sur Erbil ? Bombardez-les. Bombardez leurs convois, leurs pièces d'artillerie et leurs combattants, bombardez-les encore et encore. Mais jusqu'à quand ?
Le président Barack Obama nous a donné un premier indice concernant la durée de cette nouvelle aventure américaine au Moyen-Orient en déclarant qu'il ne pensait pas que le problème serait résolu "en quelques semaines". Cela prendra du temps. Combien ? Au moins un mois. Peut-être six. Ou bien un an. Et peut-être même plus. En brandissant la menace d'un "génocide" et en insistant sur le "mandat" américain l'obligeant à venir en aide au gouvernement de Bagdad face aux ennemis de l'Irak, Barack Obama n'est-il pas en train de poser les bases d'une nouvelle guerre aérienne de longue durée en Irak ? Et si oui, sur quoi se fonde-t-il pour croire que les islamistes occupés à ériger leur califat en Irak et en Syrie se plieront gentiment à ses règles du jeu ?
Si la route d'Erbil est coupée...
Le président américain et le Pentagone, le Commandement central (Centcom) et le – ridiculement nommé – comité Cobra, rassemblant plusieurs ministres et responsables de la sécurité britanniques, pensent-ils réellement que les militants de l'Etat islamique [(EI), anciennement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL)] resteront tranquillement dans les plaines de Ninive en attendant d'être anéantis par nos bombardements ? Non, les hommes de l'EI, de l'Etat islamique ou du califat, quel que soit le nom qu'ils se donnent, vont simplement changer de cible.
Le président Barack Obama nous a donné un premier indice concernant la durée de cette nouvelle aventure américaine au Moyen-Orient en déclarant qu'il ne pensait pas que le problème serait résolu "en quelques semaines". Cela prendra du temps. Combien ? Au moins un mois. Peut-être six. Ou bien un an. Et peut-être même plus. En brandissant la menace d'un "génocide" et en insistant sur le "mandat" américain l'obligeant à venir en aide au gouvernement de Bagdad face aux ennemis de l'Irak, Barack Obama n'est-il pas en train de poser les bases d'une nouvelle guerre aérienne de longue durée en Irak ? Et si oui, sur quoi se fonde-t-il pour croire que les islamistes occupés à ériger leur califat en Irak et en Syrie se plieront gentiment à ses règles du jeu ?
Si la route d'Erbil est coupée...
Le président américain et le Pentagone, le Commandement central (Centcom) et le – ridiculement nommé – comité Cobra, rassemblant plusieurs ministres et responsables de la sécurité britanniques, pensent-ils réellement que les militants de l'Etat islamique [(EI), anciennement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL)] resteront tranquillement dans les plaines de Ninive en attendant d'être anéantis par nos bombardements ? Non, les hommes de l'EI, de l'Etat islamique ou du califat, quel que soit le nom qu'ils se donnent, vont simplement changer de cible.
Si la route d'Erbil est coupée, ils prendront celle d'Alep ou de Damas que les Américains et les Britanniques auront plus de réticence à bombarder ou à défendre, car cela reviendrait à aider le régime de Bachar El-Assad que nous nous devons de haïr au moins autant que l'EI. Mais si les islamistes prennent vraiment Alep, assiègent Damas et pénètrent au Liban (Tripoli, sur la Méditerranée, ville libanaise à majorité sunnite, ferait une cible de choix), nous allons être contraints d'élargir notre beau "mandat" à deux autres pays, pour la bonne raison qu'ils sont frontaliers avec la seule nation qui mérite, plus encore que le Kurdistan, notre affection et notre protection : Israël ! Vous y aviez pensé vous, à ça ?
Et puis il y a l'indicible. Quand "nous" avons libéré le Koweït, en 1991, nous avons tous dû scander – comme un refrain – que cette guerre n'avait rien à voir avec le pétrole. Puis, nous avons envahi l'Irak en 2003, et nous avons de nouveau dû répéter, ad nauseam, que cette agression n'avait rien à voir avec le pétrole – évidemment, les Etats-Unis auraient tout autant dépêché leurs marines en Méso- potamie si la principale exportation de la région avait été l'asperge. Et maintenant que nous nous attachons à la protection de nos chers Occidentaux d'Erbil et pleurons avec les dizaines de milliers de chrétiens qui fuient les crimes de l'EI, nous ne devons toujours pas parler de pétrole – d'ailleurs nous n'en parlons pas, nous n'en parlerons pas. Je me demande bien pourquoi.
Les maîtres du nouveau califat
N'est-il pas important de noter, tout de même (ne serait-ce qu'au passage), que sur des réserves pétrolières de 143 milliards de barils en Irak, quelque 43,5 milliards se trouvent au Kurdistan, en plus des 25,5 milliards de barils de réserves supposées et de 3 000 à 6 000 milliards de mètres cubes de gaz ? Les grandes multinationales du secteur des hydrocarbures se pressent au Kurdistan (d'où, d'ailleurs, les milliers d'Occidentaux installés à Erbil, même si leur présence ne nous est guère expliquée) et ont déjà investi dans la région plus de 10 milliards de dollars. Mobil, Chevron, Exxon et Total sont largement implantées (il est hors de question de laisser l'EI déranger ces entreprises-là) dans ce coin du monde où les exploitants pétroliers empochent 20 % des bénéfices totaux.
Et puis il y a l'indicible. Quand "nous" avons libéré le Koweït, en 1991, nous avons tous dû scander – comme un refrain – que cette guerre n'avait rien à voir avec le pétrole. Puis, nous avons envahi l'Irak en 2003, et nous avons de nouveau dû répéter, ad nauseam, que cette agression n'avait rien à voir avec le pétrole – évidemment, les Etats-Unis auraient tout autant dépêché leurs marines en Méso- potamie si la principale exportation de la région avait été l'asperge. Et maintenant que nous nous attachons à la protection de nos chers Occidentaux d'Erbil et pleurons avec les dizaines de milliers de chrétiens qui fuient les crimes de l'EI, nous ne devons toujours pas parler de pétrole – d'ailleurs nous n'en parlons pas, nous n'en parlerons pas. Je me demande bien pourquoi.
Les maîtres du nouveau califat
N'est-il pas important de noter, tout de même (ne serait-ce qu'au passage), que sur des réserves pétrolières de 143 milliards de barils en Irak, quelque 43,5 milliards se trouvent au Kurdistan, en plus des 25,5 milliards de barils de réserves supposées et de 3 000 à 6 000 milliards de mètres cubes de gaz ? Les grandes multinationales du secteur des hydrocarbures se pressent au Kurdistan (d'où, d'ailleurs, les milliers d'Occidentaux installés à Erbil, même si leur présence ne nous est guère expliquée) et ont déjà investi dans la région plus de 10 milliards de dollars. Mobil, Chevron, Exxon et Total sont largement implantées (il est hors de question de laisser l'EI déranger ces entreprises-là) dans ce coin du monde où les exploitants pétroliers empochent 20 % des bénéfices totaux.
Ainsi, des rapports récents montrent que la production pétrolière kurde, actuellement de 200 000 barils jour, passera à 250 000 dès l'année prochaine (à condition, bien sûr, que les gars du califat ne s'en mêlent pas), ce qui signifie, selon Reuters, que si le Kurdistan irakien était un vrai pays, et non un morceau d'Irak, il se classerait parmi les 10 puissances pétrolières les plus riches du monde. Et qu'il mériterait donc amplement qu'on le défende. Mais nous l'a-t-on dit ? Y a-t-il un seul journaliste accré- dité à la Maison-Blanche qui ait posé une seule question, avec un peu d'insistance, sur ce point pourtant des plus pertinents ?
Certes, nous avons de la compassion pour les chrétiens d'Irak (même si nous n'en avions guère quand leur persécution a commencé, au lendemain de l'invasion de 2003). Pas de doute, nous devons proté- ger les yézidis, comme nous l'avons promis. Mais n'oublions pas que les maîtres du nouveau califat du Moyen-Orient ne sont pas des idiots. Les frontières de leur guerre à eux vont bien au-delà de nos "mandats" militaires. Et ils savent bien (même si nous ne l'admettons pas) que nos véritables mandats sont dictés par un mot inavouable : "pétrole".
Certes, nous avons de la compassion pour les chrétiens d'Irak (même si nous n'en avions guère quand leur persécution a commencé, au lendemain de l'invasion de 2003). Pas de doute, nous devons proté- ger les yézidis, comme nous l'avons promis. Mais n'oublions pas que les maîtres du nouveau califat du Moyen-Orient ne sont pas des idiots. Les frontières de leur guerre à eux vont bien au-delà de nos "mandats" militaires. Et ils savent bien (même si nous ne l'admettons pas) que nos véritables mandats sont dictés par un mot inavouable : "pétrole".
The Independent Robert Fisk 11 août 2014
http://www.courrierinternational.com/article/2014/08/11/le-petrole-le-nerf-de-la-guerre?page=all
Commentaire: Nous ne partageons pas la "neutralité" de l'auteur envers le soi disant "laique" Bachar El Assad.