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Entre cauchemar et manœuvre, une nouvelle intervention militaire de l’impérialisme en Irak (CCR)

L’Irak est de nouveau à feu et à sang.

Pendant que l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) élargit et consolide son emprise sur les régions du nord et de l’ouest du pays, les Etats-Unis se préparent à intervenir militairement pour soutenir le gouvernement irakien en envoyant plusieurs centaines de soldats, appuyés par des navires de guerre et des frappes aériennes. L’Irak se trouve ainsi en proie à la reprise d’une guerre civile qui prend un caractère « communautaire » opposant le régime de Bagdad, dominé par les Chiites et soutenu par les puissances impérialistes, et une organisation armée djihadiste et réactionnaire, à majorité sunnite, luttant pour l’instauration d’un califat en Irak et en Syrie.

L’occupation états-unienne de l’Irak au début des années 2000 avait ravivé les tensions internes entre les principaux peuples du pays, aboutissant progressivement au cours de la dernière décennie à la division de facto du pays en trois régions ethniques distinctes- Chiite arabe, Sunnite arabe, Kurde. Cette année, ce ravivement de tensions a débouché sur la réouverture d’une guerre civile le long de ces lignes ethniques. Depuis le mois de juin, l’EIIL contrôle la grande partie de la région arabe sunnite dans l’ouest du pays avec un certain soutien des chefs tribaux sunnites. L’armée irakienne et les milices arabes chiites contrôlent Bagdad et le sud-est du pays. Quant aux Kurdes, une nationalité opprimée, ils ont profité de la situation pour consolider l’autonomie de leur région dans le nord-est.

Des millions d’Irakiens et d’Irakiennes ont ainsi été chassés de leurs maisons, victimes d’atrocités commises par chacun des belligérants de cette guerre sanglante. Dans l’ouest, des centaines de milliers de Sunnites ont été obligés de fuir le pilonnage et les bombardements de quartiers résidentiels par le régime de Bagdad. A Bagdad même, les milices arabes chiites s’en prennent violemment aux quartiers arabes sunnites. Dans le nord du pays, les forces armées de l’EIIL envahissent les villages chiites et massacrent la population, y compris les femmes et les enfants. Les minorités religieuses (Yazidis, Shabaks, Chrétiens) refusant de se convertir et de prêter allégeance sont tuées sans pitié. Cette nouvelle vague de tueries, sans doute alimentée par la guerre civile en Syrie où l’EIIL réactionnaire a joué et joue encore un rôle important dans la lutte contre le régime de Bachar al-Assad, est d’abord le fruit d’une histoire complexe construite et entretenue par l’intervention impérialiste en Irak, à la mesure des enjeux géopolitico-stratégiques et économiques et de la désintégration de l’ordre impérialiste dans la région.

Le colonialisme et l’impérialisme, les vraies sources de tensions

Les médias bourgeois montrent du doigt les très anciennes divisions sectaires en islam pour expliquer l’effusion de sang actuellement en cours. En réalité, ce carnage puise ses origines d’abord dans la division et la domination impérialistes de l’Irak par les puissances européennes, puis dans les interventions et l’occupation militaires états-uniennes. Au milieu du XIXe siècle, les puissances européennes ont commencé à intervenir directement dans la région du Levant. Pour mieux asseoir leur contrôle, ils privilégiaient la tactique consistant à monter les différentes nationalités, groupes ethniques et sectes les uns contre les autres. Plus tard, en 1916, la France et le Royaume-Uni se sont conjurés, avec l’aval de la Russie et de l’Italie, pour découper le Levant avec les accords Sykes-Picot. La France a pris la Syrie et le Liban actuel, alors que le Royaume-Uni a acquis la Jordanie et la Palestine.

Les puissances impérialistes avaient promis un État aux Kurdes lors de la signature du traité de Sèvres au lendemain de la Première Guerre mondiale en 1920, mais au cours de cette année-là, elles ont découvert que la région de Mossoul en particulier et l’Irak en général étaient beaucoup plus riche en pétrole qu’elles ne l’avaient pensé. Le Royaume-Uni décida alors de garder le Kurdistan du sud en l’intégrant dans le nouveau Royaume d’Irak, lequel correspondait aux concessions de la Compagnie pétrolière turque sous contrôle britannique. Ainsi l’Etat kurde n’a-t-il jamais vu le jour. Les fonctionnaires et les officiers militaires de ce nouveau pays, à majorité chiite et créé par les Britanniques, étaient exclusivement sunnites. Comme ailleurs, les impérialistes se sont appuyés sur une minorité qui se voyait remerciée avec un certain nombre de privilèges pour être leurs relais locaux, créant ou exacerbant les tensions religieuses ou ethniques.

Malgré ses manœuvres au Moyen-Orient, l’impérialisme étasunien poursuit son déclin dans la région…

Après avoir envahi l’Irak en 2003, les Etats-Unis n’ont pas hésité un seul instant à adopter la même tactique de division pour assurer leur domination. Cependant, cette tactique n’a pas abouti au résultat souhaité. La purge des officiers du Parti Ba’ath du gouvernement et de l’administration s’est accompagnée d’un transfert du pouvoir des mains des Sunnites à celles des Chiites, déclenchant des rébellions sunnites contre lesquelles l’impérialisme états-unien a été obligé de mobiliser des milices chiites et des Peshmerga kurdes. Pour éviter une accélération des pressions de la part des Chiites, en 2005, le pouvoir a été organisé sur la base d’un partage communautaire : le Premier ministre serait chiite, le Président qui exerce des fonctions plutôt cérémonielles serait kurde et le Président du Parlement serait sunnite. Cette configuration a permis le maintien des gouvernements fantoches dominés par les partis chiites (et dans une moindre mesure kurdes) au détriment des partis sunnites.

En 2006 et encore en 2010, les Etats-Unis ont imposé Maliki comme Premier ministre sous lequel la terreur anti-sunnite n’a cessé de croître avec l’aide de l’armée et des milices chiites. Après le retrait des troupes états-uniennes et des manœuvres de la part du Premier ministre contre des figures politiques sunnites, d’importantes manifestations ont eu lieu dans le pays. Au printemps 2013, les troupes du gouvernement ont attaqué des manifestants à Hawija, dans le nord,faisant au moins 44 morts. Des massacres s’en sont suivi au cours desquels des milliers d’Irakien-ne-s ont trouvé la mort, culminant dans un assaut militaire contre Falloujah et Ramadi. Alors que les chefs tribaux faisaient appel aux forces réactionnaires pour lutter contre le gouvernement de Maliki, l’EIIL a profité de ce contexte de guerre civile et de carnage pour s’implanter dans le pays et prendre progressivement le contrôle des ressources pétrolières. Aujourd’hui, pour restaurer l’ordre, les Etats-Unis préparent le terrain pour une intervention militaire du côté du gouvernement irakien sous la bannière de l’ingérence humanitaire et cherchent à s’appuyer sur des alliances contradictoires avec des puissances régionales rivales comme l’Arabie saoudite ou l’Iran, alors que la France annonce la livraison d’armes aux combattants kurdes.

Cependant, loin d’être une démonstration de force, cette nouvelle intervention de l’impérialisme étasunien ne fait que révéler son incapacité à instaurer une stabilité qui lui soit favorable dans la région. La presse impérialiste commence d’ailleurs à évoquer la possibilité que cette intervention soit longue, avec tous les dangers que cela comporte, notamment si l’on prend en compte des conflits géopolitiques encore ouverts : Syrie, Ukraine…

A bas l’intervention impérialiste !

Cette nouvelle intervention militaire n’apportera rien de bon pour les masses de la région. Cette dernière décennie d’occupation militaire par l’armée impérialiste nord-américaine le montre clairement. Il n’y a aucun doute que l’impérialisme essayera de profiter de la lutte contre l’EIIL pour se re-légitimer au Moyen-Orient. Profitant du recul actuel des processus révolutionnaires arabes, une stabilisation en faveur des agents pro-impérialistes pourrait l’aider à ouvrir une situation réactionnaire qui lui soit favorable. Cependant, dans le cadre de la résistance du peuple palestinien en cours et de l’énorme rejet au niveau international de l’attaque criminel de l’Etat d’Israël contre Gaza, une nouvelle intervention impérialiste pourrait devenir se retourner contre lui, attisant la contestation au niveau régional et international.

La responsabilité de la situation politique catastrophique en Irak incombe largement à l’impérialisme. La nouvelle intervention militaire des impérialistes et de leurs partenaires réactionnaires locaux n’augure que des souffrances supplémentaires, à des niveaux extrêmes. Pour nous, seule la classe ouvrière, en pleine indépendance politique aussi bien de l’impérialisme que des différentes forces religieuses ou capitalistes, peut unifier les masses du pays et offrir une issue progressiste face à la menace de nouvelles sous-divisions territoriales réactionnaires. Ivan Matewan et Philippe Alcoy 17/8/2014

http://www.ccr4.org/Entre-cauchemar-et-manoeuvre-une-nouvelle-intervention-militaire-de-l-imperialisme-en-Irak

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