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EI, l’Etat létal (lcr.be)

 

 

L’EI trouve son origine dans la formation d’un noyau irakien d’Al Qaïda suite à l’invasion américaine.

Le calife Abu Bakr al Baghdadi, a rejoint ce dernier alors dirigé par le Jordanien al-Zarkaoui. En 2006, le conseil consultatif des moudjahidines en Irak proclame l’Etat Islamique en Irak. C’est en s’impliquant dans la révolution syrienne, combattant plus l’Armée Libre que le régime Assad, particulièrement à partir de 2013, que l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) a pu se développer, s’entraînant et rivalisant avec Al Qaïda et sa franchise syrienne, le Front Al Nusra.

Bien des régimes ont fermé à tour de rôle les yeux sur les activités de l’EI, mus par des considérations à court terme. Le pouvoir syrien a libéré à dessein au début de la révolution syrienne des jihadistes emprisonnés et s’est s’abstenu jusqu’à peu de combattre l’EI, y voyant conjoncturellement un allié contre révolutionnaire. L’EI a bénéficié des facilités octroyées par la Turquie dans le but d’affaiblir les forces kurdes. L’armée de l’EI a certes été financée par des donateurs privés de pays du Golfe peu regardants. Seigneur de guerre, il pourrait s’affranchir de sa tutelle internationale après avoir mis la main sur des puits de pétrole, des silos à grains en Syrie, des fonds bancaires irakiens, des antiquités de Syrie et d’Irak, des droits de passage à ses check points, les rançons et la vente de femmes. Il prélève par ailleurs des taxes sur le trafic du pétrole et de ses dérivés (notamment revendu au régime syrien) ou du tabac (Syrie). Il aurait récupéré l’ancienne structure fiscale irakienne et avait même prévu de nouveaux « impôts » visant les chrétiens… Quoi qu’il en advienne, l’EI s’est assuré dès le départ par ses revenus une certaine indépendance à l’égard des populations soumises.

L’EI se présente aujourd’hui comme un Etat émergeant sur une économie de guerre, un Etat centralisé et rentier, cherchant le profit à court terme, ayant « nationalisé » le produit de ses rapines et procédant à une redistribution des richesses pour ne pas s’aliéner les populations pauvres des zones occupées qu’il n’a pas décidé d’éliminer : gratuité de l’électricité et baisse de 50% des loyers à Mossoul pour les démunis, distribution de vivres pendant le ramadan en Syrie. Il est aidé dans cette gestion par l’alliance tissée avec d’anciens cadres baathistes.

L’EI serait en passe de contrôler une zone de la taille de la Belgique, riche en ressources et habitée par neuf millions de personnes environ. Ces zones sont plus une vaste toile d’araignée qu’un territoire homogène. Toutefois, il s’était assuré en août le contrôle total de villes : Mossul, Sinjar, Raqqa, Tikrit…Il ne s’aventure pas dans les zones qui ne lui sont pas acquises (chiites). Quant aux minorités qui le gênent, il les persécute (chrétiens) ou les extermine (yezidis, chiites turkomans, sunnites refusant de lui prêter allégeance, etc).

Le petit nombre de militaires [1] au regard de la taille des territoires conquis le conduit à exécuter des hommes et à vendre des femmes plutôt que de juger et d’emprisonner, ou à provoquer leur exil. En effet, il ne dispose pas de toutes les infrastructures dans les zones nouvellement conquises.

Une armée hiérarchisée qui repose sur des unités « tournantes » dont une minorité est composée d’étrangers inexpérimentés, autant de facteurs qui renforcent l’aspect hiérarchique et diminue le risque d’insoumission, sans parler des enfants soldats. Les femmes se voient dévoluer d’autres tâches comme le recrutement de femmes à marier aux chefs militaires, la fouille et le vol des captives avant leur vente, etc.

Ensuite l’EI dispose aujourd’hui de matériel militaire pris à l’armée syrienne. Il a mis la main sur un quart du stock de l’armée irakienne (humvees, missiles et autres armement lourds) souvent de fabrication américaine et abandonné par la pléthorique armée irakienne à Mossoul, ce qui est en fait un Etat fort. En armes et en hommes, il serait supérieur aux forces de la région du Kurdistan.

L’EI assure la subsistance ses combattants, des jeunes déclassés pour la majorité, soit des mercenaires venus du monde entier. La porosité de son recrutement laisse supposer une forte infiltration.

L’Emirat devient Califat, une monarchie de droit divin. Le calife autoproclamé est un chef spirituel et temporel. Le discours se son porte parole, Abou Mohammad Al Adnani, a révélé son caractère ultra réactionnaire : « Musulmans, rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et autres déjections de l’Occident, revenez à votre religion ». Il a des ambitions mondiales et se nomme tout simplement Etat Islamique (EI), sommant tous les groupes jihadistes de lui faire allégeance.

Les facteurs matériels n’expliquent pas à eux seuls les crimes de l’EI. S’ils n’ont pas encore généralisé les tribunaux, les prisons ou les cimetières et n’ont pas le « temps » de tuer les civils avant de les enterrer, ils ont en revanche le temps de violer les femmes, de décapiter les morts après les avoir tués par balles, d’exhiber les têtes, de mettre en scène des enfants dans ces scènes macabres, de les filmer et de les diffuser sur Internet. Cela répond autant sinon plus à une logique de terreur qu’à une logique purement économique, les effets de la première compensant les carences de la seconde.

La charte régissant la vie à Mossoul est une série d’interdits et non un projet social. Leur non respect est passible d’« exécution, crucifixion, amputation des bras et des jambes ou d’exil ». Les banques rouvrent à Mossoul uniquement pour les particuliers ne faisant pas partie de l’ancien appareil d’Etat et n’étant membre d’aucune minorité.

Lâché officiellement par les Etats du Golfe, l’EI est reconnu par Boko Haram. Il est un concurrent pour l’Emirat Islamique d’Afghanistan, celui du Caucase ou AQMI et AQPA. L’EI n’est implanté qu’en Irak et Syrie. Des manifestations de soutien ont eu lieu à plusieurs reprises en Jordanie ces trois derniers mois (Maan, Al Zarqa, Yajouz). Ses soutiens sunnites internes espérés font défection (les tribus des Chaïtat en Syrie, ou des tribus d’Al Anbar en Irak qui les combattent)

D’essence bourgeoise et parasitaire, ultra réactionnaire dans son idéologie et contre révolutionnaire en pratique, l’EI est en dernière, mais aussi en première analyse « une bande d’hommes armés », soit la définition de l’Etat proposée par Lénine et Engels [2].

Luiza Toscane

[1]50 000 selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme à la mi août 2014.

[2] Formule utilisée par Engels dans l’Anti-Dühring, avant d’être reprise par Lénine dans L’État et la révolution

http://www.lcr-lagauche.org/ei-letat-letal/

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