Fait inédit, la police est descendue dans la rue pour manifester.
Déclenchée à Ghardaïa le 13 octobre, la protestation a gagné Alger, Oran et s'étend à d'autres villes du pays. Quels sont les ressorts de ce mouvement surprenant ?
Dans une action inédite, aux contours d’un "mini-coup d’Etat", les policiers ont même réussi à gagner les jardins de la présidence de la République ! Qui l’aurait cru lorsqu'on sait que le palais de la présidence est depuis longtemps considéré comme une citadelle imprenable. Et de nombreux citoyens qui ont participé à des manifestations par le passé ont eu à le vérifier à leurs dépens, eux qui ont souvent été stoppés dans leur progression à des centaines de mètres de la présidence, lorsqu’ils n'étaient pas carrément passés à tabac.
Bras de fer en sourdine
C’est que la symbolique de l'action, si elle révèle l’ampleur du malaise qui couve au sein de ce corps de sécurité, n’en dissimule pas moins quelques relents politiques. Sinon, comment expliquer ce subit tir groupé contre Abdelghani Hamel, arrivé en juillet 2010 [à la tête de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN)] ? Comment expliquer que c’est [le Premier ministre] Abdelmalek Sellal qui se déplace à la présidence de la République pour recevoir les représentants des policiers ?
Faut-il voir dans ce mouvement un bras de fer en sourdine entre le ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, et le directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel ? S’agit-il du prolongement du feuilleton des restructurations opérées au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) ? Faut-il y voir une lutte féroce au sommet dans la guerre de succession à Bouteflika, dont la vacance est désormais établie ? Autant de questions auxquelles il n’est pas aisé de répondre, faute d’éléments d’informations fiables et au regard des mécanismes de fonctionnement du sérail dont l’opacité est la marque de fabrique.
Passer son temps à réprimer les citoyens
"C’est la première fois depuis l’indépendance (1962) que cela arrive, que des policiers décident de protester. Cela est dû, de mon point de vue, aux fortes pressions auxquelles est soumis ce corps de sécurité. C’est révélateur de l’absence de responsables de la société civile et de responsables politiques. En un mot, l’absence de démocratie. C’est la faillite totale du régime. J’ai entendu, il y a quelques mois, un représentant de la DGSN déclarer que la police est intervenue plus de dix mille fois contre les émeutiers en 2012. C’est très grave, car on a laissé les citoyens et la police face à face régler leurs problèmes. Or, le règlement des problèmes se fait autrement. On les règle politiquement. La mission de la police n’est pas de passer son temps à réprimer les citoyens", explique au journal Liberté l’enseignant en sciences politiques et ancien officier militaire à la retraite, Ahmed Adimi. Faut-il cependant y voir une manipulation dans ce mouvement inattendu ?
"Je ne pense pas qu’il y ait une manipulation. Si on arrive à manipuler tout un corps, cela veut dire qu’il ne reste plus rien dans ce pays. A mon avis, les policiers sont fatigués, ils ne peuvent plus supporter la situation", tranche Adimi. Il reste que, de par la symbolique d’avoir réussi à accéder à la présidence, d’avoir fait venir Abdelmalek Sellal, les policiers ont mis à nu la gestion approximative des affaires publiques au sommet de l’Etat et une carence de la gouvernance. Une exacerbation de la crise et des changements en perspective ne sont pas à exclure.
Bras de fer en sourdine
C’est que la symbolique de l'action, si elle révèle l’ampleur du malaise qui couve au sein de ce corps de sécurité, n’en dissimule pas moins quelques relents politiques. Sinon, comment expliquer ce subit tir groupé contre Abdelghani Hamel, arrivé en juillet 2010 [à la tête de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN)] ? Comment expliquer que c’est [le Premier ministre] Abdelmalek Sellal qui se déplace à la présidence de la République pour recevoir les représentants des policiers ?
Faut-il voir dans ce mouvement un bras de fer en sourdine entre le ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, et le directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel ? S’agit-il du prolongement du feuilleton des restructurations opérées au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) ? Faut-il y voir une lutte féroce au sommet dans la guerre de succession à Bouteflika, dont la vacance est désormais établie ? Autant de questions auxquelles il n’est pas aisé de répondre, faute d’éléments d’informations fiables et au regard des mécanismes de fonctionnement du sérail dont l’opacité est la marque de fabrique.
Passer son temps à réprimer les citoyens
"C’est la première fois depuis l’indépendance (1962) que cela arrive, que des policiers décident de protester. Cela est dû, de mon point de vue, aux fortes pressions auxquelles est soumis ce corps de sécurité. C’est révélateur de l’absence de responsables de la société civile et de responsables politiques. En un mot, l’absence de démocratie. C’est la faillite totale du régime. J’ai entendu, il y a quelques mois, un représentant de la DGSN déclarer que la police est intervenue plus de dix mille fois contre les émeutiers en 2012. C’est très grave, car on a laissé les citoyens et la police face à face régler leurs problèmes. Or, le règlement des problèmes se fait autrement. On les règle politiquement. La mission de la police n’est pas de passer son temps à réprimer les citoyens", explique au journal Liberté l’enseignant en sciences politiques et ancien officier militaire à la retraite, Ahmed Adimi. Faut-il cependant y voir une manipulation dans ce mouvement inattendu ?
"Je ne pense pas qu’il y ait une manipulation. Si on arrive à manipuler tout un corps, cela veut dire qu’il ne reste plus rien dans ce pays. A mon avis, les policiers sont fatigués, ils ne peuvent plus supporter la situation", tranche Adimi. Il reste que, de par la symbolique d’avoir réussi à accéder à la présidence, d’avoir fait venir Abdelmalek Sellal, les policiers ont mis à nu la gestion approximative des affaires publiques au sommet de l’Etat et une carence de la gouvernance. Une exacerbation de la crise et des changements en perspective ne sont pas à exclure.
Liberté Karim Kebir 17 octobre 2014
http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/17/c-est-la-faillite-totale-du-regime