Le 25 janvier 2011, dans la foulée de la révolution tunisienne, le dictateur égyptien Moubarak était chassé.
Mais l’appareil d’État est demeuré largement intact, dont notamment l’armée et son immense empire économique. Depuis quatre ans, le pouvoir est successivement passé des mains de l’état-major de l’armée à celles des Frères musulmans, pour revenir ensuite aux militaires.
Depuis la prise de pouvoir du maréchal Sissi le 3 juillet 2013, une répression féroce s’est abattue sur tous les opposants, qu’ils soient des partisans du président islamiste déchu Morsi ou des laïcs.
Climat de peur et répression
En moins d’un an, plus de 40 000 Égyptiens ont été emprisonnés, alors que Moubarak, jugé pour la mort en 2011 de 900 manifestants, était acquitté. Au nom de la sécurité, l’état d’urgence a été réinstauré et une loi interdisant tout rassemblement de plus de 10 personnes a été promulguée. La loi permet de punir de 10 ans d’emprisonnement toute personne accusée d’atteinte à l’unité nationale et à la paix sociale...
Pour faire bonne mesure, le 5 janvier dernier, dans la crainte évidente de manifestations commémorant le 25 janvier, les avoirs et les biens de 112 membres des Socialistes révolutionnaires, du Mouvement du 6 avril et des Jeunes pour la justice et la liberté ont été saisis. On donne des gages aux salafistes en poursuivant les homosexuels, et le ministère de l’Éducation mène une campagne contre l’athéisme. Les femmes hésitent à sortir seules de chez elles, même si certaines d’entre elles, peu encore, ont quitté le voile.
Un climat général de peur s’est installé : plus aucune discussion politique dans les lieux publics, puisque n’importe qui peut dénoncer toute discussion qu’il juge tendancieuse, avec arrestation immédiate des contrevenants.
Pour autant, la fameuse « sécurité » dont se prévaut Sissi n’est pas au rendez-vous : jamais les frontières avec la Libye et le Sinaï n’ont été aussi dangereuses, et Anssar Beit El Makdess (lié à Daesh) n’hésite pas à commettre des attentats au Caire ou à Alexandrie.
Pain, liberté, dignité et justice sociale ?
Au niveau international, Sissi, qui ambitionnait d’occuper un rôle central dans la région, est vite apparu comme le soutien de la politique US, ainsi que le complice du Premier ministre israélien Netanhyaou, fermant le terminal de Rafah aux secours, ainsi qu’aux blessés, et cela au plus fort de l’offensive israélienne contre Gaza.
Dans le pays, aucun des problèmes sociaux qui avaient abouti à la révolution du 25 janvier n’est réglé. Les investissements étrangers sont taris à cause de l’instabilité du pays, du manque de transparence et surtout de la corruption généralisée, et le tourisme est moribond. Les salaires sont bas, et le coût de la vie de plus en plus élevé à cause de l’inflation et de la baisse des subventions étatiques.
Les États-Unis versent annuellement à l’Égypte plus de 1 milliard de dollars pour contribuer à la sécurité d’Israël. Hormis le Qatar, les monarchies pétrolières allouent des sommes considérables dans le souci de leur propre stabilité. Ces subventions ne sauraient suffire. Les premières couvrent les dépenses des forces de l’ordre et de répression ; les secondes, les salaires d’une pléthore de fonctionnaires sous, ou mal employés. La dette extérieure et intérieure atteignant le niveau abyssal de 200 milliards de dollars, la possibilité d’une cessation de paiements n’est pas à exclure.
Des luttes ouvrières pour la défense des acquis continuent dans de grands centres industriels, mais au niveau politique, on assiste à un très fort émiettement des forces révolutionnaires, avec un grand sentiment d’impuissance à cause de la répression.
Le chômage qui frappe particulièrement la jeunesse ne peut que devenir de plus en plus insupportable. Pain, liberté, dignité et justice sociale restent des mots d’ordre toujours plus d’actualité et la question d’une alternative politique révolutionnaire comme au lendemain du 25 janvier 2011 reste la question clé.
D’Alexandrie, Hoda Ahmed
Samedi 17 Janvier 2015