Manifestation pour le pain à Alexandrie, le 7 mars 2017,
avec les «cartes en papier» bien visibles
Le 6 mars 2017, des centaines d’habitant·e·s sont descendus dans les rues de diverses localités et villes en Haute-Egypte et dans le delta du Nil, après que le ministère de l’Approvisionnement a réduit leur ration subventionnée de pain baladi (connu sous le nom de pita, base de l’alimentation en Egypte).
Le lendemain, des milliers de personnes protestaient dans 17 districts dans tout le pays. A Alexandrie, des manifestant·e·s ont bloqué pendant plus de quatre heures une route principale à l’entrée d’un port important, alors que les résidents populaires de la banlieue d’Imbaba à Gizeh [sur la rive gauche du Nil, face à la vieille ville du Caire] bloquaient la route de l’aéroport. Ailleurs, des femmes de la ville de Dissouk, dans le delta du Nil, ont organisé un sit-in bruyant sur les rails de la gare local, en scandant «Un, deux, où est le pain?» et en appelant au renversement du gouvernement du président [ex-maréchal] Abdel Fattah El-Sissi. [1] Le hashtag arabe #Supply_Intifada n’a pas tardé à se répandre sur le Twitter égyptien. Pour tenter de couper court à d’autres mobilisations, le gouvernement égyptien – qui prend appui sur l’armée – s’est dépêché de rétablir l’accès au pain des habitants. Il a promis d’augmenter la ration dans les régions où il y avait eu des protestations.
Les émeutes contre la pénurie alimentaire
La récente série de protestations contre la pénurie alimentaire a eu lieu dans le contexte de l’ébranlement des prix provoqué par la décision, le 3 novembre 2016, de la Banque centrale d’Egypte de la flotter la livre égyptienne [autrement de la «libération» du taux de change]. La dévaluation de la livre fait partie d’une série de mesures – dont des coupes dans les dépenses publiques et l’introduction d’une TVA – exigées par le Fonds monétaire international (FMI), en échange d’un prêt de 12 milliards de dollars pour soutenir l’économie égyptienne défaillante. [2] En février 2017, l’inflation des prix alimentaires atteignait 42%. [3] Les principales denrées de base ont été particulièrement frappées: au cours de l’année passée, les Egyptiens ont vu le prix du pain et de l’huile de cuisine augmenter de presque 60%. [4] Pour mettre ces données en perspective, il faut savoir que durant l’année qui a précédé de Printemps arabe de 2011, les prix des denrées alimentaires en Egypte ont subi des hausses annuelles de près de 15%. [5] Sur la base de ces données et de développements comparables, des chercheurs ont estimé que les protestations suscitées par l’insécurité alimentaire ont été un facteur clé dans l’éclatement de la Révolution égyptienne du 25 janvier.[6]
Il existe un précédent historique. En Egypte, le prix du pain a été considéré comme une question potentiellement explosive depuis l’«Intifada du pain» de 1977, lorsque le président Anwar Sadate [Président de la République de 1970 au 6 octobre 1981; issu de la hiérarchie militaire, Sadate, assis sur la tribune présidentielle, a été tué lors d’une parade militaire] a annoncé qu’il allait abroger les subsides pour plusieurs denrées alimentaires de base. Dans la foulée, des protestations incontrôlables ont éclaté dans tout le pays, manifestations qui ont été durement réprimées. Deux jours plus tard, l’Etat était revenu en arrière et a promis de laisser intacte le système des subventions.
Ailleurs, dans la région, des tentatives pour couper les subsides étatiques ont eu des conséquences similaires: dans les années récentes, des mesures d’austérité ont été entravées par des mobilisations de rue au Maroc, en Tunisie, en Jordanie, au Yémen et en Mauritanie. [7] En 2017 les contours d’une future rébellion sont, peut-être, en train de prendre forme en Egypte, alors qu’une inflation galopante s’ajoute à des niveaux élevés de chômage. [8] Et si les explications qui voient un lien entre les protestations contre la pénurie alimentaire et le Printemps arabe de 2011 sont correctes, il semble possible que les conditions et les modalités pour un nouveau soulèvement de masse soient en train de prendre forme.
Au vu de ce contexte historique, un examen approfondi des récentes protestations contre la pénurie alimentaire en Egypte peut apporter de nouveaux renseignements sur les dynamiques qui se développent dans le pays et en particulier sur la fermeté dont fera preuve le gouvernement soutenu par les militaires dans l’application des nouvelles réformes dictées par le FMI et sur ses réactions face aux nouvelles mobilisations de la rue, si la situation économique continue à se détériorer.
Pour effectuer notre analyse, nous avons effectué un inventaire des récentes protestations liées à la pénurie alimentaire en Egypte à partir de rapports en langue arabe et de vidéos des protestations téléchargées sur les médias sociaux. On a enregistré les localités où ont eu lieu les protestations, le nombre de participants, leurs tactiques, si les forces de sécurité égyptiennes les avaient réprimées, ainsi que tout nouvel élément ou slogan. Au total nous avons identifié 24 mobilisations entre le 6 et le 7 mars 2017, réparties dans 17 districts de 5 gouvernorats.
Intifada de l’approvisionnement
Les différentes manières dont les Egyptiens accèdent au système de subventions sont une clé pour comprendre la configuration des récentes protestations alimentaires. La miche de pain subventionné coûte 5 piastres [une livre: 100 piastres, il s’agit donc de 5 Pt]. Suites aux récentes augmentations des prix des denrées alimentaires, ce prix est jusqu’à dix fois meilleur marché que celui d’une miche de pain vendue non subventionnée sur le marché libre. Comme d’autres denrées alimentaires subventionnées, le pain subventionné ne peut être acheté que dans des points de vente enregistrés auprès du ministère de l’Approvisionnement. Certains de ces points de vente sont gérés comme des coopératives, mais la plupart opèrent comme des entreprises privées. Depuis 2014, l’achat de biens subventionnés était nominalement régulé par l’utilisation d’une carte à puce, cette mesure faisant partie du programme d’austérité du gouvernement. Ce système permet aux détenteurs de cartes à puce qui ne réclament pas leur allocation de pain de recevoir des crédits qui peuvent être utilisés pour acheter d’autres biens subventionnés. Mais la distribution de cartes à puce individuelles n’a été que partielle.
Dans le budget 2016-2017, le ministère des Finances a prévu que 82 millions d’Egyptiens (soit 92% de la population) demanderaient du pain subventionné. [9] Or, selon les chiffres les plus récents, publiés par le ministère de l’Approvisionnement, seuls 69 millions d’Egyptiens ont accès aux cartes à puce, ce qui fait que 13 millions d’Egyptiens (16%) doivent continuer à utiliser des cartes en papier pour toucher leurs denrées subventionnées. [10] Comme solution de dépannage, le ministère de l’Approvisionnement a distribué aux commerçants des «gold card». Avec ce système parallèle, les commerçants reçoivent un quota quotidien qui se situe entre 1000 et 4000 miches de pain, selon le nombre de détenteurs de cartes en papier de leur région. Chaque fois qu’un commerçant vend du pain subventionné à un client muni d’une ancienne carte en papier, il est supposé enregistrer la vente sur leur gold card, déduisant ainsi le produit vendu de leur quota quotidien. Ce processus est coordonné au niveau des sous-districts par les bureaux locaux d’approvisionnement. [11]
Le 6 mars, le ministère de l’Approvisionnement a annoncé que le quota de pain journalier à disposition pour les gold cards allait être réduit à 500 miches. Incapables de répondre à la demande, des boulangeries enregistrées auprès l’Etat, partout dans le pays, ont réduit la ration quotidienne de pain disponible pour les détenteurs de cartes en papier de cinq à trois miches, ce qui a suscité des manifestations devant les bureaux d’approvisionnement dans plusieurs districts.
Par exemple, à Assiout [ville importante de Haute-Egypte sur la rive occidentale du Nil|, un des gouvernorats les plus pauvres de l’Egypte, plus de 870’000 cartes à puce subventionnées sont en circulation, pour soutenir 3,2 millions d’individus (75% de la population). [12] Cela laisse bon nombre de résidents qui continuent à dépendre de l’ancien système de cartes en papier. Des denrées subventionnées sont disponibles à l’achat dans plus de mille points de vente enregistrés, qui à leur tour sont chapeautés par 65 bureaux d’approvisionnement. En réaction à la réduction du quota de la gold card, des détenteurs de la carte en papier ont participé à des protestations spontanées devant les bureaux d’approvisionnement des districts de Abnoub, Abou Tig, al-Fath et Sidfa [voir carte ci-dessus].
Au cours de la même après-midi, des protestataires se sont mobilisés devant le bureau d’approvisionnement à Abou Qurqas dans le gouvernorat voisin de Minya [à 250 km au sud du Caire]. [13]. Dans le même temps, à plusieurs de centaines de kilomètres au Nord, dans la ville de Dissouq dans le gouvernorat de Kafr el-Cheik [gouvernorat du même nom que sa capitale] dans le delta du Nil, des manifestants ont bloqué la rue principale bordant le bâtiment du conseil municipal de la ville, réclamant que le quota soit rétabli. Même s’ils sont situés dans différentes localités, ces bureaux partagent quelques caractéristiques communes: en termes de taux d’illettrisme (un indicateur de privation) et d’étendue de l’économie agraire, ils servent certains des districts les plus ruraux d’Egypte – à l’exception de Dissouq [voir carte ci-dessous].
Le lendemain, alors que les habitants continuaient à se mobiliser à Assiout, Kafr el-Cheik et Minya, les mobilisations se sont étendues à des régions plus urbaines. A Alexandrie, plusieurs centaines de résidents se sont mobilisés devant les bureaux d’approvisionnement d’al-Dukhaylah et al-Manshiyah, alors des foules importantes bloquaient les routes et les lignes de tram à Asafra, al-‘Atarin et al-Amriyah et scandant: «Nous voulons du pain» et «Vous nous prenez la nourriture, vous essayez de nous tuer». A al-Warraq et Imbaba à Gizeh, des résidents ont également bloqué les entrées de leur bureau local d’approvisionnement en exigeant que la ration complète de pain soit rétablie. En même temps, de nouvelles protestations ont éclaté dans les gouvernorats d’Asyut, de Minya et du Sud Sinaï dans des districts qui étaient restés calmes auparavant. Dans tous ces cas, il semble que les résidents locaux suivent une manière de procéder qui date d’avant le modèle de mobilisation qui a été inauguré lors du soulèvement du 25 janvier. [14] En effet, plutôt que d’essayer d’occuper des places et des espaces urbains politiquement symboliques, les protestataires ont agi localement, sur leurs lieux de résidence, en infligeant un coût immédiat aux autorités en bloquant le flux du trafic et en perturbant le fonctionnement du gouvernement local.
La réponse du régime
Depuis le coup de 2013 [3 juillet 2013] qui a évincé le président islamiste Mohamed Morsi, le gouvernement soutenu par les militaires a utilisé une loi anti-protestation drastique pour arrêter des milliers de manifestants. Il est donc frappant que sur les 24 protestations ayant trait aux rations de pain subventionné que nous avons pu identifier, seules quatre d’entre elles ont suscité une quelconque répression. Toutes les actions réprimées se sont déroulées dans les grands centres urbains d’Alexandrie et de Gizeh. Et même là, il semble que seule une force minimale a été employée. Dans l’épisode le plus sérieux, à al-Warraq à Gizeh, les forces de police ont finalement dispersé les protestataires qui bloquaient le bureau d’approvisionnement local en arrêtant plusieurs d’entre eux.
La police a aussi brisé la protestation alimentaire à Imbala [quartier résidentiel du Caire], après que des résidents aient bloqué la route de l’aéroport. Mais ce sont là des exceptions. A Dissouq, où ont éclaté les premières mobilisations, le directeur du Conseil municipal a rencontré les protestataires en tentant de les persuader de mettre un terme à leur blocus. [15] Lorsqu’ils ont refusé, on a téléphoné au gouverneur, qui à son tour s’est engagé à faire pression auprès du ministre de l’Approvisionnement pour faire rétablir les quotas. Plus tard, le lendemain soir, il a été annoncé que le quota des gold cards dans les boulangeries à Kafr el-Cheik avait été augmenté, poussant les protestataires à démobiliser. [16]
A Alexandrie les choses se sont passées de manière analogue: les forces de police se contentaient de monter la garde alors que les résidents locaux bloquaient la ligne de tram dans plusieurs districts. A Asafra [quartier d’Alexandrie], au lieu de dégager le sit-in, les officiers de police ont initialement rassuré les protestataires en déclarant que la décision de réduire les quotas allait être annulée; même si plus tard il a été indiqué que la police antiémeute avait été déployée pour sécuriser les lieux. [17] Ce même après-midi, des officiers de police ont été photographiés alors qu’ils faisaient des tournées dans les quartiers ouvriers, en distribuant du pain aux résidents. [18] Ailleurs, on a laissé les protestataires s’engager dans de petits blocus de bureaux d’approvisionnement locaux et poursuivre leurs sit-in avec seulement une ingérence minimale de la part des forces de sécurité.
Le soir du 7 mars, le média d’Etat égyptien rapportait que le ministre de l’Approvisionnement avait présenté des excuses et réaffirmé: «Chaque citoyen a droit à du pain subventionné». [19] Le lendemain, le ministère de l’Approvisionnement s’est dépêché de distribuer 100’000 nouvelles cartes à puce pour remplacer les cartes en papier existantes dans six des gouvernorats, dont quatre des cinq gouvernorats où il y avait eu des protestations. [20]
Dans une tentative pour détourner des critiques au sujet des réductions, le ministère de l’Intérieur et celui de l’Approvisionnement ont annoncé qu’ils allaient lancer une campagne d’inspection dans les boulangeries et points de vente enregistrés auprès de l’Etat et sévir contre la corruption. [21] En attendant, craignant que les protestations ne montent à nouveau après la prière du vendredi, le ministère du Patrimoine et des Affaires religieuses a diffusé un sermon appelant les Egyptiens à réfléchir aux circonstances économiques difficiles et à se préparer à faire des sacrifices pour la patrie. [22] Ensuite c’est le président Sissi lui-même qui a fait une déclaration publique en s’engageant à ce que le quota du pain ne soit pas à nouveau limité. [23]
Dans la file d’attente du pain
Que peut nous apprendre cet épisode? L’Intifada de l’approvisionnement souligne de multiples manières le potentiel de la politique gouvernementale en Egypte à générer des protestations. Ici, la décision de couper le quota disponible sur les gold cards a entraîné presque immédiatement une mobilisation déstabilisante.
En même temps, les développements de la mobilisation suggèrent que les seuls griefs économiques ne prédisent pas l’ampleur des protestations. Entre le 6 et le 7 mars, des millions d’Egyptiens ont trouvé leur sécurité alimentaire immédiatement menacée. Toutefois, seule une petite minorité des personnes touchées est descendue dans la rue dans des mobilisations très locales. Pourtant, le contexte des premières protestations alimentaires est révélateur.
Dans les cercles politiques (et en particulier ceux des institutions financières internationales) on pense généralement que la «classe moyenne» urbaine a de plus fortes chances de se mobiliser en réaction à des coupes dans leurs subventions. [24] Il faut souligner que le système qui consiste à récompenser des titulaires de cartes à puce lorsqu’ils ne demandent pas leur pain subventionné de manière disproportionnée bénéficie aux familles de la classe moyenne, qui ont davantage de chances de consommer des aliments de base autres que le pain (par exemple le riz) ou d’acheter du pain de meilleure qualité, pas subventionné. De manière révélatrice, la réduction du quota de pain des gold cards s’est accompagnée du projet d’augmenter la quantité de crédit que recevraient les détenteurs de cartes à puce. [25] Mais comme le montrent clairement les protestations de mars, les pauvres, aussi bien dans les zones rurales que dans les villes, sont également disposés à se mobiliser contre la réduction des subventions. Les pauvres d’Egypte ont également compris la dynamique de classe des subventions du pain. A Alexandrie, des femmes protestaient en scandant «Ils mangent du fino [pain de meilleure qualité] alors que nous ne trouvons pas notre pain.»
Plusieurs protestataires interviewés par les médias se sont plaints de la qualité du pain baladi subventionné, et une femme affirmait qu’il devrait plutôt servir à nourrir les poules. «Le ministre de l’Approvisionnement mangerait-il ceci?», demanda-t-elle devant la caméra, alors qu’un groupe d’enfants qui se bousculaient autour d’elle répondaient en criant à l’unisson: «Non!». Le comportement du régime face à ces mobilisations montre non seulement que les autorités ne sont pas préparées à cette réaction, mais aussi que le régime craint de provoquer davantage ces électeurs. C’est ce que montrent clairement la volte-face immédiate du ministre de l’Approvisionnement et la réticence de la police à réprimer les habitants. Cela suggère que même des petites protestations localisées peuvent être un outil efficace pour arracher des concessions du régime de Sissi.(Article publié dans Middle East Research and Information en date du 29 mars 2017; traduction A l’Encontre; titre A l’Encontre)
Post-scriptum
Le 27 mars 2017, sur le site NPA2009, Hoda Ahmed indiquait que la campagne: «Nous voulons vivre» – dont le congrès inaugural a eu lieu à la mi-janvier – a pour l’objectif de lutter pour les droits sociaux des Egyptiens et Egyptiennes, particulièrement les travailleurs. Cette initiative regroupe des partis politiques comme les Socialistes Révolutionnaires ou Pain et Liberté, des ONG et des organisations syndicales comme l’Union égyptienne des travailleurs du pétrole ou le Front de défense des journalistes. Ces forces dénoncent le prêt du FMI accordé à l’Egypte et le programme de contre-réformes qui l’accompagne. Elles pointent la responsabilité du gouvernement qui a fait «le choix politique» de «l’appauvrissement de la population.»
La campagne «Nous voulons vivre» – qui doit être conduite dans un climat répressif sévère – traduit la prise en compte d’un mécontentement social grandissant dont l’expression la plus ample, pour l’heure, s’est traduite dans la bataille pour le pain pita en ce début mars.
Le lundi 3 avril 2017 est prévue une rencontre entre le président Al-Sissi et le président Donald Trump. En marge de l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre 2016, un «contact» avait déjà été établi entre les deux chefs. Trump n’avait-il pas qualifié, lors de sa campagne électorale, Al-Sissi de «gars fantastique»? Et ce dernier avait renvoyé le compliment par une formule sonnante: Trump «a l’étoffe d’un grand leader». A coup sûr la «lutte contre le terrorisme» sera au centre des échanges. Quant à la détermination des montants de «l’aide militaire» et financière, les interrogations vont persister. Par contre, le silence planera sur le régime de répression. (Réd. A l’Encontre)
Neil Ketchley et Thoraya El-Rayyes
Alencontre le 2 - avril - 2017
http://alencontre.org/