L’Arabie Saoudite vient de faire parler d’elle à l’échelle internationale, avec la mort du roi Abdallah, décédé le 23 janvier dernier à l’âgé de 90 ans. Son successeur sera son frère Salmane, un jeunot de 79 ans, aussi « ouvert d’esprit » que son aîné.
Les divers hommages venus des grandes puissances au défunt roi prêteraient à rire, si la réalité de la vie des « sujets » saoudiens n’était pas aussi triste. Mais une partie des dirigeants impérialistes a un peu moins trouvé à rire quand est venue sur la table la question du rôle du royaume saoudien dans la région.
Ainsi le 2 octobre 2014, le vice-président des États-Unis, Joe Biden, déclara lors d’une réunion à l’université de Harvard (aux USA), à propos des soutiens dont bénéficiaient les groupes djihadistes : « Notre plus gros problème, c’était nos alliés dans la région. Les Turcs sont des grands amis, ainsi que les Saoudiens et les résidents des Émirats arabes unis. Mais (…) ils ont mené une guerre par procuration entre sunnites et chiites, et ils ont fourni des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers d’armes à tous ceux qui acceptent de lutter contre el-Assad. »
Pouvoir wahhabite et Frères musulmans
On comprend bien que ce qui inquiétait le vice-président US, ce n’est pas que les pays nommés auraient soutenu des forces démocratiques se battant contre la dictature syrienne, mais bien les djihadistes qui conçoivent cette lutte dans une optique de guerre confessionnelle : le pouvoir syrien est entre les mains du courant religieux alaouite, et ses principaux alliés sont chiites (le régime iranien et le Hezbollah libanais).
Certains ont cru ou croient toujours que la monarchie saoudienne soutiendrait les partis affiliés à l’internationale des Frères musulmans, ce qui est une erreur. Si le pouvoir wahhabite saoudien a aidé les Frères musulmans dans les années 1950 et 1960 contre le régime nassériste – le nationalisme arabe séculier était alors son ennemi principal absolu –, les deux sont devenus des rivaux depuis de longues années. Cela s’explique par des rivalités pour la direction des forces islamistes dans le monde, mais aussi par l’orientation « républicaine » des Frères musulmans (qui aspirent à une République islamique, mais rejettent la monarchie).
Concernant l’Égypte, les alliés de l’Arabie saoudite se trouvent parmi les partis salafistes, qui ont majoritairement soutenu les militaires contre les Frères musulmans. L’Arabie saoudite et d’autres monarchies du Golfe ont rapidement collecté 12 milliards de dollars d’aide financière en quelques jours début juillet 2013, permettant au nouveau pouvoir égyptien de colmater les brèches dans le budget de l’État...
Le Qatar en soutien aux radicaux
Le Qatar est le seul régime monarchique du Golfe à déplorer ouvertement la mise à l’écart des Frères musulmans en Egypte. La chaîne télévisée qatarie a pris d’ailleurs ouvertement leur parti, mais le pouvoir qatari a fini par accepter les nouvelles réalités égyptiennes.
Mais le Qatar soutient, lui aussi, des islamistes plus radicaux, d’obédience djihadistes, dans certains pays. Ainsi, quand les djihadistes avaient pris le pouvoir par les armes au Nord du Mali entre janvier et avril 2012, le Qatar leur fournissait une aide qui ne tarda pas à être remarquée : des avions en provenance du Qatar atterrissaient sur place, officiellement dans un but « humanitaire »…
Et sur le théâtre de guerre syrien, le Qatar joue par ailleurs le même jeu que le pouvoir saoudien, cherchant à transformer l’affrontement politique avec le régime Assad en guerre confessionnelle.
Bertold du Ryon
* Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 274 (29/01/2015). http://www.npa2009.org/