Comment Mohammed al Roken sacrifie sa liberté au nom des droits humains aux Émirats arabes unis
Dimanche 12 avril 2015 marquera le 1 000e jour de détention de Mohammed al Roken, emprisonné aux Émirats arabes unis à la suite d’une vague de répression à l’encontre des militants politiques et des défenseurs des droits humains. Dans le monde entier, Amnesty International se mobilise pour qu’il soit libéré.
Au cours des deux dernières semaines, j’ai lu et dénombré environ 4 000 cartes et lettres de soutien à l’avocat spécialisé dans les droits humains et professeur de droit Mohammed al Roken. Celui-ci a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement aux Émirats arabes unis à la suite d’un procès collectif inique de 94 militants et détracteurs du gouvernement. Il a passé la majeure partie des 1 000 derniers jours dans une prison de haute sécurité située dans le désert d’Abou Dhabi.
Les cartes ne représentent qu’une petite fraction des 100 000 soutiens recueillis dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits, qui a été menée en décembre 2014 par Amnesty International pour demander, entre autres, la libération de Mohammed al Roken. J’espère que lui et sa famille ont pu lire tous ces messages de soutien et que le fait de savoir qu’ils ne sont pas seuls dans ce combat leur a donné de la force et du courage. Malheureusement, il peut être dangereux de leur envoyer quoi que ce soit car les familles de prisonniers d’opinion subissent de très fortes pressions de la part des autorités du pays pour garder le silence.
Arrestation, emprisonnement et isolement cellulaire
De nombreux citoyens des Émirats arabes unis ont été choqués lorsque Mohammed al Roken, originaire de Dubaï, a été envoyé en prison. Mais ils n’osent pas s’exprimer de peur de connaître le même sort. Personne ne veut être arrêté, enfermé à l’isolement pendant des mois et emprisonné pendant 10 ans. Les gens ont même peur de parler à Amnesty International. J’écris ce billet de blog en faisant très attention à ne pas faire courir le moindre risque à quiconque d’être arrêté ou harcelé.
C’est pourquoi je suis extrêmement reconnaissante envers celles et ceux qui ont témoigné leur soutien à Mohammed al Roken. Il est très difficile de mener des campagnes concernant les Émirats arabes unis car elles sont souvent éclipsées par l’actualité des plus grands pays de la région, comme l’Arabie saoudite. Pourtant, cet État n’est pas moins répressif contre les dissidents.
Il est en outre facile de se laisser aveugler par les impressionnants gratte-ciels, les boutiques et les plages de ce pays. Mais cette façade cache une autre réalité : au cours des dernières années, un grand nombre de militants et leurs familles ont été réduits au silence après avoir demandé des réformes démocratiques, plus de droits et plus de liberté.
Interdiction de voyager, harcèlement et surveillance
Je connais de nombreuses personnes qui ont rencontré Mohammed al Roken et toutes n’éprouvent que du respect et de l’admiration à son égard. Dans tous les messages que j’ai lus, les gens font part de leur consternation et leur tristesse, mais aussi de leur admiration pour la force dont il a fait preuve en faisant ce que très peu de personnes ont le courage de faire. Il était passionné par son combat pour la défense des droits humains aux Émirats arabes unis alors qu’il aurait très bien pu choisir une voie plus simple et ainsi éviter des années de harcèlement, d’interdiction de voyager, de surveillance et d’emprisonnement.
Nous n’avons jusqu’à présent reçu aucune réponse du gouvernement des Émirats arabes unis, mais je sais qu’ils sont au courant de notre campagne et qu’ils liront ce billet de blog. J’espère sincèrement que la situation va s’améliorer. Les Émirats arabes unis sont un grand pays et leurs dirigeants ont accompli beaucoup de choses depuis la fondation du pays en 1971. Mais un pays progressiste se doit de respecter et de protéger les droits humains, et non d’enfermer les personnes qui les défendent.
Libérez Mohammed al Roken dès aujourd’hui
Mon souhait est que Mohammed al Roken et les autres militants emprisonnés en même temps que lui soient libérés immédiatement et sans conditions. J’espère également que M. al Roken récupérera son autorisation d’exercer le droit afin qu’il puisse poursuivre son formidable travail d’avocat et qu’il soit de nouveau autorisé à donner des cours de droit.
Pour son 1 000e jour d’emprisonnement, je veux lui dire ainsi qu’à sa famille que sa situation est connue dans le monde entier. Nous continuerons à nous battre jusqu’à sa libération.
Mansoureh Mills est chargée de campagne pour Amnesty International pour les Émirats arabes unis, l’Iran et le Koweït.
Par Mansoureh Mills, London 9 avril 2015