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Syrie. Dans l'est d'Alep, les civils craignent les actes de représailles
Égypte. Une défenseure des droits des femmes est arrêtée sur fond d’intensification inquiétante de la répression
Arabie saoudite. Les condamnations à mort prononcées collectivement à l’issue d’un procès pour «espionnage» sont une parodie de justice
Sommet du Conseil de coopération du Golfe. Répression systématique de la liberté d’expression dans le Golfe
Mauritanie. 10 militants anti-esclavagistes libérés
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Sommet du Conseil de coopération du Golfe (Amnesty)
Répression systématique de la liberté d’expression dans le Golfe
Le bilan déplorable des droits humains dans les États du Golfe ne doit pas être balayé sous le tapis lorsque les États membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) se réuniront dans la capitale bahreïnite, Manama, les 6 et 7 décembre, à l’occasion de leur sommet annuel, a déclaré Amnesty International lundi 5 décembre 2016.
Il est à noter que les droits humains seront absents de l’ordre du jour du sommet annuel, qui réunira les six États du CCG – Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Émirats arabes unis – pour débattre de la coopération en matière de commerce et de sécurité, sans évoquer la vague de répression qui balaie la région pour des motifs de sécurité.
« Depuis quelques années, à travers les pays du Golfe, nous constatons que les militants des droits humains, les opposants politiques pacifiques et les détracteurs des autorités sont systématiquement pris pour cibles au nom de la sécurité. Des centaines d’entre eux sont harcelés, poursuivis illégalement, déchus de leur nationalité, détenus de manière arbitraire ou dans certains cas emprisonnés voire condamnés à mort à l’issue de procès iniques, dans le cadre d’une initiative concertée visant à les intimider et à les réduire au silence, a déclaré Randa Habib, directrice régionale du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
« Le recours à ces méthodes pour piétiner les droits des citoyens dans les États du CCG doit prendre fin sans délai. »
La Première ministre britannique Theresa May, qui doit assister au sommet du CCG, a une occasion unique d’évoquer les préoccupations relatives aux violations des droits humains relevant d’une pratique bien établie dans la région.
« Depuis des années, les alliés occidentaux des États du CCG, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, répugnent à parler franchement des violations endémiques des droits humains dans le Golfe. Ils tournent ainsi le dos aux innombrables victimes dans la région. Il est grand temps que les alliés du CCG cessent de faire passer le commerce et la coopération en matière de sécurité avant les droits humains et Theresa May doit saisir cette occasion d’aborder des problèmes clés en matière de droits », a déclaré Randa Habib.
Dans les années qui ont suivi les soulèvements de 2011 dans le monde arabe, plusieurs pays du Golfe ont adopté des lois répressives relatives au terrorisme, à la cybercriminalité et aux rassemblements publics, en vue de restreindre la liberté d’expression et de sanctionner ceux qui critiquent les politiques gouvernementales, leurs dirigeants ou ceux d’autres États du CCG.
Dans les pays du CCG, se dégage clairement une tendance qui consiste à s’appuyer sur des lois générales et vagues relatives à la sécurité afin de condamner des militants et détracteurs pacifiques à l’issue de procès d’une iniquité flagrante.
« Si les tensions sont vives dans la région depuis la montée du groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI) et le risque d’attentats meurtriers, ce n’est pas une excuse pour se déchaîner en écrasant toute forme de dissidence pacifique. Les gouvernements du CCG doivent cesser d’utiliser la sécurité comme un prétexte pour justifier la répression », a déclaré Randa Habib.
Parmi ceux qui sont pris dans les filets de la répression figurent des défenseurs des droits humains, des leaders de l’opposition, des journalistes, des avocats et des universitaires.
Citons entre autres en Arabie saoudite l’avocat et défenseur des droits humains Waleed Abu al Khair, dont le cas illustre parfaitement l’usage de la loi antiterroriste pour sanctionner ceux qui exercent leur droit à la liberté d’expression. Il purge actuellement une peine de 15 ans de prison après avoir été condamné à l’issue d’un procès inique aux termes de la loi antiterroriste de 2014, pour diverses infractions liées à son travail en faveur des droits fondamentaux et pour un acte qui ne devrait même pas être criminalisé. Il a défendu de nombreux militants pacifiques et a critiqué haut et fort le terrible bilan de l’Arabie saoudite en termes de droits humains.
Le 1er décembre, le tribunal antiterroriste de Riyadh a alourdi à l’issue d’un procès iniqueen appel la peine prononcée à l’encontre d’Issa al Hamed, défenseur saoudien, de neuf à 11 années de prison.
Cas emblématique aux Émirats arabes unis, l’avocat spécialiste des droits humains Mohammed al Roken purge une peine de 10 ans de prison. Il a été déclaré coupable d’infractions liées à la sécurité nationale à l’issue du procès collectif, et inéquitable, de 94 accusés.
Dans la région, des citoyens se retrouvent à purger de lourdes peines de prison simplement pour avoir osé exprimer leurs opinions librement sur les réseaux sociaux. Le célèbre militant bahreïnite Nabeel Rajab compte parmi plusieurs militants dans les pays du CCG qui ont été poursuivis illégalement pour avoir posté des commentaires sur Twitter.
Au Koweït, Abdallah Fairouz, militant des droits humains arrêté en novembre 2013, purge une peine de cinq ans et demi de prison pour des tweets dans lesquels il affirmait que nul ne devrait bénéficier d’une immunité de poursuites au seul motif qu’il réside dans un palais royal. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
S’exprimer librement pour critiquer les politiques mises en œuvre par le gouvernement et appeler à des réformes pacifiques a valu à Ali Salman, responsable de la principale formation d’opposition à Bahreïn, la Société islamique nationale Al Wefaq, une condamnation à neuf ans de prison. Ce fut une atteinte choquante à la liberté d’expression. En outre, ce parti a été fermé.
À Bahreïn, aux Émirats arabes unis et au Koweït, depuis quelques années, des centaines de personnes sont illégalement déchues de leur nationalité, ce qui les rend souvent apatrides et les prive de droits majeurs. Fait inquiétant, cette méthode semble de plus en plus utilisée pour punir les dissidents.
« Dans les États du CCG aujourd’hui, exercer vos droits fondamentaux ou exprimer librement vos opinions peut très facilement vous conduire derrière les barreaux. Ces États doivent cesser de considérer les militants indépendants et les détracteurs pacifiques comme des criminels. Au lieu d’enfermer ces citoyens pendant de longues périodes sous le faux prétexte de défendre la sécurité nationale, ils doivent accepter l’examen de leurs bilans en termes de droits humains », a déclaré Randa Habib.
Complément d’information
Les violations des droits humains dans les États du CCG vont au-delà de la répression de la liberté d’expression et se traduisent par des arrestations arbitraires, des actes de torture et des mauvais traitements en détention, des procès iniques, l’insuffisance de protection des droits des travailleurs migrants et le recours à la peine de mort. Par ailleurs, la coalition militaire conduite par l’Arabie saoudite, qui englobe plusieurs pays du CCG, a lancé une série d’attaques illégales au Yémen, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre.
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Émirats arabes unis. Derrière le prestige du Grand Prix, les droits humains sont relégués sur une voie de garage (Amnesty)
À l'approche du dernier Grand Prix de Formule 1 de la saison, couru à Abou Dhabi le week-end du 26 et 27 novembre, Samah Hadid, directrice adjointe en charge des campagnes au sein du bureau régional Moyen-Orient d'Amnesty International, a déclaré :
« Ce week-end, alors que les amateurs de sport du monde entier auront les yeux tournés vers Abou Dhabi, la capitale des Émirats qui accueille le dernier Grand Prix de Formule 1 de la saison, le bilan déplorable du pays en matière de respect des droits humains continuera d'échapper à toute surveillance.
« Les spectateurs savent-ils que derrière la façade prestigieuse, des personnes sont arrêtées et torturées pour avoir critiqué le gouvernement ? Ou que rien n’est fait pour élucider les disparitions forcées, les familles pouvant souvent passer des mois sans savoir où se trouvent leurs proches ? Ou que plus de 60 prisonniers politiques sont toujours derrière les barreaux à l’issue de procès iniques ?
« Le spectacle de bolides et de célébrités ne sert qu'à détourner l'attention de la crise en matière de droits humains que traverse le pays. Les autorités émiriennes devraient plutôt porter leur attention sur la libération des prisonniers d'opinion et la révocation des lois sévères qui érigent en infraction l'exercice pacifique de la liberté d'expression.
« En réprimant le militantisme pacifique, les autorités émiriennes ont affiché leur mépris pour les procédures régulières et l'État de droit, et la communauté internationale ferme les yeux sur ces agissements depuis bien trop longtemps. Trop c'est trop. Ce week-end, les droits humains doivent également être sous le feu des projecteurs. » 25 novembre 2016
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Pourquoi les monarchies du Golfe refusent d'accueillir des réfugiés (FranceTVinfo)
Alors que quatre millions de personnes ont fui la Syrie depuis 2011, les frontières des riches Etats pétroliers voisins leur restent fermées. Explications.
Près de 2 millions de réfugiés syriens en Turquie, 115 000 au Liban, 630 000 en Jordanie, 132 000 en Egypte... Et aucun, ou presque, dans les pays du Golfe, d'après les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU. Cette absence d'action politique suscite critiques et interrogations sur la solidarité arabe, non seulement en Occident mais dans les pays eux-mêmes. Comment l'expliquer ?
Parce que rien ne les y oblige légalement
Aucun des Etats du Golfe n'est signataire des conventions internationales définissant le statut de réfugié, et notamment la Convention de 1951. Du point de vue du droit international, ils ne sont donc pas contraints d'accueillir des migrants pour leur proposer l'asile ou, a minima, les héberger dans des camps de réfugiés. Contrairement aux pays européens, qui s'organisent en conséquence.
Pour l'heure, ces pays restent silencieux sur le sujet. "Malheureusement, les riches pays du Golfe n'ont publié aucun communiqué sur la crise et encore moins proposé une stratégie pour aider les migrants, en majorité des musulmans", relevait récemment l'éditorialiste du quotidien qatari Gulf Times.
Pour les critiques des riches pétromonarchies, le contraste est d'autant plus saisissant que certains de ces Etats du Golfe financent des groupes armés engagés dans la guerre civile syrienne et portent donc une part de responsabilité dans les conséquences humanitaires du conflit. Sara Hashash, responsable des relations presse d'Amnesty International pour le Moyen-Orient, fustige ainsi le comportement "absolument scandaleux" des pays du Golfe.
Parce qu'ils fournissent déjà une aide financière
Ces Etats ne sont pourtant pas restés inactifs depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011. "Les pays du Golfe ont fourni 900 millions de dollars pour aider les déplacés syriens, à travers des ONG et des donations de particuliers", selon la BBC (en anglais). "Pour des raisons logistiques, le Qatar ne peut accueillir des réfugiés en grand nombre et choisit à la place de les soutenir financièrement", avance Abdullah Al-Athbah, rédacteur du chef du quotidien qatari Al-Arab.
Mais cette aide est insuffisante, selon le Washington Post (en anglais), qui note que "les Etats-Unis ont levé quatre fois plus de fonds". Directeur pour la Syrie de l'ONG Oxfam, Daniel Gorevan estime lui aussi que les pays du Golfe pourraient "à l'évidence en faire bien plus" pour les réfugiés syriens. Il les invite à leur proposer des emplois, à mettre en place des mécanismes de regroupement familial et des dispositifs d'immigration légale.
Parce qu'ils craignent un bouleversement de leur démographie
Problème : ces tout petits Etats (si l'on fait exception de l'Arabie saoudite) craignent d'être submergés par des réfugiés alors qu'ils font déjà travailler des millions de migrants, notamment originaires d'Asie du Sud. Aux Emirats arabes unis et au Qatar, les travailleurs étrangers sont en moyenne cinq fois plus nombreux que les ressortissants nationaux.
Pour Sultan Barakat, du Brookings Doha Center, un geste pourrait aider les Syriens et désamorcer les critiques : permettre l'entrée des réfugiés ayant déjà des membres de leur famille dans le Golfe. Des centaines de milliers de Syriens vivent en effet depuis des années dans la région, attirés par les opportunités d'emploi. L'octroi de visas reste cependant strictement contrôlé.
Parce qu'ils ont peur pour leur sécurité
La crise des réfugiés syriens intervient au moment où les pays du Golfe concentrent leur attention sur le conflit au Yémen et sur la complexe opération militaire qu'ils y mènent contre des rebelles chiites Houthis. En outre, pour déstabiliser le président syrien Bachar Al-Assad, soutenu par l'Iran chiite, leur rival régional, des pays du Golfe ont aidé, avec de l'argent et des armes, des groupes rebelles sunnites engagés contre le régime de Damas.
Dans ce contexte, des considérations sécuritaires sont parfois avancées pour expliquer le refus d'accueillir des réfugiés. "Comme les pays du Golfe sont impliqués dans les affaires politiques de la Syrie, ils peuvent s'inquiéter de ce que pourraient entreprendre ceux qui viendraient chez eux", explique Sultan Barakat, du Brookings Doha Center. L'Arabie saoudite a notamment été visée depuis le début de l'année par des attentats du groupe Etat islamique, et veut réduire le plus possible le risque terroriste sur son territoire.
Mis à jour le 08/09/2015 | 17:26 -
Nouveautés sur "Amnesty"
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1 000 jours en prison (Amnesty)
Comment Mohammed al Roken sacrifie sa liberté au nom des droits humains aux Émirats arabes unis
Dimanche 12 avril 2015 marquera le 1 000e jour de détention de Mohammed al Roken, emprisonné aux Émirats arabes unis à la suite d’une vague de répression à l’encontre des militants politiques et des défenseurs des droits humains. Dans le monde entier, Amnesty International se mobilise pour qu’il soit libéré.
Au cours des deux dernières semaines, j’ai lu et dénombré environ 4 000 cartes et lettres de soutien à l’avocat spécialisé dans les droits humains et professeur de droit Mohammed al Roken. Celui-ci a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement aux Émirats arabes unis à la suite d’un procès collectif inique de 94 militants et détracteurs du gouvernement. Il a passé la majeure partie des 1 000 derniers jours dans une prison de haute sécurité située dans le désert d’Abou Dhabi.
Les cartes ne représentent qu’une petite fraction des 100 000 soutiens recueillis dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits, qui a été menée en décembre 2014 par Amnesty International pour demander, entre autres, la libération de Mohammed al Roken. J’espère que lui et sa famille ont pu lire tous ces messages de soutien et que le fait de savoir qu’ils ne sont pas seuls dans ce combat leur a donné de la force et du courage. Malheureusement, il peut être dangereux de leur envoyer quoi que ce soit car les familles de prisonniers d’opinion subissent de très fortes pressions de la part des autorités du pays pour garder le silence.
Arrestation, emprisonnement et isolement cellulaire
De nombreux citoyens des Émirats arabes unis ont été choqués lorsque Mohammed al Roken, originaire de Dubaï, a été envoyé en prison. Mais ils n’osent pas s’exprimer de peur de connaître le même sort. Personne ne veut être arrêté, enfermé à l’isolement pendant des mois et emprisonné pendant 10 ans. Les gens ont même peur de parler à Amnesty International. J’écris ce billet de blog en faisant très attention à ne pas faire courir le moindre risque à quiconque d’être arrêté ou harcelé.
C’est pourquoi je suis extrêmement reconnaissante envers celles et ceux qui ont témoigné leur soutien à Mohammed al Roken. Il est très difficile de mener des campagnes concernant les Émirats arabes unis car elles sont souvent éclipsées par l’actualité des plus grands pays de la région, comme l’Arabie saoudite. Pourtant, cet État n’est pas moins répressif contre les dissidents.
Il est en outre facile de se laisser aveugler par les impressionnants gratte-ciels, les boutiques et les plages de ce pays. Mais cette façade cache une autre réalité : au cours des dernières années, un grand nombre de militants et leurs familles ont été réduits au silence après avoir demandé des réformes démocratiques, plus de droits et plus de liberté.
Interdiction de voyager, harcèlement et surveillance
Je connais de nombreuses personnes qui ont rencontré Mohammed al Roken et toutes n’éprouvent que du respect et de l’admiration à son égard. Dans tous les messages que j’ai lus, les gens font part de leur consternation et leur tristesse, mais aussi de leur admiration pour la force dont il a fait preuve en faisant ce que très peu de personnes ont le courage de faire. Il était passionné par son combat pour la défense des droits humains aux Émirats arabes unis alors qu’il aurait très bien pu choisir une voie plus simple et ainsi éviter des années de harcèlement, d’interdiction de voyager, de surveillance et d’emprisonnement.
Nous n’avons jusqu’à présent reçu aucune réponse du gouvernement des Émirats arabes unis, mais je sais qu’ils sont au courant de notre campagne et qu’ils liront ce billet de blog. J’espère sincèrement que la situation va s’améliorer. Les Émirats arabes unis sont un grand pays et leurs dirigeants ont accompli beaucoup de choses depuis la fondation du pays en 1971. Mais un pays progressiste se doit de respecter et de protéger les droits humains, et non d’enfermer les personnes qui les défendent.
Libérez Mohammed al Roken dès aujourd’hui
Mon souhait est que Mohammed al Roken et les autres militants emprisonnés en même temps que lui soient libérés immédiatement et sans conditions. J’espère également que M. al Roken récupérera son autorisation d’exercer le droit afin qu’il puisse poursuivre son formidable travail d’avocat et qu’il soit de nouveau autorisé à donner des cours de droit.
Pour son 1 000e jour d’emprisonnement, je veux lui dire ainsi qu’à sa famille que sa situation est connue dans le monde entier. Nous continuerons à nous battre jusqu’à sa libération.
Mansoureh Mills est chargée de campagne pour Amnesty International pour les Émirats arabes unis, l’Iran et le Koweït.
Par Mansoureh Mills, London 9 avril 2015
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Mohammed al Roken, il faut vraiment être une personne extraordinaire… (Amnesty)
Mohammed al Roken purge une peine de 10 ans de prison aux Émirats arabes unis.
© Juan Osborne pour Amnesty International
Parfois il disait : « Il faut qu’on parte, ces types-là nous écoutent ». Mais il n’a jamais lâché l’affaire – même lorsque des avocats comme lui recevaient des menaces de mort. Il faut vraiment être une personne extraordinaire pour travailler dans un pareil climat.
”Jennie Pasquarella, avocate américaine qui a travaillé avec Mohammed al Roken en 2011.L'avocat Mohammed al Rokena été condamné à 10 ans
d’emprisonnement en juillet 2013 à la suite d’une vague de répression contre les militants politiques et les défenseurs des droits humains aux Émirats arabes unis. Nous avons rencontré trois personnes qui ont travaillé à ses côtés et nous parlent de ce courageux défenseur des droits humains.
Il n’a jamais lâché l’affaire
Jennie Pasquarella est une avocate américaine qui a travaillé avec Mohammed al Roken en 2011 lors du procès de militants des droits humains (les « Cinq des Émirats »).
La réputation de Doubaï, c’est le luxe et le prestige, mais si l’on fouille un peu sous la surface on découvre une réalité qui n’a rien de reluisant. Les Émirats arabes unis sont un État espion, où tout le monde fait l’objet d’une surveillance maladive, et surtout ceux qui sont censés mettre le pays en danger. C’est un pays qui ne respecte pas l’état de droit – ici on met les gens sous les verrous pour en tirer un profit politique.
Tout au long du procès nous avons eu des rencontres quotidiennes avec Mohamed al Roken. Il nous donnait tous les détails sur la situation des droits humains aux Émirats et nous expliquait tous les stratagèmes du tribunal. Il nous a consacré un temps incroyable – il était totalement dévoué à la cause des droits humains, de la démocratie, de l’avènement d’une société plus ouverte.
Nos rencontres avaient lieu dans des lieux publics et il y avait presque constamment des gens qui le surveillaient. Parfois il disait : « Il faut qu’on parte, ces types-là nous écoutent ». Mais il n’a jamais lâché l’affaire – même lorsque des avocats comme lui recevaient des menaces de mort. Il faut vraiment être une personne extraordinaire pour travailler dans un pareil climat.
Je suis affligée par son arrestation. C’est décourageant. C’est la dernière personne au monde à mériter cela. J’espère qu’une immense armée va se mobiliser en sa faveur. Il a défendu tant de gens !
Il croit aux droits humains
Ahmed Mansoor est un militant des droits humains de premier plan, que Mohammed al Roken a défendu lors du procès des « Cinq des Émirats », en 2011.
Nous avons particulièrement apprécié la contribution de Mohammed al Roken lorsque nous avons rédigé une pétition réclamant l’élection du Parlement au suffrage universel. C’est une grande figure dans le domaine des droits humains, et il suit toutes les évolutions de la situation dans la région. C’est un homme qui inspire confiance.
Cela fait des années qu’il défend les droits humains aux Émirats arabes unis. Ici, il y a des gens qui sont persécutés simplement en raison de leurs antécédents intellectuels, et finissent par être mutés ou contraints à prendre leur retraite. Il est le seul à s’occuper de ces affaires, pas pour de l’argent mais parce qu’il croit aux droits humains.
C’est terrible de l’avoir arrêté. Quelqu’un comme lui devrait conseiller les plus hautes instances du pays. Il ne devrait pas avoir à passer un seul jour de sa vie en prison. Quelques semaines avant son arrestation, un membre haut placé de la famille royale à Abou Dhabi l’avait consulté pour un problème personnel. Qu’est-ce qui justifie une pareille volte-face ?
C’est une grande perte pour les Émirats arabes unis de ne plus pouvoir faire appel à cet homme. Maintenant qu’il est emprisonné, nous n’avons plus personne pour défendre ces cas. Il faut le libérer, dès aujourd’hui – en fait, il aurait dû être libéré hier.
Un pionnier d’Amnesty International
Lorsqu’il était chercheur sur l’Arabie saoudite pour Amnesty, Lamri Chirouf a travaillé avec Mohammed al Roken pendant de longues années.
À Amnesty, on ne pouvait pas aller à Doubaï sans aller voir Mohammed al Roken. Il a été l’un des pionniers de notre travail dans les pays du Golfe. Quand nous lui demandions son avis sur un point de droit, il ne nous facturait jamais rien. Sans des gens comme lui Amnesty ne serait pas connue dans le Golfe.
C’était une personne extrêmement dévouée. Il était toujours là quand nous organisions des activités dans la région. Nous avons mené un grand projet sur les droits des femmes dans les pays du Golfe, et il nous a aidés à obtenir des soutiens.
C’est impossible de trouver un reproche à lui faire. Il est tellement impliqué. Il écrit, il participe à des séminaires, il agit. C’est un homme très dynamique. Et il a un fameux sens de l’humour aussi. J’espère qu’il l’a conservé, même après tout ce temps en prison.Mohammed al Roken est l'une des 12 personnes et communautés mis en avant dans la campagne d'Amnesty International Écrire pour les droits. Passez à l'action.
Écrivez une lettre, changez sa vie :
Demandez au président des Émirats arabes unis de remettre en liberté Mohammed al Roken, immédiatement et sans condition.
Utilisez la formule d’appel « Monsieur le Président » et envoyez votre lettre à :
His Highness Sheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, President of the United Arab Emirates, Ministry of Presidential Affairs, Abu Dhabi PO Box 280, Émirats arabes unisPour en savoir plus :
Les Émirats arabes unis – fiche d’information
Création : 2 décembre 1971
Fédération de sept « émirats » (territoires) semi-autonomes – Abou Dhabi, Ajman, Doubaï, Fujairah, Ras al Khaimah, Sharjah, Umm al Qawain.
Capitale : Abou Dhabi. Doubaï est l’autre pôle culturel et commercial des Émirats.
Population : Neuf millions d’habitants. Seulement 10 % ont la nationalité émirienne. Il y a une grande majorité de migrants, originaires de l’Asie du Sud pour la plupart. Beaucoup travaillent dans d’importants chantiers de construction.
Président : Le cheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, souverain d’Abou Dhabi, est arrivé au pouvoir en novembre 2004, après la mort de son père.
Démocratie : Le gouvernement n’est pas issu d’élections.
Médias : La législation sur la presse est stricte. La censure n’est pas rare et il est dangereux de critiquer les familles au pouvoir.
Droits humains : Les organisations de la société civile ne peuvent pas travailler ouvertement, ce qui laisse peu de latitude au débat public.
Répression : De très nombreuses arrestations, de probables cas de torture et des procès totalement iniques ont suivi la publication en mars 2011 d’une pétition signée par 133 citoyens de premier plan, dont Mohammed al Roken, et réclamant des réformes démocratiques.
Football et compagnies aériennes : Etihad Airways – sponsor du club de football de Manchester City, qui évolue en Ligue 1 du championnat britannique – est une compagnie aérienne basée à Abou Dhabi et appartenant à des membres de la famille au pouvoir dans les Émirats. La compagnie Emirates – sponsor de plusieurs grands clubs de football, dont Arsenal, le Paris Saint-Germain, le Real Madrid et l’AC Milan – est la propriété du gouvernement de Doubaï.