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Le régime algérien à la recherche de son consensus (Essf)

 
La révision de la Constitution dans l’agenda de Bouteflika

L’idée d’un « consensus national » a occupé l’espace politique pour un temps. Elle sert, nous dit-on, à faire face à la crise qui menace le pays ! Mais, le récente démarche du FFS pour regrouper toutes les parties autour d’une table de négociation semble aujourd’hui dépassée. Elle a buté sur une double impasse : d’un coté elle a rencontré un rejet net de la part des parties qui sont au pouvoir refusant toute remise en cause de leur légitimité, car, soutiennent-elles, le pouvoir de Bouteflika ne souffre d’aucune illégitimité ! D’un autre coté, l’opposition organisée dans La Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) l’a désapprouvé en accusant cette initiative de pérenniser le gouvernement actuel et la coalition autour de Bouteflika !

Quels enjeux !

Mais, il y a comme un faux débat autour de cette question. Car, la véritable interrogation est celle de la caractérisation de la crise, face à laquelle découlera la nécessité ou non d’aller vers un consensus ; autrement dit, autour de quoi doit-on nous mettre d’accord ?

Il y a deux réponses à cette question : la première vient de la critique néolibérale qui reproche au gouvernement son inertie et ses hésitations à mener les réformes économiques libérales à terme. Elle crie à la catastrophe. La maladie de Bouteflika est, dans ce scénario catastrophe, le verrou principal du blocage. Car, cette critique ne cible pas la politique du président malade, qui est économiquement néolibérale par ailleurs, mais elle vise son omnipotence et sa volonté, malgré son handicap, à diriger le pays par une main de fer et sans partage. Le projet du code du travail qui prépare l’institutionnalisation de la précarité des travailleurs pour, nous dit-on, être concurrentiel au niveau économique, de même que l’avant-projet de la santé qui fragilise et prépare à liquider à terme ce qui reste de la santé publique, le dossier de l’adhésion à l’OMC, sont autant de dossiers qui ne sont pas les cibles de la critique, ni soumis à la négociation !

La deuxième critique se veut patriotique. Elle revendique un « renforcement du front interne » autour de Bouteflika. Car l’enjeu serait de faire face à « la main étrangère », au complot qui veut déstabiliser l’Algérie dans le sillage de la déstabilisation du monde arabe ! La violence qui vire vers un conflit communautaire dans la vallée du Mzab, les différentes explosions sociales, la manifestation de la police, les récentes protestations sur l’exploitation du gaz du schiste sont l’une après l’autre mise dans le lot du complot interne ou externe. Toute manifestation hostile au régime de Bouteflika n’est, de ce point de vue, que l’expression d’actes inscrits dans les agendas étrangers qui ne visent en définitive que la destruction des Etats nationaux et de leurs armées au seul profit des forces qui portent la mondialisation libérales à leur têtes l’impérialisme américano-européen, le sionisme et les vassaux dans la région.

Mais, ces positionnements évacuent une question clé inscrite dans l’agenda de Bouteflika : la révision de la Constitution. Sentant son régime finissant ou voyant souffler le vent du changement au rythme des protestations et les crises successives, le président malade charge Ouyahia de construire son consensus autour d’une réforme des institutions du pays à travers la révision de la Constitution. Le projet va même jusqu’à revenir sur le mandat illimité du président de la république ! C’est là en réalité où devrait se jouer l’avenir immédiat du pays, ou comme le veut la formule en vogue, c’est là ou se joue « la transition » !

Une mutation en douce

Au niveau politique, la question de la succession à Bouteflika est surement un enjeu interne pour les tenants du pouvoir actuel. Mais il est secondaire devant l’agenda réel du concerné qui est celui d’assurer une mutation en douce d’un pouvoir bonapartiste à tradition populiste vers un pouvoir plus enclin à suivre les recettes du libéralisme économique version FMI et de l’OMC. Ce qui mettra fin à toute protection de l’Etat dans les affaires économiques et sociales. Les recompositions en cours dans les organisations patronales, la montée spectaculaire des patrons comme Rabrab, Ali Haddad qui prend la tête de l’organisation patronale FCE, et qui aurait des velléités politiques, ou encore de Laid Benamor à la Chambre de commerce, sont autant de signes qui mettent en exergue l’émergence d’une nouvelle logique de pouvoir. Un pouvoir de plus en plus sous l’influence d’une nouvelle « oligarchie » financière. Autrement dit un nouveau consensus historique ! C’est ici où se joue réellement la recherche du « consensus national ».

En réalité, les véritables exécutants d’agendas impérialistes sont au gouvernement de Bouteflika. Leur programme néolibéral s’exécute à petit feu. La dernière entrave à ce projet sera levée avec l’adhésion définitive à l’OMC qui sera la fin de toute protection d’une économie nationale et la fin des acquis, déjà malmenés, de l’indépendance nationale.

Pour un processus constituant démocratique et social

Mais pour la majorité des Algériens, des couches populaires, des travailleurs, des jeunes, l’enjeu est aussi social. En effet la question sociale reste au centre de la question politique. Toute négociation, toute recherche de consensus doit tenir compte de cette dimension si l’on veut construire un socle solide pour une quelconque transition démocratique. Les politiques économiques et sociales du gouvernement, notamment celles qui engagent stratégiquement l’Algérie comme le gaz de schiste par exemple et la question énergétique, nécessitent une transparence dans les prises de décisions. Elles exigent pour cela l’engagement des institutions élues et la population qu’elles sont sensé représenter. Mais le gouvernement actuel, fort du rapport de force et de la légitimité que s’octroient ses institutions ne l’entend pas sous cet angle ! il veut mener seul cette transition et imposer un « consensus » autour de lui.

Voila pourquoi, la crise actuelle est une crise de représentation politique qui exige une rupture avec les institutions actuelles et la construction d’un processus constituant qui mette en place une démocratie où les assemblée élues au suffrage universel, et sous contrôle populaire, de la commune au niveau national, qui décident de toutes les questions politiques, sociales et économiques. Cela exige à son tour que les travailleurs et les travailleuses et les couches populaires fassent irruption sur la scène politique.

Nadir Djermoune, 31mars 2015

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34787

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