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POUR AIDER A NE PAS PERDRE LA BOUSSOLE QUAND ON PARLE DE LA SYRIE
« Zahrane Allouche, dirigeant du plus important groupe rebelle de la région de Damas, a été tué vendredi par des frappes aériennes russes à l’est de la capitale. Soutenu par l’Arabie saoudite, Jaich al-Islam contrôle la plus grande partie de la banlieue est de la capitale, régulièrement bombardée par les forces gouvernementales. Du coup le transfert pour Rakaa de 4000 combattants avec leurs familles est remis en cause ». Voilà en gros les dernières nouvelles.
Comment s’y retrouver dans ce fouillis ?
Il faut d’abord remonter dans le temps. Ce qui peut être vrai aujourd’hui ne l’était pas il y a un an, et encore moins dans la dynamique de la révolution populaire il y a 5 ans. Une horloge arrêtée a raison deux fois par jour, mais ne donne pour autant aucune indication utile. Il peut être fort pratique d’amalgamer des situations du début de la révolution avec des faits d’aujourd’hui pour les besoins de l’argumentation, cela ne produit que des mensonges confusionnistes. Ainsi il faut une bonne dose de mauvaise foi pour oser prétendre, comme cela se fait sur bien des sites ou des pages FB prétendument « progressistes », que « au départ, ASL, al-Nosra ou Daesh c’est exactement la même chose », et autre genre d’insanités.
Les pro-régime, qui s’acharnent à voir dans Assad-Poutine-Nasrallah une « option progressiste face à la barbarie » (comme si on devait choisir entre la peste ayatollo-poutinienne et le choléra US-saoudien), qui exultent à cette annonce, jettent un voile pudique sur une circonstance curieuse : arrêté en 2009, ce triste sire avait été libéré en juin 2011 lors d’une amnistie, trois mois après le début de la levée populaire de masse. Assad a en effet libéré plus d’un millier de djihadistes pour créer contre-feu à la révolution pacifique, auto-organisée et anti-confessionnelle qui exigeait le départ du dictateur honni. Autrement dit, l’aviation d’Assad-Poutine n’a fait que liquider son instrument devenu trop gênant.
Les débuts de la révolution : à partir de mars 2011 et pendant deux ans, il y a eu des manifestations partout, jusqu’à 200 par jour et plusieurs centaines le vendredi, jour ferié. Cela veut dire que par millions, des gens se sont levés et ont jugé indispensable, malgré la peur, malgré les brutalités des voyous au service du régime, malgré les disparitions et les tortures, de réclamer ensemble la démocratie, la fin des services de sécurité, une Syrie respectueuse de toutes les confessions et communautés, le départ d’Assad.
Personne n’ose affirmer qu’il y ait eu présence un tant soit peu significative de mots d’ordre anti alaouites ou chrétiennes. De tels phénomènes ne sont apparus que tardivement, après les actes de terreur de masse du régime et de ses supplétifs voyous. Tout le jeu du régime a été de pousser à l’opposition confessionnelle, par des mises en scène, en attisant la peur parmi les communautés minoritaires. Et cela a mis du temps à prendre. Aujourd’hui le « ménage » va tellement loin qu’on on assiste, en particulier chez les Alaouites, à des disparitions de personnes inactives dans l’opposition, simplement connues pour leur opposition au clan Assad.
L’Armée Syrienne Libre : là encore, L’ASL : à la fin 2011, en 2012 et pendant les six premiers mois de 2013, fut la force armée la plus importante. Ce ne fut jamais d’ailleurs une institution ou organisation militaire centralisée, mais rien d’autre que des gens ordinaires (d’anciens manifestants cherchant à se protéger et à protéger le mouvement) et des soldats déserteurs qui ont pris les armes pour défendre leurs quartiers, villes et villages.
A partir de la seconde moitié de l’année 2013, les forces réactionnaires-djihadistes ont pris le pas sur elle, en particulier grâce à cette libération par le régime de djihadistes retour d’Irak ou d’Afghanistan. Tandis que l’ASL ne recevait que peu ou pas d’aide (en particulier de la part des politiciens lamentables qui clamaient que l’utilisation avérée de gaz de combat constituerait la « ligne rouge », et qui se sont piteusement débandés ensuite), les pétro-monarchies du Golfe leur ouvraient les vannes de l’aide financière et militaires (le Bonaparte de Turquie aussi d’ailleurs, tandis qu’il tentait de juguler la résistance kurde).
Il ne faudrait pas perdre de vue que l’ASL, avec son armement rudimentaire et ses faibles moyens, fut la première victime de ces forces réactionnaires comme al Nusra, qui a même réussi à lui confisquer des armements. L’ASL n’a pas disparu, elle existe encore, bien qu’ affaiblie : avec ses insuffisances, c’est elle la résistance populaire laïque et démocratique. C’est elle qu’il faudrait équiper d’armes performantes anti-chars et anti-aériennes.
Ni Daesh ni Assad, arrêt des bombardements, la libération des peuples de Syrie ne peut être l’œuvre que de ces peuples eux-mêmes !
Enfin sur le personnel politique des uns et des autres : les bandits corrompus issus des purges successives et de la décomposition du régime du régime, les Rifaat al-Assad, Tlass ou Khaddam, ont tous été choyés par l’occident et/ou les monarchies pétrolières qui jouent avec elles le jeu écœurant des « droits de l’homme » à géométrie variable. Ils ne sont ni meilleurs ni pires qu’Assad, issus du même moule infernal et criminel. Les autres « cartes » (Haytham Manna par exemple, qui a toujours veillé à se présenter comme un « opposant respectable » prenant bien ses distances avec le mouvement révolutionnaire) sont des politiciens qui sont persuadés qu’ils ont rendez-vous avec l’histoire et qu’un grand destin les attend. Ils ne méritent pas la moindre confiance.
Mais pourquoi faudrait-il choisir l’un plutôt que l’autre ? La seule boussole, c’est de miser sur le mouvement populaire, sur son incroyable dynamisme malgré son affaiblissement (y compris dans la zone sous la botte de Daesh, avec par exemple le commando de l’ASL « linceul blanc » qui y multiplie les attaques de guerilla), et certainement pas sur une quelconque option imposée d’en haut par le fer et le feu. Il n’y a pas deux camps, mais trois. Que le dernier soit affaibli et pris en tenaille n’y change rien, c’est de ce côté que se trouve la seule chance d’éviter encore la balkanisation et/ou le chaos. Le départ d’Assad est l’option minimale pour qu’un compromis de paix soit envisageable.
La balkanisation : l’armistice pour déplacer 4000 combattants du quartier palestinien de Damas, Yarmouk assiégé, affamé et réduit en ruines depuis 4 ans (beaucoup sont malheureusement allés chercher des armes là où ont leur en proposait, est-ce si difficile à comprendre ?) n’est pas le premier. Il est une indication de plus de la volonté cynique du régime de se concentrer sur ce qu’il considère comme le « pays utile » (Damas et la montagne alaouite), après avoir poussé à l’exil des millions de personnes supposées lui être hostile. Le régime a d’ailleurs commencé par se retirer des zones kurdes, cherchant ainsi à obtenir leur neutralité, avec l’intention de gêner Erdogan par le développement du mouuvement national kurde. Mais le fait que, tout en poursuivant leurs buts propres, les combattant-e-s du YPG se révèlent les meilleurs combattants contre Daesh lui est revenu en boomerang.
Que pouvons-nous faire ici ? Avant tout, défendre l’arrêt des bombardements français meurtriers contre la population civile, inefficace contre la structure militaire des fascistes de Daesh. Exiger des armes performantes pour les combattants kurdes, yezidis, laïques arabes. Militer pour la levée de l’état d’urgence qui ne vise qu’à criminaliser intimider le mouvement social. De l’argent pour les réfugiés et de l’armement, pas pour les bombardements !
Pierre Vandevoorde;
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36897
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