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300 Algériens passés par la guillotine entre 1956 et 1959 (Anti-k)

 

 Au moment où Hollande va commémorer la fin de la guerre coloniale menée par la France en Algérie, en imposant à son peuple un martyr, dont les traces perdurent, il est bon de rappeler quelques faits:  350/400 000 morts, dont 300 guillotinés.

Précisons que c’est François Mitterrand, alors ministre de «la Justice» qui mit en branle la guillotine pour assassiner 38 algériens et c’est de Gaulle qui mit fin à ces horreurs. Les « socialauds » portent bien leur nom depuis un certain 4 août 1914…

Que quelqu’un le dise à Mélenchon, idolâtre Mitterrandien. … Mais à la différence d’aujourd’hui, où un Valls affectionne les poses martiales pour parler de « guerre »; durant la guerre d’Algérie, les autorités de « gauche » comme de droite s’évertuaient à ne pas prononcer le mot « guerre »  préférant parler des « événements » d’Algérie. D’où vient se renversement sémantique ?

 Les sacrifiés de la «justice» française

Ahmed Zahana, dit Zabana, le premier guillotiné en 1956

Le 19 juin 1956 à 4 heures du matin, le couperet de la guillotine, qui avait auparavant «refusé» par deux fois d’aller jusqu’au bout de la sale besogne qui lui avait été assignée, trancha la tête d’Ahmed Zahana dit Zabana, un des moudjahidine de la première heure et responsable du FLN-ALN de la zone Ouest d’Oran. Cinq minutes plus tard, le temps de mettre le corps de Zabana dans la nacelle prévue à cet effet, un autre Algérien, déserteur de l’armée coloniale pour rejoindre le FLN-ALN, Abdelkader Ferradj, subit le même sort.
 
Ahmed Zahana
 
Cette double exécution ne répond nullement à une décision de justice – nul besoin de s’étaler sur la parodie de procès réservée aux militants nationalistes algériens –, mais c’est plutôt une abdication du gouvernement Guy Mollet devant la pression du lobby colonial et des pieds-noirs, qui voulaient coûte que coûte qu’il y ait passage d’Algériens à l’échafaud pour en faire un exemple à ceux qui auraient osé défier la France.
 
Cette sentence fut prononcée par François Mitterrand, alors ministre de «la Justice» du gouvernement français depuis 1955. «L’Algérie, c’est la France […] ceux qui veulent l’en dissocier seront partout combattus et châtiés»», avait-il annoncé. Il ne tardera pas à «légaliser» cette sentence. Le 17 mars 1956 sont publiées au Journal officiel français les lois 56-268 et 56-269, qui permettent de condamner à mort, sans instruction préalable, les membres du FLN pris les armes à la main. François Mitterrand est l’un des quatre ministres à avoir signé ce texte: «En Algérie, les autorités compétentes pourront […] ordonner la traduction directe, sans instruction préalable, devant un tribunal permanent des forces armées des individus pris en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens […] si ces infractions sont susceptibles d’entraîner la peine capitale lorsqu’elles auront été commises.»

François Mitterrand l'un des quatre ministres signataires du texte relatif à l'exécution de

Pourquoi Zabana et Ferradj ?

Au 19 juin 1956, 150 Algériens étaient déjà condamnés à mort, pour avoir osé porter les armes pour le recouvrement de l’indépendance de leur pays, spoliée en 1830. Pourquoi la justice mitterrandienne, cautionnée par Guy Mollet et Robert Lacoste, a-t-elle jeté son «dévolu» sur Zabana et Ferradj pour inaugurer la longue liste des 300 Algériens envoyés chez le bourreau ? La raison est politique. Pierre Nicolaï, directeur de cabinet de François Mitterrand à l’époque, le confirme : «C’est une décision politique.» Il avait été chargé par Mitterrand de lui trouver les premiers condamnés à exécuter (1). Il avait l’embarras du choix. Voulant réprimer le plus tôt possible la Révolution du peuple algérien, la «justice» mitterrandienne avait, à la veille du 19 juin 1956, condamné 150 Algériens à mort. Quelle rapidité ! Ce chiffre témoigne, on ne peut mieux, de la justice expéditive (2). Les critères lui avaient été signifiés. Il faut que le personnage candidat à l’échafaud doive être «crapule» et «politique». Quel dosage ! Il prit tous les dossiers de recours en grâce rejetés par Mitterrand et choisit Zabana, car étant un militant politique et un «assassin», puisqu’il avait tué le garde-forestier Braun, près de la Mare d’eau (sud d’Oran). Il prit le dossier de Ferradj une «crapule», car c’était un déserteur qui avait rejoint le FLN-ALN et pris part à des embuscades meurtrières. Il ne restait à Mitterrand qu’à fixer la date. Ce sera le 19 juin.

Zabana portait une prothèse oculaire. Son œil fut perdu quand il s’était tiré une balle dans la tête, le 8 novembre 1954, jour de son arrestation et du démantèlement de son groupe, à Ghar Boudjelida (grotte de la chauve-souris) près de l’ex-Saint-Lucien (actuelle Zahana). De plus, il boitait de la jambe gauche du fait d’une blessure par balle. Les demandes de grâce du muphti d’Alger de l’époque et de l’archevêque d’Alger Mgr Duval subirent une fin de non-recevoir de la part de Robert Lacoste, ne pouvant lui aussi mécontenter le lobby colonial assoiffé de sang, malgré l’escalade de violence que cette exécution pouvait engendrer (3).

Zabana a été exécuté en dépit du fait que le couperet se soit enrayé par deux fois à quelques centimètres de la nuque du chahid. Ce qui signifie pour les juristes que la sentence a été exécutée. Mais Zabana devait mourir ce jour-là. C’étai son destin.

Ferradj n’a bénéficié d’aucune clémence, lui aussi. Selon Me Benbraham, invitée d’une émission à la Télévision algérienne, le chahid Ferradj avait flanché les derniers moments. Malgré sa crise de démence, aucune clémence ne lui fut accordée et il marcha tel Zabana digne vers l’échafaud. Malgré les représailles du FLN-ALN, qui avait averti que toute exécution à la guillotine sera suivie d’attentats, les gouvernements français firent fi de cette menace et poursuivirent l’envoi des moudjahidine algériens à la «Veuve».

Bilan macabre

François Mitterrand qui se fera le chantre de l’abolition de la peine de mort, à son arrivée à la présidence française en 1981, avait fait passer 38 Algériens par la guillotine. Robert Lacoste, le libéral qui voulait pacifier l’Algérie par des réformes sociales, signa l’arrêt de mort de 27 Algériens. La période la plus terrible vécue par ceux qui attendaient dans le sous-sol de Serkadji fut celle allant du 3 au 12 février 1957, en pleine Bataille d’Alger. Douze moudjahidine furent passés par la guillotine. La «justice» devait appuyer le travail des paras de Massu, venus redorer leur blason terni par la défaite de Diên Biên Phu, au détriment des Algériens. Ils l’ont terni encore plus par leurs pratiques moyenâgeuses et qui dépassaient les atrocités nazies, en instituant la torture et les exécutions sommaires (la corvée de bois) (4).

En quittant son bureau au ministère de la «Justice», Mitterrand venait de faire de la peine de mort par la guillotine le destin de tout Algérien pris les armes à la main. Les gouvernements ayant succédé à celui de Guy Mollet n’ont pas failli à la règle de conduite : 29 Algériens guillotinés en trois mois sous le gouvernement de Bourgès-Maunoury et 49 durant les six mois de Félix Gaillard.

Même l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir ne fera pas arrêter la machine de la mort. Elle continuera à fonctionner jusqu’en 1959. Après son appel à «la paix des braves», le général, en signe de bonne volonté, décide de suspendre les exécutions et de les commuer en emprisonnement à perpétuité. Les militaires qui «voulaient casser du fellagha» ne l’entendirent pas de cette oreille. Ils continuèrent à exécuter les Algériens mais non pas avec la guillotine, mais en recourant aux pelotons d’exécution (5).

Cette cruauté et cet acharnement n’avaient en rien entamé la détermination des moudjahidine. Ils s’étaient tous avancés vers l’échafaud sereins, car ils savaient que leur sacrifice n’aurait pas été vain. Ils étaient certains que leur mort signifiait la vie de l’Algérie indépendante.

La guillotine

Cette machine de la mort a été créée et mise au point par le chirurgien Antoine Louis, mais elle porte le nom de Joseph Guillotin, qui en a fait la présentation devant le Parlement français, le 28 novembre 1789. Un voleur du nom de Nicolas-Jacques Pelletier sera le premier humain à avoir la tête tranchée par cette machine, un certain 25 avril 1792. Elle sera, en plus du nom de guillotine, appelée la «Veuve», «Louisette» et «Louison».  12 mars 2016

Par Salim Rebahi – Publié le 01 jui 2012
  1. Entretien accordé par Pierre Nicolaï à Sylvie Thénault, auteur d’une thèse de doctorat sur la Justice dans la guerre d’Algérie, Université Paris X- Nanterre, novembre 1999.
  2. Les chercheurs qui se sont intéressés aux condamnés à mort durant la Révolution algérienne ont été étonnés dans les Archives du ministère de la Justice français des dossiers ne contenant pour la plupart qu’une à trois feuilles. Des dossiers moins épais que ceux des droits communs.
  3. Le FLN-ALN avait annoncé que toute exécution à la guillotine d’un militant sera suivie de représailles. Après l’exécution de Zabana et Ferradj, 49 attentats visèrent des Français âgés entre 18 et 54 ans (le FLN-ALN n’étant pas un assassin de femmes, d’enfants et de vieillards). Sur chaque corps, témoigne Yacef Saâdi, ordre fut donné de laisser une feuille de papier sur laquelle était écrit : «Zabana et Ferradj, vous êtes vengés.»
  4. Les tortionnaires français emmenaient le moudjahid arrêté, non sans lui avoir fait subir les affres des gégènes et autres tortures dans un bois, et lui intimaient l’ordre de partir, lui faisant croire à sa libération. Une fois qu’il se mettait à courir il était abattu d’une rafale dans le dos. Dans le rapport justifiant sa mort, on mettait la mention :«Tentative d’évasion».
  5. Selon Boualem Nedjadi, dans son livre Viva Zabana, édité à l’ANEP en 2006, les premiers à être passés par le peloton d’exécution, sont les chouhada Mohamed Baghdadi dit si Abdelwahab et Ahmed Moulay dit si Abdelhafid. Ils furent fusillés le 1er juillet 1959 à Canastel à 12 km à l’Est d’Oran.

Prolonger :

http://www.lepoint.fr/politique/les-guillotines-de-mitterrand-31-08-2001-56908_20.php

http://www.anti-k.org/2016/03/12/300-algeriens-passes-par-la-guillotine-entre-1956-et-1959/

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