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Yémen. Un an après le début du conflit, des transferts d’armes irresponsables ont fait de très nombreuses victimes civiles (Amnesty)

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Certains États - dont les États-Unis et le Royaume-Uni - doivent suspendre toutes les exportations d’armes destinées à être utilisées dans le cadre du conflit au Yémen, afin de cesser d’alimenter des violations graves ayant des conséquences dévastatrices sur les civil-e-s, a déclaré Amnesty International mardi 22 mars, près d’un an après le début du conflit.

Plus de 3 000 civil-e-s, dont 700 mineur-e-s, ont été tués et au moins 2,5 millions de personnes ont été forcées de quitter leur foyer au cours de l’année écoulée. Au moins 83 % de la population requiert une assistance humanitaire en urgence.

« Au cours de l’année écoulée, la communauté internationale a réagi au conflit au Yémen de manière profondément cynique et honteuse », a déclaré James Lynch, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord.

L’Arabie saoudite a lancé les premières frappes aériennes contre le groupe armé des Houthis le 25 mars 2015, déclenchant un véritable conflit armé dans lequel toutes les parties ont commis de nombreuses atteintes au droit international humanitaire et relatif aux droits humains - notamment de possibles crimes de guerre. Un porte-parole de la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite a déclaré la semaine dernière que les opérations de combat de grande ampleur s’achèveraient bientôt, mais a ajouté que la coalition continuerait à fournir un soutien aérien aux forces anti-Houthis.

Tout au long de l’année écoulée, les États-Unis et le Royaume-Uni - de loin les principaux fournisseurs d’armes de l’Arabie saoudite, qui est à la tête de la coalition -, ainsi que d’autres États, ont continué à autoriser le transfert d’armes du type ayant été utilisé pour commettre et faciliter de graves violations, ce qui a donné lieu à une crise humanitaire sans précédent.

« Les partenaires internationaux de l’Arabie saoudite ont mis de l’huile sur le feu, inondant la région d’armes en dépit d’éléments de plus en plus nombreux montrant que ces armes ont facilité des crimes, et malgré le risque réel que de nouveaux équipements puissent être utilisés pour commettre de graves violations. Ils n’ont par ailleurs pas établi d’enquête indépendante internationale sur les agissements ayant détruit des milliers de vies civiles », a déclaré James Lynch.

« Les flux d’armes irresponsables et illégaux à destination des parties en conflit au Yémen contribuent directement à des souffrances civiles à très grande échelle. Il est temps que les dirigeants mondiaux cessent de faire primer leurs intérêts économiques sur le reste, et que le Conseil de sécurité des Nations unies impose un embargo complet sur les transferts d’armes vouées à être utilisées au Yémen. »

Le 25 février, le Parlement européen a réclamé un embargo sur les armes en provenance de l’Union européenne destinées à l’Arabie saoudite, qui est à la tête des forces de la coalition. Le 15 mars, le Parlement néerlandais a également demandé au gouvernement de suspendre les transferts d’armes vers l’Arabie saoudite. Le Conseil de sécurité n’ayant imposé aucun embargo, Amnesty International exhorte tous les États à veiller à ce qu'aucune partie au conflit au Yémen ne reçoive – directement ou indirectement – des armes, des munitions, et des équipements ou technologies militaires susceptibles d'être utilisés dans le conflit. Ces restrictions doivent aussi s'appliquer au soutien logistique et financier pour de tels transferts.

Toute autorisation relative à un transfert d'armes destinées à l’une des parties au conflit au Yémen doit inclure une garantie stricte, juridiquement contraignante, selon laquelle leur utilisation sera conforme au droit international humanitaire et relatif aux droits humains, et que ces armes ne seront pas utilisées au Yémen.

Des violations commises par les deux camps

« Au cours de l’année écoulée, les frappes aériennes incessantes menées par l’Arabie saoudite, et les attaques lancées au sol soit par les combattants houthis et leurs alliés, soit par les forces anti-Houthis, ont témoigné d’un mépris choquant pour les vies civiles, et porté atteinte de manière flagrante au droit international humanitaire. Les conséquences dévastatrices de ce type d’attaques révèlent à quel point il est vital de suspendre la circulation des armes servant à les commettre », a déclaré James Lynch.

Depuis le début du conflit, Amnesty International a recensé au moins 32 frappes aériennes à travers le pays, attribuées à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, ayant semble-t-il enfreint le droit international humanitaire. Ces frappes ont coûté la vie à 361 civil-e-s, dont au moins 127 mineur-e-s. Elles ont également pris la forme d'attaques contre des hôpitaux, des écoles, des marchés et des mosquées, qui pourraient constituer des crimes de guerre.

Le 15 mars, au moins 44 civil-e-s ont été tués et des dizaines d’autres blessés lors d’une frappe aérienne meurtrière de la coalition contre un marché, dans le gouvernorat d’Hajjah (nord du pays), qui est contrôlé par les combattants houthis. Des résident-e-s ont déclaré à Amnesty International que le marché de Khamees était un lieu public très animé où les habitant-e-s locaux pouvaient acheter de la viande, du poisson et de la glace.

Hasan Mohamed Masafi, père de cinq enfants, a perdu trois membres de sa famille dans cette frappe aérienne - son fils de 18 ans et deux cousins, dont un garçon âgé de 12 ans. Il a déclaré à Amnesty International : « [Mon fils] allait au marché tous les jours. Nous n’avons pas pu retrouver son corps entier après la frappe, seulement sa jambe droite. »

Selon certaines informations contestées, des soldats se trouvaient sur place au moment de l’impact. D'après les résident-e-s locaux et les professionnels et professionnelles de la santé auxquels Amnesty International a parlé, il n’y avait pas de combattants houthis présents au marché, qui a été visé à deux reprises à quelques minutes d’intervalle. Certains médias ont cependant cité un responsable tribal qui a affirmé que des Houthis étaient présents au moment de la frappe, et que certains ont été tués lors de l’attaque.

Même si cela était exact, la présence de combattants dans cette zone ne dispenserait pas la coalition dirigée par l’Arabie saoudite de l’obligation qui lui est faite de prendre les précautions qui s’imposent pour épargner les civil-e-s. Aux termes du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit doivent chercher à limiter les risques pour les civil-e-s, notamment en annulant ou en reportant une attaque s’il devient évident que des civil-e-s pourraient être touchés de manière disproportionnée.

Les informations contestées au sujet de l’attaque à Hajjah illustrent bien pourquoi une enquête internationale crédible et indépendante est requise pour faire la lumière sur les violations attribuées à toutes les parties au conflit.

Abdelhaseeb al Mutawakil a décrit le moment terrifiant où son domicile a été visé par les forces de la coalition à Mueen, un quartier de l’ouest de Sanaa, lors de deux frappes aériennes consécutives, en janvier 2016. Son épouse et leurs deux fillettes étaient à l’intérieur à ce moment-là et ont échappé de justesse à l’explosion.

« Nous nous sommes réveillés recouverts de morceaux de fenêtre [...] J’ai caché les filles sous les escaliers [...] deux frappes ont réduit la maison en gravats [...] il n’y avait aucun moyen de s’échapper », a-t-il déclaré.

Cette frappe, qui visait semble-t-il un logement civil, compte tenu de l’absence de cible militaire à proximité, est l’une des dizaines d’attaques aériennes similaires enregistrées au cours de l’année écoulée ayant bafoué le droit international humanitaire.

Les forces de la coalition ont par ailleurs utilisé de manière répétée des bombes à sous-munitions, qui sont par nature non-discriminantes et dont l’utilisation est interdite, dans le cadre d’attaques ayant tué et mutilé des civil-e-s - y compris dans la capitale, Sanaa.

Amnesty International a en outre enquêté sur au moins 30 attaques terrestres menées sans discrimination ou de manière imprudente par des combattants loyalistes pro-Houthis/Saleh dans les villes d'Aden et de Taizz, dans le sud du pays, qui ont tué au moins 68 personnes, dont des dizaines de mineur-e-s. Les combattants houthis et leurs alliés utilisent quotidiennement des armes imprécises telles que des mortiers dans des zones résidentielles, ce qui constitue une violation du droit international humanitaire.

Les Houthis procèdent aussi à des arrestations arbitraires, des incarcérations et des enlèvements d’opposants présumés, notamment des militant-e-s et des journalistes, et mènent une campagne de répression visant des organisations non gouvernementales et des militant-e-s des droits humains dans des zones se trouvant sous leur contrôle.

Intensification de la crise humanitaire

Le conflit s’accompagne par ailleurs d’une catastrophe humanitaire, et la grande majorité des civil-e-s yéménites dépendent désormais de l’aide humanitaire car le pays connaît de graves pénuries de nourriture, d’eau propre et d’équipements médicaux. Cela est exacerbé dans les zones contrôlées par les Houthis par un blocus aérien et naval partiel limitant gravement l’importation et la livraison de carburant et d’autres fournitures essentielles.

À Taizz, les combattants houthis et leurs alliés ont bloqué pendant de nombreux mois l’acheminement de fournitures médicales essentielles et de denrées alimentaires. Durant cette période, les habitant-e-s de Taizz étaient donc pris au piège, et les priver de produits de première nécessité constitue une sanction collective à l’égard de la population civile.

« Le fait d’entraver l’aide humanitaire aggrave les profondes souffrances des civil-e-s dans une grande partie du pays. Toutes les parties au conflit doivent veiller à ce que la population civile des zones qu’elles contrôlent puisse bénéficier d’une assistance humanitaire », a déclaré James Lynch. 18 mars 2016

https://www.amnesty.org/fr/yemen-reckless-arms-flows-decimate-civilian-life-a-year-into-conflict

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