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Les massacres du 8 mai 1945 : un crime colonial impuni (Algeria Watch + UJFP+ TC)

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Le Général De Gaulle, « avait laissé clairement entendre qu’il ne pouvait tolérer que soit piétinée, la souveraineté française dans les colonies.»

Dès le déclenchement des émeutes, il envoya un télégramme lu le 11 mai aux délégations financières, par le Gouverneur Général : « Veuillez prendre toutes les mesures nécessaires, pour réprimer tous agissements anti-français, d’une minorité d’agitateurs.» Le Général bénissait de son autorité, toutes les actions répressives qui étaient décidées et menées en vue « du rétablissement de l’ordre.»

A l’origine, selon des témoignages historiques, d’un côté, « une revendication émancipatrice, portée par un mouvement politique, aux prolongements populaires jusque-là, jamais égalés, les AML (Amis du Manifeste et de la Liberté)»1, de « l’autre, les tenants du statu quo colonial » prêts à en découdre avec toute velléité d’indépendance chez les peuples colonisés. Des exactions monstrueuses, sont commises à grande échelle : « exécutions sommaire en masse, viols et tortures systématiques, destructions partielles ou complètes de villages et de douars, par des bombardements, des pilonnages et des incendies dans plusieurs villes et surtout, Sétif, Bouandas, Kherrata, Guelma et Bougie.»2 Le 8 mai 1945, la France avec les alliés « célébrait la fête de la victoire, sur l’Allemagne nazie.» Les contingents algériens, ont participé à une guerre « qui prit naissance et se développa dans le camp impérialiste.»3

Les Algériens, ont voulu célébrer la victoire des alliés, en rendant hommage aux Algériens tombés pendant la guerre et réclamer haut et fort, le droit à la liberté et à la libération.

Ce jour, le 8 mai 1945, fut gravé à jamais dans l’inconscient collectif. Les promesses de liberté du « monde libre », se sont transformées en génocide d’un peuple. Le 8 mai 1945, est aussi le ferment de la lutte de libération nationale.

Des idées vont germer, la jeunesse va mûrir et rien, ni personne, « ne peut disculper la France coloniale de ses crimes.»4 L’ouverture « des archives des évènements douloureux du 17 octobre 1961 et les aveux du tortionnaire Paul Aussaresses », n’y feront rien. Comme symbole de sacrifice, de cette journée mémorable et tragique, un jeune Sâal Bouzid, a donné tout ce qu’il avait…Sa vie. C’est le premier martyr de ces évènements sanglants. La haine coloniale, comme seule réponse à la soif de liberté et de libération, d’un peuple spolié et exploité.

En combattant «dans les rangs des armées de l’empire, les Algériens pensaient qu’ils avaient arraché à la puissance coloniale française, cette reconnaissance tant espérée de leur droit à l’émancipation, au prix du sang (des milliers de morts et des dizaines de milliers de blessés, pour les deux grandes guerres).»

Dans de nombreuses villes, « comme Sétif, Guelma et Kherrata, la police chargeait les manifestants à la seule vue du drapeau algérien, brandi pourtant au milieu des mêmes étendards français, américains et anglais, avant de se mettre à tirer sur eux, dans le tas, sans discernement.»

Le scénario, était partout le même.

Quelques jours plus tôt à Alger, à l’occasion d’une manifestation nationaliste du 1er Mai une dizaine de morts et de nombreux blessés tombaient parmi les algériens, sous le feu de la police et des projectiles lancés par des pieds noirs dont certains avaient fait usage d’armes à feu, à partir des balcons. Les violences, avaient fini par provoquer, à Sétif et Guelma, « des foyers d’émeutes un peu partout.»5 Vers le soir, à Sétif « les légionnaires arrivaient dans la région, pour un massacre à ciel ouvert.»

La répression « mettait la région à feu et à sang, obligeant les populations à fuir dans les montagnes.» A seize ans Kateb Yacine, élève au lycée Eugène Albertini, se rappelle ce jour qui a marqué au fer rouge, toute son œuvre et tout son parcours d’intellectuel-militant : « …On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues… La répression était aveugle. C’était un grand massacre. J’ai vu des Sénégalais qui tuaient, violaient, volaient…

Après l’Etat de siège, l’armée commandait.» Un témoin, raconte à Henri Alleg : « les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s’éparpillaient sur les roches.»

A Guelma, selon les témoignages de la même personne, plus exactement à Kef-El-Boumba, « les français faisaient descendre d’un camion des personnes aux mains ligotées et les mettaient sur la route, avant de les arroser d’essence pour les brûler vifs.» Quant à Benhamla Saci, qui habitait non loin des fours à chaux de Guelma, rien ne pourra le guérir de son horrible obsession : « la fumée bleue des cadavres, l’insupportable odeur de chair brûlée et le va-et-vient continuel des camions.» A Kherrata, « le peuple fut massacré sans sommation et sans pitié, les gorges de Kherrata s’emplissaient de cadavres. Des gents étaient balancés morts ou vifs, dans les crevasses profondes… » En souvenir de ses hauts faits d’armes, contre les populations civiles désarmées, « la légion étrangère a gravé son triste nom, en face du premier tunnel : « Légion étrangère 1945.»

Dans les gorges, « les prisonniers étaient mutilés, égorgés avant d’être jetés dans le ravin à partir du pont qui porte maintenant le nom du martyre Rabah Hanouz, assassinés là avec ses trois enfants, Tayeb âgé de vingt-cinq ans, Abdelhafid, vingt-deux ans et Hanafi dix-huit ans, tous morts un certain 11 mai 1945.» Je voyais, rapporte un autre témoin de Guelma, « des camions qui sortaient de la ville et après des intervalles de dix à quinze minutes, « j’entendais des coups de feu. Les victimes étaient alignées sur le bord de la route et exécutées, sans aucune forme de procès.

Cela a duré deux mois.

Les miliciens ramassaient partout des gens pour les tuer. Les exécutions se faisaient surtout à Kef-El-Boumba et à la carrière de Hadj M’barek.» Une note adressée par Roger Esplaas, au Général Tubert chargé d’enquêter sur les massacres, rapporte : « l’armée a complètement rasé un douar… A Sétif, on m’a confirmé le caractère impitoyable de la répression qui a été exercée sur la région. On m’a cité le chiffre de 20 000 musulmans qui auraient été massacrés.

La région Nord de Sétif, n’est plus qu’un vaste cimetière.»

Selon le général Weiss, « 20 actions répressives auraient été menées, dans la seule région de Guelma, par 28 avions pendant plus de 15 jours. Les croiseurs Duguay Trouin et le Triomphant n’arrêtaient pas de bombarder la région de Bougie, de Kherrata, de Bouandas et de Jijel.»

Il y aurait eu 45 000 morts, selon les militants du Parti du Peuple Algérien (P.P.A), 40 000, selon le Consul Général américain et 80 000 d’après les Oulémas. Le décompte macabre de la barbarie, les investigations et enquêtes engagées puis vite arrêtées, devant l’ampleur des massacres, incriminent l’administration coloniale sans exception, dans des faits « perpétrés contre une population sans défense.»

En fait, « la responsabilité du crime, était loin de se limiter à quelques enragés du système colonial comme Achiary ou Lestrade Carbonnel qui avaient pris une part active dans la constitution, l’entraînement et l’équipement des milices, mais s’étendait également aux autorités militaires et civiles dans leur totalité, ainsi qu’à la majorité des colons, unis et soudés par la peur du changement et la hantise de voir leur statut ainsi que tous les avantages qui s’y rattachaient, remis en cause.»

Indéniablement, leur inculpation menait droit au procès du colonialisme qui était à l’origine de tous les maux et de tous les malheurs, vécus par le peuple algérien, depuis 1830.

Le Général De Gaulle, « avait laissé clairement entendre qu’il ne pouvait tolérer que soit piétinée, la souveraineté française dans les colonies.» Dès le déclenchement des émeutes, il envoya un télégramme lu le 11 mai aux délégations financières, par le Gouverneur Général : « veuillez prendre toutes les mesures nécessaires, pour réprimer tous agissements anti-français, d’une minorité d’agitateurs.» Le Général bénissait de son autorité, toutes les actions répressives qui étaient décidées et menées en vue « du rétablissement de l’ordre.»

Il avait dépêché le Général Tubert, « aux mêmes fins, mais lui avait aussitôt ordonné de mettre un terme à ses investigations, en raison des retombées désastreuses que cela pouvait avoir, sur tous les responsables.» L’unanimité s’était faite alors, autour de la volonté de faire le silence, sur tout ce qui s’était passé lors de ces mois de mai et juin 1945.

A la fin de la guerre de libération nationale, les archives civiles relatives aux évènements sanglants, du 8 mai 1945, vont être expédiées par navire de guerre vers la France. Ils seront verrouillés, au centre d’Aix-en-Provence. Le crime de la France contre le peuple Algérien, était aussi le crime contre sa mémoire.

Le témoignage de l’historienne d’Annie-Rey Goldzeiguer, concernant cette période de la colonisation, est accablant : « en 1985, rapporte-t-elle, grâce au conservateur qui sera sanctionné pour son initiative, j’ai pu consulter les rapports de Berge. C’est le document le plus bouleversant que je n’ai jamais lu de toute ma vie de chercheur. Quand aux archives militaires partiellement ouvertes en 1990, elles ont été nettoyées. La correspondance du Général Raymond Duval, Commandant de la division du Constantinois en 1945, a été tronquée de la période du 8 au 11 mai. Nous ne sommes pas capables de regarder notre histoire en face.»6

Par Benyassari, Libre Algérie, 10 mai 2016

http://www.algeria-watch.org/8mai45/crime_colonial_impuni

Lire aussi:

http://www.ujfp.org/spip.php?article4895

http://tendanceclaire.org/article.php?id=959

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