Les autorités mauritaniennes doivent révéler le lieu de détention, inculper d’infractions prévues par la loi ou libérer neuf personnes arrêtées et placées en détention entre le 29 juin et le 3 juillet, a déclaré Amnesty International aujourd’hui.
Le 29 juin dernier les forces de sécurité étaient venues exécuter une ordonnance d'expulsion forcée d’une vingtaine de familles membres de la communauté négro-africaine installées depuis des années dans un bidonville situé sur un terrain privé du quartier de Ksar à la périphérie de Nouakchott, la capitale.
Elles se sont heurtées à la résistance des populations qui ont organisé une manifestation spontanée. Une voiture des forces de sécurité a été brûlée. Des manifestants et des éléments des forces de sécurité ont été blessées et des véhicules privés endommagés.
Dans les jours qui ont suivi cette manifestation, la police a commencé à arrêter des membres de l’organisation anti-esclavagiste Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). C’est ainsi que huit d’entre eux, dont le troisième vice-président Amadou Tijane Diop, ont été arrêtés à leur domicile ou lieu de travail et détenus dans un lieu tenu secret. IIs n’étaient pourtant pas les organisateurs de la manifestation du 29 juin, ne se sont pas exprimés là-dessus et n’y ont pas pris part. Aucune charge n’a été pour le moment retenue contre ces personnes arrêtées.
Aussitôt informés de l’arrestation de leurs membres, d’autres sympathisants de l'IRA, ont organisé une manifestation pacifique contre leur détention. Trois d'entre eux dont deux femmes ont été blessés par les forces de sécurité.
Hamady Lehbouss, conseiller du président d’IRA-Mauritanie et chargé de la communication a été arrêté hier dimanche 3 juillet dans la soirée à Nouakchott après la tenue d’une conférence de presse pour demander la libération des membres de l’IRA. Son arrestation porte à neuf le nombre de membres de l’IRA arrêtés. Son lieu de détention est aussi inconnu.
Peu avant son arrestation, Lehbouss avait confirmé à Amnesty International que la police a perquisitionné le domicile d’Amadou Tijane Diop et confisqué ses ordinateurs portables et certains de ses documents personnels.
« Le seul tort de ces personnes arrêtées est apparemment d’être membres du mouvement anti-esclavagiste et d’exercer leur liberté d’association, et liberté d’expression garanties par la constitution mauritanienne. La répression contre les membres de l’IRA a atteint une proportion inquiétante. Cela doit immédiatement cesser», a déclaré Alioune Tine, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et centrale.
Les familles des neuf personnes ne disposent d’aucune information sur leur lieu de détention et les détenus n’ont pas eu accès à l’assistance d’un avocat depuis leur arrestation. Selon sa famille, Amadou Tijane Diop souffre de problèmes cardiaques pour lesquels il ne peut recevoir de traitement médical adéquat en prison.
« L’arrestation de ces membres d’IRA est arbitraire et les autorités mauritaniennes doivent immédiatement révéler leur lieu de détention et les inculper d’infractions prévues par la loi ou les libérer », a déclaré Alioune Tine.
« Jusqu'à ce que ces détenus soient libérés, les autorités doivent veiller à ce qu’ils aient accès à leurs avocats, leurs familles et à l'assistance médicale si nécessaire.»
Complément d’information
Les membres de l’IRA arrêtés sont : Amadou Tidjane Diop, 3e vice-président de l'organisation, Abdallahi Maatalla Seck, coordinateur de section, Moussa Birame, Jemal Beylil, militant, Balla Touré secrétaire aux relations extérieures, Khatri Rahel Mbareck, coordinateur du comité de la paix, Salem Vall militant de base, Hamady Lehbouss, conseiller du président d’IRA et chargé de communication, Ahmed Hamdy le trésorier.
Les autorités mauritaniennes restreignent fréquemment la liberté d'expression des défenseurs des droits humains et des activistes anti-esclavagistes. Biram Dah Abeid président de l’organisation anti-esclavagiste Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) avait été arrêté en 2010 et en 2012.
En novembre 2014, il a été encore arrêté en compagnie de Brahim Bilal Ramdane, Djiby Sow et Ould Dah Ould Abeid, et condamnés à deux ans de prison par le tribunal de la ville de Rosso, au sud de la Mauritanie, pour appartenance et administration d’une organisation non reconnue, pour participation à un rassemblement non autorisé et pour infractions commises à l’encontre des forces de l’ordre.
Le 17 mai dernier, Amnesty International avait salué la libération de Biram Ould Dah Ould Abeid et Brahim Bilal, après avoir passé 20 mois en prison, et demandé que cette décision de justice incite les autorités mauritaniennes à mettre fin à la répression visant les défenseurs des droits humains et à libérer les autres prisonniers d’opinion détenus uniquement pour avoir exprimé leurs opinions de manière pacifique, à l’instar du blogueur Mohamed Mkhaïtir. 4 juillet 2016