Israël intensifie sa répression sur les prisonniers grévistes de la faim en les privant de leur droit de rencontrer leurs avocats.
Plus de 100 prisonniers, selon Addameer, le groupe de défense des prisonniers, refusent toute nourriture en solidarité avec Bilal Kayed qui a lancé la dernière vague de grèves de la faim parmi les prisonniers, et qui a maintenant dépassé 57 jours sans alimentation. La semaine dernière, Kayed a annoncé qu’il refusait tout traitement médical jusqu’à ce qu’il soit libéré. Alors qu’il s’approche de deux mois sans la moindre alimentation, Kayed ressent de lancinantes douleurs dans le corps et de profonds engourdissements. Sa vision est devenue floue et il souffre de déshydratation. Sa peau a viré au jaune et se met à peler, ses cheveux commencent à tomber. Physicians for Human Rights-Israël a déclaré qu’il courait à présent le risque d’un accident vasculaire cérébral.
Alimentation forcée
Un médecin du centre médical de Barzilai, où Kayed est détenu, a déclaré à l’avocat du prisonnier que si Kayed perdait conscience, il sera gavé de force.
Des médecins israéliens ont déjà auparavant alimenté de force des grévistes de la faim palestiniens. En janvier, alors qu’il s’approchait de 50 jours de grève de la faim, Muhammad al-Qiq avait été attaché à son lit d’hôpital et une équipe médicale lui avait administré de force des sels et minéraux par injection intraveineuse.
La déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale interdit à la fois d’appliquer des pressions pour mettre fin à une grève de la faim et d’imposer un traitement médical forcé. Le protocole d’Istanbul de l’Organisation des Nations Unies souligne la nécessité pour les médecins d’obtenir le consentement conscient des patients avant de procéder à un traitement médical.
Le 9 août, à l’extérieur de l’hôpital Barzilai, les partisans de Kayed se sont affrontés avec des Israéliens d’extrême-droite dont certains criaient « mort aux terroristes », selon The Times of Israel. Les contre-manifestants auraient jeté des pierres sur la police quand celle-ci est intervenue.
Kayed proteste contre son incarcération en détention administrative – un emprisonnement sans inculpation ni jugement et sans limite de temps – après avoir purgé une peine de prison de près de 15 ans.
Détention sans inculpation
Une partie des grévistes de la faim réclament leur libération, étant eux-mêmes des prisonniers politiques placés en détention administrative pour des raisons gardées secrètes. Cette pratique largement exploitée permet à Israël d’emprisonner qui il veut sur la base d’accusations non divulguées.
Le 4 août dernier, le journaliste Omar Nazzal, membre du syndicat des journalistes et président de l’Union démocratique des journalistes palestiniens, s’est lancée une grève de la faim en signe de protestation à la fois contre sa détention sans limite de temps et en soutien à Kayed.
Le journaliste âgé de 53 ans a été kidnappé le 23 avril à la frontière avec la Jordanie, alors qu’il allait participer à une assemblée générale de la Fédération européenne des journalistes.
Marilyn Nazzal, l’épouse de Omar Nazzal, a rapporté que le service pénitentiaire israélien a immédiatement transféré le prisonnier dans une cellule en isolement après qu’il ait commencé sa grève.
Le 8 août, la Haute Cour d’Israël a rejeté l’appel de Nazzal pour sa libération, comme elle le fait régulièrement lorsque les prisonniers palestiniens font appel contre les ordres de détention administrative, lesquels sont émis par des tribunaux militaires.
Nazzal est représenté par un avocat de l’organisation Addameer, qui la semaine dernière a déclaré qu’ « il est notoirement connu et attendu que les tribunaux israéliens ne connaissent rien à la justice, mais il est de notre devoir de tenter de défendre Nazzal. »
Mais Nazzal a annoncé à présent que le Service pénitentiaire israélien l’avait menacé de le nourrir de force lors d’un transfert en-dehors de sa cellule d’isolement. Il dit avoir été traité « brutalement » et avoir été enfermé dans une camionnette de la prison pendant des heures, jusqu’à ce qu’il ait eu la sensation de suffoquer.
Deux frères en grève de la faim
Les frères Mahmoud et Muhammad Balboul continuent la grève de la faim qu’ils ont lancé le 5 et le 7 juillet contre leur détention administrative, alors qu’un tribunal militaire israélien a confirmé leurs ordres de détention plus tôt cette semaine.
Mahmoud, qui prépare son diplôme de maîtrise à l’Université Al-Quds, a été condamné à cinq mois de détention et Muhammad, un dentiste, à six mois de détention.
Les deux frères ont été kidnappés le 9 juin, deux mois après que leur jeune soeur, âgée de 14 ans, ait été elle-même kidnappée et accusée de posséder un couteau.
Les frères et leur jeune soeur sont les enfants d’Ahmad al-Balboul, un chef de file dans l’aile militaire du Fatah, les Brigades des Martyrs al-Aqsa, qui a été assassiné avec trois autres dirigeants palestiniens par un escadron de la mort israélien en mars 2008.
Al-Balboul a été assassiné après que lui-même et l’Autorité palestinienne aient échoué à obtenir un accord d’amnistie de la part d’Israël.
Chantage aux visites familiales
En réponse à la décision prise par le Comité international de la Croix-Rouge de réduire le nombre de visites familiales pour les détenus palestiniens de sexe masculin à une seule visite par mois, l’Autorité palestinienne a décidé de couvrir les dépenses pour maintenir la seconde visite mensuelle.
En mai, le CICR a annoncé qu’il allait réduire le nombre de visites familiales organisées dans les prisons israéliennes en raison de coûts élevés et de l’incapacité des familles de se présenter à des voyages réguliers. Les familles en Cisjordanie dépendent du CICR qui les aide à se procurer des permis de voyage pour visiter leurs proches détenus dans les prisons en Israël.
La Quatrième Convention de Genève interdit à une puissance occupante de transférer les prisonniers à l’extérieur d’un territoire occupé. Pourtant, à l’exception d’une seule, toutes les prisons israéliennes qui détiennent des Palestiniens sont situées à l’extérieur de la Cisjordanie.
Le CICR assure un transport essentiel aux familles qui doivent se déplacer jusqu’à sept heures de temps pour une brève rencontre avec leurs proches. Sans l’aide du CICR, le voyage pourrait leur coûter jusqu’à 250 dollars.
Fares Qadura, responsable du Club des prisonniers palestiniens, a déclaré cette semaine que l’Autorité palestinienne allait signer un accord avec le CICR, en promettant d’assurer les coûts chaque mois de la moitié des visites familiales dans les prisons chaque mois.
Mais avec ou sans l’aide du CICR, Israël peut de façon unilatérale annuler les permis de voyage des familles comme il l’a fait récemment à plus d’une douzaine de familles qui voulaient visiter des parents en prison.
11 août 2016 – The Electronic Intifada
* Charlotte Silver est une journaliste américaine indépendante vivant à San Francisco, et précédemment basée en Cisjordanie.
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