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17 octobre 1961 (Que faire?)

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À propos de La Bataille de Paris de Jean-Luc Einaudi

Le 17 octobre 2011, la Ve république devra se souvenir de l’un des évènements les plus abjects de son histoire. En référence au film de Gillo Pontecorvo La bataille d’Alger, Jean-Luc Einaudi dresse un parallèle effarant en mettant en lumière le sort qui fût réservé aux « Français Musulmans d’Algérie » durant la période qui entoura le 17 octobre 1961.

Pour Jean-Luc Einaudi, la « bataille de Paris » remonte à la guerre interne au mouvement indépendantiste algérien.

Le conflit opposant le Front de Libération Nationale (FLN) au Mouvement National Algérien (MNA), qui a pour but le contrôle de la communauté algérienne, fait une centaine de morts. Si le FLN remporte cette lutte d’influence dans les années 50, c’est encore par la force qu’il doit s’imposer auprès de la population algérienne en obligeant les algériens qui résident en France à cotiser 3 000 francs par an.

Devenu enfin hégémonique en 1958, le FLN peut alors lancer son offensive sur le territoire français.

Les cibles visées sont des lieux stratégiques pour l’économie française mais aussi des commissariats, où des policiers perdent la vie. Comme le montre un certain nombre de procès-verbaux de syndicats policiers, les policiers s’indignent de la trop faible répression envers les militants du FLN.

Il est alors mis en évidence par toute une série de témoignages que la population d’origine algérienne vit une véritable montée des violences policières à son égard.

Vivant dans des conditions des plus précaires, les algériens sont victimes de « ratonades ». Ce terme désigne les rafles qui sont organisées en pleine rue, généralement la nuit, où les policiers ramassent des individus typés maghrébins, les font monter violemment dans des cars de police et les tabassent au commissariat. Une fois que ces innocents ont perdu connaissance, ils sont jetés dans la Seine, beaucoup mourront. C’est ce que Chebbah Iddir explique, un des nombreux témoignages récoltés par J-L Einaudi : « Les cinq policiers me firent monter dans le car. Là ils me fouillèrent mais ne trouvèrent rien. Alors que nous étions partis vers Colombes, les policiers firent monter dans le car un de mes compatriotes. Puis le car prit la direction de la seine. On s’arrêta près du pont d’Argenteuil. Les policiers firent d’abord descendre mon compatriote. Ils lui donnèrent des coups de crosse jusqu’à ce qu’il soit assommé. Puis le chauffeur le prit par les pieds et un autre par la tête. Ils le jetèrent dans l’eau. Peu après, je vis des petites bulles apparaître à la surface de l’eau. Mon frère était mort. » Grâce à un courage effarant C. Iddir réussit, lui, à s’en sortir.

Ces violences racistes ne sont pas à déconnecter d’une discrimination orchestrée par l’État français.

Celle-ci vise à faire payer la perte de l’Algérie aux Algériens résidant en France. Car si De Gaulle, fraîchement arrivé au pouvoir, veut en finir avec la guerre d’Algérie, des membres importants de son gouvernement ne l’entendent pas ainsi. Premier ministre, Michel Debré veut mener une guerre sans concession au FLN, et n’hésite pas à couvrir tous les crimes policiers. Et puis il y a celui que les militants pro-algériens appellent Charogne, celui que la république nomme M. Papon. L’auteur en trace un long portrait : collabo, tortionnaire à Constantine, il fût nommé préfet de police de Paris en mars 1958. Dès le 28 août, il organise une rafle de 5 000 algériens qui sont internés dans des lieux comme le Vel d’Hiv, qui rappelle des heures bien sombres. Là encore on pense qu’il y a eu des morts.

Mais c’est en août 1961 que les violences s’intensifient.

Les rafles diviennent quotidiennes, les arrêtés sont désormais constamment tabassés, humiliés voire tués. Un remaniement ministériel a lieu, où il est décidé de l’éviction d’Edmond Michelet qui était partisan de l’autonomie algérienne. Courant septembre 61, l’institut ­médico-légal relève 21 cadavres nord-africains, tous morts à la suite de violences. Le couvre-feu imposé aux FMA est déclaré le 5 octobre 1961. Face à la mise en place d’un véritable régime d’apartheid, le FLN est désormais hégémonique auprès de la population algérienne. Le 17 octobre 1961, les FMA seront volontaires pour défier pacifiquement le couvre-feu, imposé par un régime on ne peut plus raciste et appliqué par une police on ne peut plus assassine.

Ces violences racistes ne sont pas à déconnecter d’une discrimination orchestrée par l’État français. Celle-ci vise à faire payer la perte de l’Algérie aux Algériens résidant en France Dans des termes des plus froids, Jean-Luc Einaudi retrace heure par heure, faubourg par faubourg et rue par rue le 17 octobre 61.

On compterait environ 40 000 algériens désarmés qui seraient venus manifester en plein cœur de Paris.

Sauf que la plupart d’entre eux n’arriveront jamais à former un cortège. De par les nombreux témoignages reçus, l’auteur montre la manière dont toutes les sorties de métro sont quadrillées. Dès que les algériens en sortent ils sont matraqués. Mains sur la tête, parfois inconscients, ils sont emmenés dans des bus affrétés par la RATP vers des commissariats, des centres d’internement ou des lieux réquisitionnés. À leur descente du bus ils sont de nouveau insultés, tabassés, et volés. La plupart des blessés graves ne recevront aucun soin et mourront. Par détermination, les Algérien arrivent malgré tout à former quelques cortèges. Les policiers tireront dans le tas, tuant femmes, hommes et enfants.

Face à ce déchaînement de haine qu’ont fait les témoins ?

Quelle fut la réaction de la population française ? Au mieux elle se rendit coupable de passivité. En effet, ­l’ouvrage démontre que bien peu de réactions ont émergé des témoins présents. Pire, des petits groupent se sont créés pour indiquer aux flics où se réfugiaient les manifestants.

Il n’est donc pas étonnant que tout le monde ait voulu étouffer ce massacre pour mieux l’oublier ensuite. L’humanité parlera de violences importantes mais, prétextant la peur de la saisie, jamais le journal ne mènera l’enquête pour savoir ce qu’il s’est réellement passé. La population française se rassembla par centaines de milliers pour protester contre les 9 morts de Charonne, mais par quelques centaines seulement après le 17 octobre. Combien de morts ? Comment le savoir puisqu’aucune commission d’enquête n’a pu être saisie. Mais d’après les rapports du FLN, on monterait à plus de 300.

Le livre se termine par un dernier évènement. En se rendant à une commémoration en 1990, un Algérien est arrêté par la police… au faciès. Cette anecdote, qui n’en est pas une, nous rappelle que le 17 octobre 61 n’est pas très loin, que les violences policières n’ont jamais disparu et que la racisme d’État agit toujours.

par Gaël Braibant 25 mai 2012

http://quefaire.lautre.net/17-octobre-1961

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