Au Maroc, la mort vendredi d'un vendeur de poissons, broyé par une benne à ordures en voulant récupérer sa marchandise saisie, suscite une vague d'indignation et de manifestations. Rabat affiche sa volonté de "punir" les responsables de ce drame.
Ils étaient des milliers à participer à ses funérailles, dimanche 30 octobre, dans la ville d'Al-Hoceima, dans le nord du Maroc. Mouhcine Fikri, un marchand de poissons d'une trentaine d'années, est mort vendredi soir dans la même ville, happé par une benne à ordures, alors qu'il tentait de récupérer sa marchandise saisie par des agents de la ville.
Les circonstances effroyables de sa mort, filmée sur un téléphone portable et diffusée sur Internet, ont choqué la population. Une photo de la victime inanimée, la tête et un bras dépassant du mécanisme de compactage, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux, qui ont relayé des appels à manifester dans tout le pays.
"Nous sommes tous Mouhcine !"
Des manifestations ont eu lieu en signe de protestation. Le soir-même de ses funérailles, une marée humaine a envahi le centre-ville d'Al-Hoceima, a constaté un journaliste de l'AFP. "Criminels, assassins !", scandaient notamment les milliers de manifestants, "Arrêtez la hogra (l'arbitraire)", ou encore "Écoute makhzen [palais royal, NDLR], on n'humilie pas le peuple du Rif !". Le rassemblement, au fort accent identitaire berbère et revendiquant l'héritage rebelle de la région, s'est déroulé jusqu'à 21 h 30 (locales et GMT) sans incident.
Des manifestations de moindre ampleur ont eu lieu dans plusieurs autres villes du Rif, mais aussi - fait peu ordinaire - à Casablanca, Marrakech et Rabat, où plus d'un millier de personnes ont défilé au cri de "Nous sommes tous Mouhcine !", brandissant la photo de la victime.
Le Rif, une région à la réputation de frondeuse
De leur côté, les autorités marocaines ont affiché leur volonté de "punir" les responsables du drame. Actuellement en Tanzanie, au terme d'une tournée diplomatique en Afrique de l'Est, le roi Mohammed VI a dépêché dimanche à Al-Hoceima son ministre de l'Intérieur Mohammed Hassad, qui est venu "présenter les condoléances et la compassion du souverain à la famille du défunt".
La ville côtière d'Al-Hoceima, comptant environ 55 000 habitants, fut le cœur de la révolte contre le colonisateur espagnol dans les années 1920, puis le théâtre d'une insurrection populaire en 1958. Longtemps délaissée sous le règne de Hassan II, la région du Rif a une réputation de frondeuse et entretient des relations difficiles avec le pouvoir central. Elle fut aussi l'un des principaux foyers de la contestation lors du mouvement du 20-Février, la version marocaine des Printemps arabes en 2011.
Le suicide d'un vendeur ambulant fin 2010 en Tunisie est souvent vu comme l'un des éléments déclencheurs de ces Printemps arabes. L'homme s'était immolé par le feu en réaction à la saisie de sa marchandise par les autorités. En pointe dans les manifestations de 2011, l'Association marocaine des droits humains (AMDH) a "dénoncé" le rôle de l'État qui "foule aux pieds la dignité des citoyens" et mis en garde contre "une possible répétition" du mouvement du 20-Février. Un scénario particulièrement délicat pour les autorités alors que s'ouvre dans une semaine à Marrakech la conférence internationale sur le climat, la COP22, dont Rabat entend faire une vitrine internationale.
Avec AFP 31/10/2016
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