Plus de mille rebelles syriens et leurs familles ont, pour la première fois depuis le début de la guerre en mars 2011, commencé à évacuer lundi le quartier de Barzé en périphérie de Damas.
Des négociations sont également en cours pour l'évacuation de rebelles de Qaboun, un autre quartier de Damas devenu il y a plusieurs mois un champ de bataille. Quatre autres quartiers – Jobar, Tadamoun, Techrine et Yarmouk – sont toujours aux mains des rebelles. Ziad Majed, professeur des études du Moyen-Orient à l'Université américaine de Paris, revient sur ces évacuations pour L'Orient-Le Jour.
Dans quel contexte s'inscrit l'évacuation des rebelles du quartier de Barzé ?
Le processus a débuté il y a quelque temps et concerne essentiellement les localités périphériques de la ville de Damas, notamment entre la capitale syrienne et la frontière libanaise. La volonté du régime syrien, mais également des Russes et surtout des Iraniens, est de modifier la démographie de cette zone stratégique, qui permettrait d'avoir un meilleur contrôle de la capitale et de la route menant au Liban. Il s'agit donc de pousser la population locale sunnite des quartiers pauvres, qui a soutenu la révolution dans sa phase pacifique puis dans sa phase militaire, à l'exil vers d'autres régions.
En ce qui concerne le contexte international, ces « évacuations » sont davantage acceptées désormais. Autrefois, des acteurs rappelaient que le droit international qualifie de crime de guerre le déplacement forcé de populations. La présence politique et militaire russe a néanmoins commencé à normaliser cette réalité, avec des communiqués saluant certains déplacements de civils, comme ce fut le cas à Alep-Est.
Qui sont ces forces rebelles qui ont quitté Barzé ? Comment ont-elles fait pour survivre au siège du régime ?
Parmi les insurgés, on peut identifier comme force combattante ces derniers mois à Barzé : la « première division », les martyrs de Jabal el-Zawiya, ainsi que la brigade de Qassioun, tous affiliés à l'Armée syrienne libre (ASL). Ahrar el-Cham, l'autre groupe rebelle présent, est une union d'islamistes et de salafistes. Un autre acteur essentiel au sein du quartier est le conseil local, élu après la révolution par les sympathisants rebelles, qui est en train de négocier pour maintenir certains civils sur place. Je tiens cette information d'une source locale. Pour survivre dans les autres villes assiégées, certains avaient des routes souterraines comme à Jobar, qui permettaient aux combattants de maintenir des voies de ravitaillement avec la Ghouta.
Sinon, au fil des années, des techniques de guérillas urbaines, comme vivre la nuit et se terrer le jour, alliées à une certaine combativité, ont permis aux différentes factions rebelles de se maintenir dans ces zones. Avec le temps cependant, sans soutien, ces groupes vont avoir des difficultés à tenir. Ce sont les bombardements russes de ces deux derniers mois qui ont précipité les négociations de Barzé. Il se peut que Yarmouk suive.
Suite à ce processus, quelles sont les perspectives pour les dernières régions contrôlées par les rebelles, en premier lieu celle d'Idleb ?
Même si les rebelles tiennent d'autres vastes régions au Sud, celle d'Idleb est très particulière, car, outre les combattants locaux, cette région accueille tous les autres groupes réfugiés des villes assiégées. Pour les Russes et le régime syrien, garder Idleb isolée déstabilise les rebelles. Car, en plus d'une forte densité de population qui empêche d'assurer les services de base, cela va créer des tensions et une pression interne, avec l'apparition de certaines contradictions entre les différents groupes rebelles. Ces flux continuels de rebelles vers Idleb entraîneront certainement une fragmentation territoriale et communautaire de la région. Une situation que les Russes et les Iraniens souhaitent.
Maxime PLUVINET 10 mai 2017