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Maroc. Vague d'arrestations massives visant des manifestants dans le Rif (Amnesty)

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Depuis une semaine, les autorités marocaines procèdent à une vague massive d'arrestations, visant de nombreux manifestants, militants et blogueurs dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, qui font suite à des mois de contestations réclamant la fin de la marginalisation des habitants et un meilleur accès aux services dans la région, a déclaré Amnesty International.  

Dans certains cas, les personnes arrêtées sont privées de la possibilité de consulter rapidement leur avocat en garde à vue. Dans d’autres, les avocats qui ont pu voir leurs clients au tribunal d’Al Hoceima ont déclaré qu'ils présentaient des blessures visibles et avaient affirmé avoir été frappés lors de leur arrestation. En outre, on craint que des manifestants et des blogueurs pacifiques relayant les manifestations sur les réseaux sociaux ne figurent parmi les accusés, probablement pour des charges liées à la sûreté de l'État.

« Cette vague d'arrestations ressemble fort à une tentative délibérée de punir les manifestants dans le Rif pour les mois de dissidence pacifique. Les autorités marocaines doivent respecter les droits à la liberté d'expression et de réunion. Les personnes accusées d'une infraction reconnue par la loi doivent bénéficier du droit à un procès équitable. Les autorités doivent veiller à ce que les militants pacifiques ne soient pas inculpés d'accusations forgées de toutes pièces en vue de les sanctionner pour leur participation aux manifestations dans le Rif », a déclaré Heba Morayef, directrice des recherches pour l'Afrique du Nord à Amnesty International.

La récente vague de manifestations a éclaté après qu’un leader des contestations Nasser Zefzafi a publiquement pris à parti, lors de la prière du midi à la mosquée d'Al Hoceima le 26 mai, un imam qui aurait fait des déclarations hostiles aux manifestations populaires dans le Rif. Une vidéo de l'incident a ensuite été partagée sur les réseaux sociaux et il a été arrêté quelques jours plus tard.

Entre le 26 et le 31 mai, les forces de sécurité ont appréhendé au moins 71 personnes en marge des manifestations à Al Hoceima et dans les villes voisines d'Imzouren et de Beni Bouayach. Certaines manifestations ont dégénéré en jets de pierres sur les forces de sécurité qui ont parfois réagi à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Des blessés ont été recensés dans les deux camps. Cependant, de nombreux militants, dont des manifestants pacifiques et des blogueurs qui avaient relayé les événements sur les réseaux sociaux, ont été arrêtés après la fin des manifestations.

Au moins 33 personnes comparaissent devant les tribunaux, inculpées par le procureur général du roi à Al Hoceima. Elles sont notamment accusées d'assaut et insulte contre des représentants de l’État, jet de pierres, rébellion et rassemblement non autorisé. Une demande concernant la libération de 26 personnes placées en détention provisoire a été refusée et l'affaire est reportée au 6 juin. Elles sont détenues à la prison locale d'Al Hoceima.

Selon les avocats, plusieurs accusés ayant comparu devant le procureur général du roi à Al Hoceima présentaient des blessures visibles sur le visage et le corps. Les accusés leur ont raconté que les policiers les avaient battus, frappés, leur avaient donné des coups de pied et des claques lors de leur arrestation et durant leur transfert aux postes de police. Beaucoup ont relaté avoir été insultés ou menacés, notamment de viol, par les policiers qui les ont arrêtés. D'autres ont signé des procès-verbaux d'interrogatoire pour s'apercevoir ensuite que des pages y avaient été ajoutées sans leur consentement. Le procureur général du roi a ordonné des examens médicaux dans plusieurs affaires.

Les avocats ont déclaré qu'ils n'avaient pas pu rendre visite à leurs clients pendant leur garde à vue au poste d'Al Hoceima. En effet, la police judiciaire d'Al Hoceima n'a pas informé les proches des détenus de l'endroit où ils se trouvaient, et ils n’ont donc pas pu donner d’instructions à leurs avocats. En outre, les avocats n'ont pas pu obtenir l'autorisation du procureur général du roi de rendre visite à leurs clients en garde à vue avant l'expiration du délai de 24 heures après l'arrestation, comme l'exige pourtant le droit marocain.

Sur les 71 personnes arrêtées entre le 26 et le 31 mai, 31 ont été transférées à Casablanca pour être interrogées par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), organe national chargé des crimes graves, notamment des infractions liées à la sûreté de l'État et au terrorisme. Bien que les détenus n'aient pas encore été inculpés, il est à craindre qu’ils ne soient accusés d'atteintes à la sûreté de l'État.

« Nous déplorons que les autorités envisagent de porter des accusations liées à la sûreté de l'État pour sanctionner des militants ayant pris part aux manifestations », a déclaré Heba Morayef.

Les avocats n'ont pu rendre visite qu'à 22 détenus sur les 31 transférés à Casablanca le 1er juin. La plupart ont affirmé que des policiers les avaient insultés, menacés et parfois roués de coups de pied, lors de l'arrestation, durant le transfert vers le poste d'Al Hoceima ou au poste. Toutefois, ils ont décrit des conditions de détention décentes pendant leur garde à vue à la Brigade nationale de la police judiciaire. Ils seront rapidement rapatriés à Al Hoceima pour une audience devant le procureur général du roi à la cour d'appel d'Al Hoceima.

Les avocats n'ont pas encore pu rencontrer un groupe de sept autres détenus, dont le leader des contestations Nasser Zefzafi, les magistrats ayant retardé leur entrevue. Ces détenus devraient recevoir la visite de leurs avocats le 5 juin. Deux personnes arrêtées le 31 mai n’ont toujours pas rencontré leur avocat.

Au titre du Code de procédure pénale du Maroc, la police peut maintenir en garde à vue un détenu sans inculpation jusqu'à trois jours pour des infractions de droit commun, jusqu'à huit jours pour des infractions liées à la sûreté de l'État, et jusqu'à 12 jours pour des infractions liées au terrorisme. La loi autorise les magistrats à retarder l'accès aux avocats, pour les besoins de l'enquête.

« Le risque d’atteintes aux droits humains est maximal au cours des premières heures suivant l'arrestation, surtout si les détenus sont coupés du monde extérieur – aussi est-il essentiel d'informer les familles et de pouvoir consulter rapidement un avocat », a déclaré Heba Morayef.

Amnesty International demande aux autorités d'inclure dans la réforme de la procédure pénale le droit pour tous les suspects d'être assistés d'un avocat pendant les interrogatoires de la police.

Peu après l'incident à la mosquée d'Al Hoceima qui a déclenché la vague de protestations, les forces de sécurité ont perquisitionné le domicile du leader contestataire Nasser Zefzafi en son absence, abîmant des biens et confisquant des livres appartenant à ses parents âgés avec qui il vit. Quelques jours plus tard, le 29 mai, il a été arrêté au terme d'une traque compliquée, au cours de laquelle les maisons voisines ont été réquisitionnées, et transféré par hélicoptère au siège de la BNPJ, à Casablanca.

Amnesty International craint que les conditions de son arrestation et les déclarations officielles reprenant en détail les infractions dont il est soupçonné alors qu'il n’est pas encore inculpé ne bafouent son droit à la présomption d'innocence et celui des militants arrêtés avec lui. Des images et des vidéos divulguées de son arrestation, sur lesquelles on le voit cagoulé et contraint de baisser la tête, laissent à penser qu'il a pu être traité de manière dégradante.

2 juin 2017

https://www.amnesty.org/fr/

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