Pourquoi la révolution syrienne est-elle “ le théâtre de la plus grande et la plus radicale des révolutions arabes” ? Et pourquoi est-elle aussi une “exception si l’on observe l’attitude arabe et internationale à son égard” ?
Dans cet ouvrage (1), Ziad Majed revient sur les circonstances de l’édification du régime par Hafez al-Assad et sur l’institutionnalisation de la tyrannie. Il explique comment la société syrienne a “disparu”, masquées à l’étranger par le rôle d’Assad dans les conflits du Moyen-Orient.
Dès le début de 2011, s’est exprimée à Damas la solidarité avec les mobilisations en Égypte et en Libye, suivie d’un taux de participation aux manifestations plus élevé qu’en Égypte, en Tunisie, en Libye. Puis, face à l’ampleur des massacres, à la barbarie, les activistes ont été contraints de s’armer.
L’auteur revient sur l’origine et la place des forces djihadistes, le rôle militaire des officiers iraniens, des conseillers russes, des combattants du Hezbollah libanais, et sur l’action (ou la non action) des puissances de “l’Occident”…
Il décrit aussi l’extraordinaire capacité d’expression des Syriens et Syriennes : slogans, chants, littérature, récits, films des années 80-90 exprimant le refus du silence, les espoirs de la population et ses souffrances : une “quantité considérable d’œuvres a vu le jour en Syrie même ou dans les pays d’exil”.
Et “cette capacité de résistance hors du commun” plonge ses racines dans les couches profondes de la population syrienne, ce qu’attestent “le rôle politique considérable” joué par les femmes, comme celui des “conseils locaux”.
De “droite” et de “gauche”, unis contre la révolution
La révolution syrienne affronte bien plus que le régime d’Assad.
Si la Russie, l’Iran, la Chine soutiennent ouvertement la contre-révolution, les “amis de la Syrie” (Qatar, Arabie saoudite, Turquie, France, Grande Bretagne, États-Unis), en privant la révolution syrienne des moyens de se défendre, acceptent la poursuite des massacres et garantissent l’immunité de l’assassin.
Des “écrivains et activistes de gauche, arabes et occidentaux” développent une “propagande contre la révolution”. Certains ne “voient pas des Syriens qui luttent pour leur libération, mais des projets impérialistes et des pièges à la Sykes-Picot” ; d’autres “se rangent du côté de la tyrannie” au nom de l’anti-islamisme et de la laïcité.
Cet “anti-impérialisme primaire” d’une grande partie de “la gauche arabe” et aussi dans la “gauche occidentale” apporte “un soutien inconditionnel à tout régime du tiers monde qui prétend s’opposer aux États-Unis”. Ces thèses qui influencent largement les groupes d’extrême gauche expriment “le refus d’admettre la légitimité de la cause du peuple syrien”.
Cependant, par sa radicalité, la révolution syrienne “a réalisé de grandes choses […] jusqu’à présent, malgré le fait qu’elle soit orpheline et que son chemin de croix soit encore long”.
À lire absolument par quiconque veut réfléchir, discuter et agir pour la révolution. lundi 16 juin 2014
Hélène Bertrand
(1) Syrie, la révolution orpheline, Ziad Majed, Sindbad/Actes Sud, avril 2014, 19,80€
http://www.emancipation.fr/spip.php?article995
Lire aussi: