Depuis l’effondrement du bloc soviétique, les relations internationales se recomposent autour d’intérêts mal identifiés.
Les alliances stratégiques deviennent plus floues ; des configurations nouvelles s’esquissent ; des partenaires s’affrontent sur un dossier précis pendant que des ennemis collaborent sur un sujet ponctuel. Comment interpréter une telle fluidité ?
Notre série sur les transformations géopolitiques s’ouvre sur l’entente discrète entre la Russie et Israël.
L’incident n’est pas passé inaperçu. Lors de la réunion de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) du 27 mars 2014, destinée à condamner l’annexion de la Crimée par Moscou, le représentant israélien a brillé par son absence. Au grand dam des Etats-Unis, Tel-Aviv s’est abstenu de voter une résolution appelant à ne pas reconnaître le rattachement de la péninsule à la Fédération de Russie. Cet épisode est venu confirmer la complexité des relations israélo-russes. Car, en dépit de leurs divergences sur le dossier syrien et de leurs différends toujours aussi fondamentaux sur le nucléaire iranien, Israël et la Russie entretiennent un dialogue constructif.
Faisant de plus en plus figure de citadelle assiégée sur la scène proche-orientale, Israël a pris acte de l’érosion de l’influence américaine dans la région, qui, par contrecoup, favorise celle du Kremlin. Le conflit syrien a consacré le retour de Moscou sur la scène proche-orientale, et a accru son rôle dans la recomposition géopolitique de la région après les « printemps arabes ». Sa posture pragmatique a contrasté avec les atermoiements de la diplomatie occidentale, de sorte que sa fermeté et sa ténacité dans son bras de fer avec Washington ont été scrutées avec attention, non seulement depuis les capitales du Golfe, mais également depuis Tel-Aviv, où la Russie apparaît comme puissance ascendante.
« Pont humain »
Israéliens et Russes peuvent se féliciter d’entretenir de bonnes relations, étayées par des échanges économiques denses et par un « pont humain » : près d’un million de citoyens israéliens sont issus de l’espace russe et ex-soviétique — dont un grand nombre font la navette. Depuis la fin des années 1980, les binationaux représentent près du septième de la population de l’Etat hébreu, de sorte que le président Vladimir Poutine a pu qualifier Israël de « pays russophone ». Ils forment une communauté à la fois autonome et intégrée dans la vie culturelle, politique et économique. Depuis les pères fondateurs, la classe politique israélienne a (...)
(A lire sur le "Monde Diplomatique")
Par Igor Delanoë, septembre 2014