Survivant de la Shoah et prix Nobel de la paix, l’écrivain juif américain est également à la tête d’Elad, une organisation radicale de colons israéliens qui occupe les maisons des Palestiniens à Jérusalem, révèle l’homme politique israélien de gauche Yossi Sarid.
J’ai toujours beaucoup appris des rubriques "potins", que nos journaux préfèrent appeler par pudeur "échos". Sans elles, comment saurions-nous qui roule pour qui, et dans quel intérêt ?
Avant de lire les pages d’information pure, allez donc jeter un œil à ces pages légères. Vous verrez, cela vous aidera à comprendre les rouages du système.
Renforcer la présence juive
Ainsi, vendredi dernier, Ha’Aretz comportait un encadré de remerciements, en hébreu, à ces "dizaines de nouvelles familles qui rejoignent la communauté juive dans la Cité de David" [nom donné au quartier arabe de Silwan à Jérusalem-Est, site de la Jérusalem antique du roi David, qui fait l’objet d’une campagne de ’judaïsation’ démographique].
"Nous saluons l’engagement sioniste de tous les acteurs : nous sommes unis dans la volonté de renforcer la présence juive à Jérusalem. Avec vous, nous accueillerons les pèlerins qui nous rendront visite pendant les fêtes."
Le texte est suivi de signatures de proches du mouvement de colonisation Elad. Certains des noms sont totalement inconnus, mais d’autres étonnent. Après tout, c’est une organisation connue pour semer le trouble dans la "ville de la paix" [Jérusalem].
Que font-ils là ?
Je ne me suis pas étonné de voir le nom du chanteur israélien Yehoram Gaon - il voit des drapeaux partout. Mais que viennent faire là l’ancien chef des services de renseignements militaires, Amos Yadlin, l’ancien chef de la police, Shlomo Aharoniski, et l’ancien directeur de l’hôpital universitaire Hadassah, Shlomo Mor-Yosef ? Que fait ici Ilan Cohen, un ancien directeur du cabinet du Premier ministre ? Peut-être devraient-ils expliquer comment ils peuvent apporter leur soutien à des gens qui en expulsent d’autres [Palestiniens] pour s’emparer de leurs maisons ?
Et qui y a-t-il à leur tête ? Vous ne le devinerez jamais. Pas le magnat des casinos [le milliardaire américian] Sheldon Adelson. Pas l’homme d’affaires américain Irving Moskowitz et son épouse Cherna.
Non, à leur tête se trouve un homme étroitement lié à la mémoire de l’Holocauste, un lauréat du prix Nobel de la paix et de la médaille de la Liberté de la présidence américaine : Elie Wiesel. Un homme au sujet duquel le comité Nobel déclarait : "Elie Wiesel est un messager pour l’humanité ; son message est un message de paix, de pardon et de dignité humaine."
Voilà un homme dont on attend qu’il manifeste une sensibilité particulière aux souffrances d’autrui, et ce où qu’il se trouve, aussi bien dans la ville roumaine de Sighetu Marmatiei, dont il est originaire, que dans le quartier de Silwan à Jérusalem. Voilà un homme qui se targue d’être l’ami de Barack Obama mais qui soutient des gens qui insultent publiquement le président américain.
Les saboteurs du processus de paix
Avant chaque réunion à Washington [pour la paix israélo-palestinienne], les activistes d’Elad préparent une énième invasion à Jérusalem, sabotant du même coup les efforts laborieux accomplis par les négociateurs. Peut-être [le Premier ministre israélien] Benyamin Nétanyahou savait-il pourquoi il proposa, un temps, la présidence d’Israël à Elie Wiesel - nous en tout cas, nous ne comprenions pas.
Elie Wiesel se déclare en dehors de la vie politique israélienne. Chaque fois qu’on lui a demandé de réagir à quelque injustice autour de nous qui rappellerait quelque autre injustice lointaine, il a éludé.
Alors maintenant le voir lui, entre tous les hommes, pénétrant violemment dans une maison [palestinienne] puis une autre, des maisons acquises par des transactions douteuses, qu’on peut faire évacuer dans la nuit avant que les draps et le café aient refroidi ? Lui, entre tous, brandissant le châle de prière pour dissimuler un nettoyage ethnique ?
De toutes les organisations d’Israël, il a choisi Elad, la plus controversée, un mouvement sans vérité, sans grâce, sans compassion. On ne comprend que trop bien pourquoi Elad l’a choisi lui à la présidence ; mais pourquoi a-t-il accepté ?
Elie Wiesel est un homme immensément respecté, par les Juifs et par les nations non-juives, parce que ce survivant est devenu un témoin et un passeur pour toutes les victimes de l’Holocauste. M. Wiesel, pourquoi ne rendez-vous pas un peu de ce respect ? Revenez sur votre choix, n’associez pas votre nom à Elad, ne signez pas leurs remerciements infamants.
Courrier international / Ha’Aretz, mardi 28 octobre 2014
http://www.france-palestine.org/Elie-Wiesel-l-ami-des-colons