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Mahienour el-Massry, l’Egyptienne qui fait trembler Al-Sissi (les Inrocks)

Le procès de l’avocate égyptienne Mahienour el-Massry pour « vandalisme et violences envers des forces de police » vient d’être repoussé au 8 décembre par un tribunal d’Alexandrie. Il y a dix jours, elle recevait le prix Ludovic Trarieux à Rome. En 1985, ce prix, décerné à un avocat, avait été attribué à Nelson Mandela.

“Elle mène les cortèges, hurle les slogans, se met nez à nez avec les représentants des forces de l’ordre (…) Elle soutient les pêcheurs expropriés, les étudiants emprisonnés, elle visite les familles des martyrs de la révolution pendant les fêtes. Elle est partout”. Comme beaucoup, Youssef el-Chazli ne tarit pas d’éloges. Le sociologue a croisé son chemin plus d’une fois, dans les manifs, les réunions de coordination d’activistes et en garde un souvenir saillant. “Mahie paraît être angélique, non humaine, par bien des égards”, dit-il.

Soif de justice

On la dit “tenace“, dotée d’une “modestie authentique” et “déterminée” à faire triompher la révolution du 25 janvier 2011, parce que “les gens méritent mieux”, dit-elle. Mahienour a imprimé dans l’esprit des Egyptiens son regard abîmé sur une révolution en perdition qu’il faut sauver, et sa soif de justice à tout prix. “La révolution aura échoué le jour où on n’y croira plus”, assure-t-elle.

Grève de la faim pendant 48 jours

En ce jour d’automne, cet acharnement pour la justice la plante dans un tribunal d’Alexandrie. Pour la deuxième fois en quelques mois. Elle n’est pas ici en tant qu’avocate, c’est l’accusée. Placide à côté de son avocat qu’elle jure “détester parce qu’il est bon”, la jeune femme est chétive, elle a perdu plus de 15 kilos et vient de stopper une grève de la faim qui a duré 48 jours. Elle a promis de la reprendre si elle est de nouveau incarcérée.

En juin, elle était condamnée à deux ans de prison pour une manifestation non-autorisée qui réclamait la condamnation des meurtriers de Khaled Said, battu à mort par des policiers en 2010. Libérée en appel après six mois de détention, elle comparaît dans une autre affaire pour “violence envers les forces de l’ordre” alors qu’elle se rendait dans un poste de police de Nasr City pour défendre les droits d’un jeune homme tout juste arrêté. “Procès politique !”, s’époumonent ses soutiens. Et ils sont nombreux à dénoncer le pouvoir qui musèle toutes les grandes gueules.

Son nom sur des bulletins de vote

 

Lors de sa première détention, une campagne colossale a été menée pour appeler à sa libération. Les #FreeMahienour ont fleuri sur Twitter, son visage placardé sur les murs du Caire et d’Alexandrie, le portrait de Nefertiti détourné à son effigie, son nom inscrit sur les bulletins de vote lors de l’élection présidentielle. Elle était partout… Si bien que quand on la rencontre pour la première fois, on a l’impression de déjà la connaître.

Un bout de femme qui “ne comprend pas pourquoi on parle d’[elle], elle n’a vraiment rien fait de spécial”, insiste-t-elle “j’ai juste été en prison comme des milliers de gens”. Certes, mais elle avait le choix. “Nous étions six à être jugés, j’y suis allée de moi-même, en sachant pertinemment que je serai mise en prison, c’était une manière de mettre en lumière  mes coaccusés, moins connus et moins soutenus que moi”. 

“Victime d’idées corrompues”

Quand elle est libérée début septembre, et que des centaines de ses compagnons restent en prison, elle le vit presque comme une déception.  “Le juge a dit que j’étais victime d’idées corrompues”. A savoir “la liberté, la justice sociale, l’égalité”, peste-t-elle, mettant sa libération sur le compte d’un geste politique de la part d’Al-Sissi au même moment en visite à l’ONU : “ce criminel de guerre” comme elle l’a souligné lors de la remise du prix Ludovic Trarieux, à Rome.

Elle, militante renommée qui se dit “mauvaise avocate” conchie le système judiciaire égyptien. “Je ne crois pas en les lois, je crois en la justice. C’est tout à fait différent”. 

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