La Ligue arabe a approuvé, le 28 mars, la création d’une force arabe de défense et décidé de soutenir la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite qui mène une offensive au Yémen contre les milices houthistes. L’arabité est ainsi assimilée au sunnisme, déplore le quotidien Liberté.
Le monde arabo-musulman du Moyen-Orient est entré en guerre avec lui-même. Déjà précarisée par le conflit israélo-palestinien, la déstabilisation de l’Irak et de la Syrie, la fragilité du Liban, le terrorisme latent en Egypte et la révolte sourde à Bahreïn, la région est entrée dans un état d’instabilité sécuritaire qui devrait se prolonger. A force d’être manipulées, les contradictions confessionnelles, jusqu’ici étouffées par la force, se sont réveillées.
Composé de dictatures résiduelles, dans un univers converti à la démocratie et régnant sur des Etats aux frontières artificiellement délimitées par les anciennes puissances occupantes, le monde “arabe”, dans sa partie orientale, endure de récurrentes contestations ethniques, territoriales ou confessionnelles.
Une “guerre mondiale arabe”
Pour des besoins de stratégie, l’arabité est ici assimilée au sunnisme. Une identité ethnoculturelle est apparentée à une doctrine religieuse. Et, par glissement, l’on plonge dans une confrontation stratégique entre “monde arabe” et Iran. Etre arabe, c’est être sunnite, du côté du roi de Riyad et contre l’ayatollah de Téhéran : voici la fatalité de notre “identité”, “constante” et irrécusable, paraît-il, celle que nos dirigeants nous ont imposée, si ce n’était cet argument [inscrit dans la Constitution] de non-intervention de l’ANP [Armée nationale populaire algérienne] à l’extérieur de nos frontières !
Sans sous-estimer l’hégémonisme iranien et l’usage belliqueux qu’il fait de ses têtes de pont confessionnelles, le constat s’impose : toute une “guerre mondiale arabe” pour défendre un régime (yéménite) et un autre (saoudien) qui risque de pâtir de la chute du premier ! L’“unité arabe” n’est sollicitée que pour la défense de régimes politiques menacés. Car, enfin, ce n’est pas la question de la légitimité de leurs pairs qui étouffe les dictateurs “arabes” ! Et les troupes iraniennes n’ont pas envahi le Yémen.
Modèles politiques les plus rétrogrades
Quand il s’est agi de contenir l’offensive brutale de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique (EI)], les Arabes y sont allés en traînant la patte, contraints et forcés par leurs alliés occidentaux. Quant à Al-Qaida en Syrie, le Qatar et l’Arabie Saoudite ont préféré d’abord l’armer et la financer ! Est-ce le “sunnisme” de ces armées terroristes qui en fait des entités tolérables pour les dirigeants arabes ?
Etrange que même le conflit “israélo-arabe”, comme on l’appelait jadis avant d’abandonner les Palestiniens à “leur” cause, n’ait jamais suscité l’idée d’une armée “arabe” qu’un soulèvement d’une tribu yéménite – arabe – a inspirée !
Est-ce pour hériter de telles causes – comme le confort politique et sécuritaire des Al-Saoud [famille régnante en Arabie Saoudite] – que nos dirigeants ont voulu, avant notre indépendance, nous imposer cette parenté identitaire ? Est-ce pour nous détourner des idéaux de liberté et de développement qu’ils nous ont amarrés aux modèles politiques les plus rétrogrades et les plus anachroniques des temps modernes ?