La question de l'exploitation du gaz de schiste en Algérie se pose publiquement depuis moins de deux ans alors que le gouvernement semble en avoir fait l'option depuis au moins 2008.
Une fois révélée, elle a été très rapidement imposée sans débats ni consultation d'experts critiques. Comme à l'accoutumée, le parlement a approuvé dans sa grande majorité cette orientation. Les déclarations de membres du gouvernement ainsi que les informations disponibles sur les projets, l'agenda, les financements, les sociétés étrangères impliquées sont contradictoires. Les uns défendent ouvertement ce choix sous prétexte de nécessité face au déclin des réserves de pétrole tandis que d'autres assurent qu'il n'est pas à l'ordre du jour.
La mobilisation à In Salah contre l'exploitation du gaz de schiste en Algérie a débuté le 31 décembre 2014 et perdure à ce jour.
C'est à quelques kilomètres de cette ville de 50 000 habitants située à 1200km d'Alger que le premier forage a été réalisé, officiellement à titre d'exploration. La population est alarmée des conséquences des techniques employées dans l'extraction du gaz de schiste, en particulier la fracturation hydraulique (fracking) qui nécessite de grande quantité d'eau, de sable et de produits chimiques. Il s'agit du premier mouvement populaire sans caractère revendicatif socio-professionnel ou partisan. La contestation se répand à la fois dans le temps et dans l'espace. Et plus elle perdure plus elle attire la convoitise d'acteurs politiques qui en font leur cheval de bataille dans leur confrontation avec le pouvoir qui lui, passe d'une attitude paternaliste aux menaces contre une population qui demande qu'une question aussi importante pour le pays fasse l'objet d'un débat national.
Les autorités agissent dans l’opacité
Les conditions juridiques et pratiques pour l'exploitation du gaz de schiste sont mises en place à partir de la fin des années 2000 : Des firmes étrangères dont la française Total obtiennent des permis « d'exploration et d'exploitation » sans toutefois se lancer tout de suite dans le projet. Une nouvelle loi sur les hydrocarbures est adoptée par le parlement en 2012 et publiée au Journal officiel le 24 février 2013 (jour anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures en 1971). Cette loi est particulièrement scandaleuse car elle revient sur des principes de souveraineté. Pour attirer les compagnies spécialisées, frileuses face à ce qu'elles considèrent être des contraintes financières, la fiscalité est dorénavant calculée sur la base du rendement que fixe les compagnies elles-mêmes sans que l'administration algérienne n'ait de moyen de contrôle.
En juin 2013, l'EIA, Energy Information Administration des Etats-Unis, publie un rapport dans lequel il est affirmé que l'Algérie détiendrait la 3e réserve mondiale de gaz de schiste (707 trillions m3) située dans sept bassins : Ahnet, Berkine-Ghadames, Mouydir, Reggane, Timimoun et Tindouf. Dans d'autres régions du monde ces estimations se sont souvent avérées fausses et auraient été lancées pour motiver et justifier l'option gaz de schiste, en particulier lorsque les réserves de gaz et de pétrole conventionnelles se tarissent comme c'est le cas en Algérie.
Rapidement après la publication de cette information, les premières déclarations officielles expriment la volonté de se lancer dans cette voie et le Conseil des ministres du 21 mai 2014 donne le feu vert à l’exploitation du gaz de schiste. Quatre puits d'exploration dans les bassins d'Ahnet et Illizi ont été prévus pour l'année 2014 dans le cadre d'un programme de forage de 11 puits étalés sur 7 à 13 ans. Ils ne semblent pas avoir été tous forés. Les travaux d'exploration du site Ahnet, à près de 20 km au sud d’In Salah, ont débuté en août 2014 par la compagnie nationale d'hydrocarbures Sonatrach et Total. Les sociétés Halliburton (américaine) et Schlumberger (française) chargées de l'aspect technique de la fracturation sont également présentes sur le site. En 2012 déjà, un forage schiste expérimental qui s'est avéré prometteur avait été réalisé à Ahnet.
Le 27 décembre 2014, la mise en service « avec succès » de ce puits-pilote est annoncée en grande pompe par les ministres de l’Énergie, des Ressources en eau et de l’Environnement devant un parterre de journalistes venus sur place. Sonatrach se félicite de cet exploit sans évoquer le rôle crucial des firmes étrangères alors qu'il est connu que la compagnie algérienne ne peut réaliser les forages horizontaux qui sont indispensables à l'extraction du gaz de schiste. Le PDG de Sonatrach, Saïd Sahnoun, déclare le 11 janvier 2015 vouloir investir « 70 milliards de dollars sur 20 ans pour produire 20 milliards de mètres cubes de gaz de schiste par an ».
Mais ce que les officiels et les partisans de cette option ne disent pas c'est que l'extraction de ce gaz est très onéreux: Un puits de schiste coûte aujourd'hui entre 15 et 20 millions de dollars et le déclin de la production est d'environ 40 % après à peine un an d'exploitation. Ceci signifie selon les experts qu'il faut sans cesse forer de nouveaux puits. Pour produire environ 25 milliards de m3, il faut forer 600 puits. Ces puits une fois abandonnés continuent de dégager des gaz, notamment du méthane, gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO2. La fracturation de roches entraîne l’accentuation des fissures et failles et provoque des séismes de magnitude 4,5 à 5 degrés sur l’échelle de Richter.
Bien plus dangereux cependant, sont les conséquences de l'utilisation extensive d'eau et de produits chimiques nécessaire à la fracturation hydraulique.
Chacune nécessite entre 10 et 25 millions de litres d’eau qui seront extraits de la nappe phréatique, une ressource qui ne se renouvelle pas. Des tonnes de sable et une grande quantité de substances chimiques (500 d'après les spécialistes), dont les composantes de certaines restent inconnues, sont également essentielles pour fracturer la roche dans laquelle le gaz est enfermé. Selon les explications données, l'eau usée de la fracturation, très toxique, serait décontaminée et réinjectée dans le sol ou transportée par camion vers des centres de décontamination. Mais ces précautions très coûteuses ne seront pas prises et elles n'assurent pas la détoxication totale, on le voit aux Etats-Unis, qui pourtant disposent d'une plus longue expérience de ces techniques. Dans de nombreux lieux, l'agriculture est impossible, l'eau alimentaire est contaminée et les paysages sont massacrés par les centaines de puits, de bassins de décantation des eaux polluées, de routes aménagées pour les véhicules transportant le gaz ou les eaux, etc.
Une population aspirant à préserver son environnement
Les précurseurs de la forte mobilisation du début de l'année 2015 se manifestent peu après le fameux Conseil des ministres du 21 mai qui officialise l'entrée de l'Algérie dans l'ère du gaz de schiste. A Adrar et Ouargla les premiers rassemblements ont lieu dès le mois de juin 2014. Dès ce moment les appels à un débat national sont adressés au gouvernement et au Président mais également aux sociétés étrangères qui sont sommées de quitter le pays.
Le 31 décembre 2014, quatre jours après la visite officielle des ministres à In Salah pour célébrer l'entrée officielle de l'Algérie dans l'exploitation du gaz de schiste, des habitants d’In Salah bloquent la route nationale 1 qui mène vers le puits pilote de Gour Mahmoud, situé dans le périmètre Ahnet, à une trentaine de kilomètres de leur ville. C'est le début des protestations qui vont s'amplifier jour après jour et entraîner les populations de Tamanrasset, Adrar, Ouargla.
Le mouvement de protestation fait preuve d'une maturité impressionnante.
Composé d'âges et de milieux différents, travailleurs, agriculteurs, notables, cadres de la Sonatrach, rappeurs, enseignants, universitaires, les femmes y jouent un rôle prédominant en raison des enjeux de la lutte. Il n'exprime pas de revendications socio-professionnelles, ne demande pas programmes de développement ou de lutte contre le chômage. Il n'exige encore moins un changement de régime ou le départ du président Bouteflika. La population du Sud se sait en marge des richesses que génèrent leur région pétrolifère de laquelle elle profite bien moins que d'autres régions. Mais pour elle, l'urgence de l'heure est de préserver un environnement fragile, déjà malmenée par l'exploitation conventionnelle du gaz et du pétrole. Cette société agricole, profondément attachée à la terre, a une conscience accrue de l'importance de la terre qui la nourrit mais surtout de l'eau qu'elle a appris à gérer avec parcimonie grâce au système d'irrigation ancestral appelé Foggara, canalisation souterraine alimentée par la nappe aquifère. Si l'eau est menacée par le pompage extensif et la pollution chimique, la vie de ces populations est en danger.
Dans ce combat, les femmes sont aux avant-postes, car comme l'explique l'anthropologue Dida Badi « le rapport est évident entre la terre qui enfante la source des entrailles de laquelle l’eau jaillit, et la mère qui engendre et fonde le groupe de parenté qui s’en réclame ». Et comme l'explique Mohad Gasemi, le président du bureau régional de l’Association de promotion de l’activité agricole : « Nos ancêtres ont développé dans la région d’Adrar des systèmes d’irrigation qui ont permis à toutes les populations de se nourrir grâce à leurs propres efforts. L’exploitation de gaz de schiste détruira tout ce trésor. Les produits chimiques qui seront utilisés dans la fracturation hydraulique pollueront toutes les nappes du pays, puisque les bassins hydriques sont interconnectés. Au lieu d’investir dans un projet destructeur, qui d’ailleurs n’est pas rentable économiquement, il serait plus judicieux d’investir dans les ressources humaines locales. Outre le tourisme, je ne vois que le secteur de l’agriculture à développer dans notre région, entre autres les céréales et le maïs. Avec le soleil régulier, et l’eau à profusion, les récoltes peuvent être triplées dans le pays. »
Rapidement la place centrale de la ville d'In Salah est investie par les opposants et dénommée «maydan as-soumoud » (Place de la résistance) où des tentes sont érigées et les habitants se regroupent quotidiennement pour s'échanger et sensibiliser la population. Dans les autres villes du Sud des manifestations sont également organisées régulièrement, mais le centre de la contestation reste In Salah. Une grande manifestation est organisée le 15 janvier à laquelle participent plus de 25 000 marcheurs venus de toute la région pour exprimer leur refus de ce projet qu'ils considèrent être une « question de vie ou de mort ».
Face à l'absence de réponse aux différents appels lancés par les habitants d'In Salah, le 21 février 2015, une demande de moratoire - le temps de tenir un débat national - tel qu'il est appliqué dans d'autres pays, est adressée par la société civile et des organisations non gouvernementales locales au Président de la République. En se basant sur plusieurs études d'experts, le document met en relief la dangerosité des procédés employés dans la fracturation hydraulique, la pollution de l'air et les risques pour la nappe phréatique ainsi que les conséquences à long terme une fois les puits de fracturation abandonnés. Les photos du site du forage du puits-pilote d'Ahnet montrent qu'aucune mesure de protection n'a été prise : les produits chimiques de la société Halliburton sont stockés dans des sacs à l'air libre ; les bassins de récupération de l'eau utilisée lors de la fracturation hydraulique ne sont que de simples bâches dont l'étanchéité n'est que relative, tandis que l'eau s'évapore, le sable et les produits toxiques subsistent et sont livrés aux vents ; les cadavres d'animaux entrés en contact avec ces bassins sans évoquer la destruction du site. De nombreux pays et notamment la France ont décidé d'un moratoire en raison des dangers des procédés d'extraction et de l'opposition des populations concernées.
De la confrontation à l'apaisement
Entre temps le mouvement fait des émules dans le pays et la Coordination pour les libertés et la transition démocratique, CNLTD, dans laquelle se retrouvent de nombreux partis autrefois au pouvoir et aujourd'hui unis contre le 4e mandat d'un président malade et absent, s'empare du sujet. Des manifestations sont programmées dans différentes villes le 24 février, jour anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures en 1971. A In Salah défilent à nouveau près de 25 000 personnes, et dans toutes les grandes villes, plusieurs centaines d'opposants se rassemblent. Les têtes de partis d'opposition tentent de marcher à Alger mais la police les en empêche et des dizaines de manifestants sont arrêtés, tout comme en Kabylie.
Mais à In Salah également le climat paisible des protestations bascule ce 28 février, lorsque des activistes se rendent à la base de vie de la société Halliburton pour remettre à ses représentants une lettre informant que la population s'oppose au forage d’un nouveau puits. Des gendarmes anti-émeutes les reçoivent sur place en proférant des insultes racistes et les chassent avec violence. Le ton monte et la confrontation éclate, jets de pierre contre bombes de gaz lacrymogène.
Les affrontements se poursuivent en ville, les forces de l'ordre n'ont plus aucune retenue, à coup de bulldozers, matraques et de gaz, ils évacuent la place As-soumoud, symbole de résilience d'une population jusque là patiente et attachée à la non-violence. Des bâtiments publics sont incendiés, tandis que des personnes sont arrêtées et blessées notamment par des tirs à balles réelles. Ce n'est que lorsque l'armée intervient pour apaiser les esprits et pousser les policiers à retourner dans leurs casernes que le calme se rétablit. Le collectif des habitants de In Salah dénonce dans un communiqué d'une grande lucidité que pour « respecter les contrats signés avec les multinationales étrangères et de manière à satisfaire ses exigences premières, Sonatrach a décidé d'opérer le 'fracking' en soutenant, par un renfort sécuritaire extraordinaire, l'entreprise Halliburton, en charge des hydro-fracturations assassines ». Tout en voulant préserver le caractère pacifique de leur mouvement, malgré le débordement de fin février, les habitants d'In Salah restent attachés au dialogue avec le gouvernement afin de trouver une solution commune.
L'irresponsabilité des autorités met en danger l'avenir du pays
Si jusqu'à présent les autorités algériennes ont fait preuve d'une certaine retenue - à l'exception de la vague de répression fin février - face à un mouvement qui par sa maturité et son expertise représente un véritable défi pour le gouvernement, d'autant plus qu'il ne conteste pas le pouvoir en place, n'exige pas son départ, les différents ministres et responsables de la Sonatrach ont quant à eux brillé par leurs propos incompétents et contradictoires qui ne sont pas pour rassurer les populations laissées dans l'ignorance quant à l'évolution du programme d'extraction de gaz de schiste. Les uns parlent de stade d’exploration, les autres d’exploitation et les troisièmes suggèrent les deux étapes.
Les rares arguments opposés aux militants anti-gaz de schiste critiquent qu’ils ne prendraient pas en considération « l’impératif économique » et verseraient dans « l’utopie environnementale ». Quel impératif économique ? Celui d'honorer des contrats de vente d'hydrocarbures à long terme datant de la période de Chekib Khelil, ministre de l'énergie et des mines jusqu'en 2010, qui a bradé les ressources fossiles du pays et qui est aujourd'hui poursuivi dans des affaires de corruption de la Sonatrach ?
N'est-ce pas plutôt l'esprit de rente qui prédomine à la fois dans la classe politique mais également chez de nombreux journalistes et une bonne partie des Algériens ?
Habitués à recourir à la manne pétrolière, la perspective d'un tarissement des hydrocarbures, est inimaginable voire inacceptable. C'est la paix sociale qui est en jeu dans un pays qui bien qu'aspirant à l'apaisement après les violences subies durant la « sale guerre » des années 1992-2002 est traversé d'antagonismes explosifs.
Que faut il penser d'un Président de la République qui en réponse à la demande de moratoire présentée par les habitants d'In Salah assène fin février que le gaz de schiste est « un don de Dieu qu’il faut fructifier » ? Invoquer le registre religieux et infantiliser ceux qui en appellent à la responsabilité du chef de l'Etat montre une fois de plus quelle relation il entretient avec ses administrés. Et face à une mobilisation qui ne fléchit pas, Le président Bouteflika passe peu après à des menaces à peine larvées. Lors de la commémoration du cessez-le-feu du 19 mars 1962, à Ghardaia, dans une déclaration qui lui est attribuée, il lance un avertissement aux opposants du gaz de schiste qui remettraient en question les « programmes de développement ». « C’est un Etat généreux qu’offense la propension de certains de ses citoyens à douter de lui, et de ses engagements. Je veux parler d’une partie de la population d’In Salah qui persiste dans ses protestations, en dépit de toutes les assurances qui lui ont été données. (…) Je suis particulièrement affligé de voir des enfants de la région poussés à nuire à l’Etat de leur pays, et de constater que d’autres tendent à mettre en doute le dévouement et l’intégrité des dirigeants de leur Etat, et à s’inscrire en faux contre le bien-fondé de leurs actions, décisions et plans conçus pour réaliser le développement du pays dans son ensemble ». Ces déclarations ne laissent pas présager de volonté à prendre véritablement en considération les inquiétudes fondées des populations du Sud.
En conclusion
La mobilisation populaire contre la fracturation hydraulique, bascule dans une autre dimension avec la participation de politiques. Les responsables de divers partis d'opposition se rendent dernièrement régulièrement à In Salah pour participer aux protestations. Le 14 mars une grande manifestation nationale a été organisée à Ouargla à laquelle avait également appelé la CNLTD. Les opposants politiques ont été à cette occasion accueillis avec enthousiasme par la population qui n'aspire qu'à sortir de son relative isolement et désire que le débat autour de la question du gaz de schiste s'élargisse en particulier au nord du pays où la mobilisation pour un moratoire n'est pas encore très forte. Certains avertissent toutefois qu'il est nécessaire que le mouvement anti-gaz de schiste conserve son autonomie et ne laisse pas brouiller son message par les actions de politiciens qui aspirent à un « printemps arabe » en Algérie. Ceci est d'autant plus important que cette mobilisation non-partisane, de par son caractère populaire transcendant tous les clivages sociaux et professionnels, désarçonne le gouvernement. Si elle devait être récupérée par l'opposition politique, elle risquerait de perdre de sa force et de sa vitalité.
La question de l'exploitation du gaz de schiste n'est pas à traiter comme un problème du Sud algérien en raison de la localisation des gisements.
Elle concerne le pays tout entier et en appelle à une réponse globale afin de préserver un environnement qui permettrait le développement du pays à condition d'engager d'autres orientations. L'utilisation prudente des nappes d'eau phréatiques et albiennes pourraient garantir une couverture alimentaire du pays entier tout en fournissant du travail à des milliers d'agriculteurs. L'exploitation d'une richesse naturelle, le soleil, pourrait produire une grande partie de l'énergie nécessaire en Algérie et être exportée. Mais ce sont là des décisions politiques qui placent au centre des préoccupations non pas les profits à court terme mais l'avenir du pays et des générations futures.
Salima Mellah, Assafir al-arabi, 16 avril 2015
http://www.algeria-watch.org/fr/article/analyse/mellah_gaz_schiste.htm