L’utilisation massive des pesticides a un impact désastreux sur la qualité sanitaire des fruits et légumes mis sur le marché. Le consommateur ignore très souvent la menace qui pèse sur sa santé et le contrôle des traitements en amont reste aléatoire
25 groupes de pesticides — pour la plupart utilisés en Algérie — ont été déclarés substances cancérigènes. Plus de 150 études réalisées dans 61 pays ont incriminé les pesticides dans l’apparition des maladies cancéreuses, de l’infertilité et des perturbations du système immunitaire.
L’utilisation généralisée des pesticides dans les exploitations agricoles, mais aussi dans les espaces verts, les forêts, les maisons entraîne des problèmes de santé, dont des cancers et des décès dans de nombreuses régions du monde, souvent en raison d’une exposition sur le lieu de travail ou d’une intoxication accidentelle ou intentionnelle. Des études scientifiques réalisées à travers le monde affirment ce lien entre pesticides et risques sur l’homme et l’environnement.
L’OMS rappelle que l’homme peut également être exposé aux pesticides, qui se présentent trois formes
: les herbicides ou désherbants (contre les mauvaises herbes) ;
les fongicides (contre les champignons et les moisissures) ;
les insecticides.
Leur ingestion est extrêmement dangereuse à la suite d’une contamination environnementale, de contamination des denrées alimentaires et éventuellement de l’eau contenant des résidus de pesticides, même si les preuves de cancers chez l’homme manquent.
Mais cela n’a pas empêché l’organisation onusienne de tirer la sonnette d’alarme à propos de cinq produits classés cancérogènes «probables» ou «possibles» pour l’homme en mars dernier, à travers l’IARC (agence du cancer de l’OMS(. Il s’agit de l’herbicide «glyphosate», l’un des plus utilisés dans le monde, et des insecticides «malathion» et «diazinon».
Le glyphosate est la substance active du Roundup, l’un des herbicides les plus vendus selon l’IARC. Les insecticides «tetrachlorvinphos» et «parathion», qui font déjà l’objet d’interdictions ou de restrictions dans de nombreux pays, ont pour leur part été classés cancérigènes «possibles». Le glyphosate est l’herbicide dont la production est la plus importante en volume. Outre l’agriculture où son usage a fortement augmenté, il est également utilisé dans les forêts et par les particuliers dans leurs jardins, rapporte l’agence de l’OMS. Et de signaler que du glyphosate a été retrouvé dans l’air, dans l’eau et dans la nourriture.
La population, en général, est notamment exposée lorsqu’elle habite à côté de zones traitées. «Les niveaux d’exposition observés sont toutefois généralement bas», souligne l’IARC. Pour ce qui est des risques cancérigènes du glyphosate et des insecticides malathion et diazinon, l’IARC note qu’il existe des «preuves limitées» chez l’homme en ce qui concerne les lymphomes non hodgkiniens, des cancers du sang. Pour le malathion, l’IARC cite également le cancer de la prostate et pour le diazinon, le cancer du poumon. Les risques ont été évalués en se basant notamment sur des études d’exposition agricole menées aux Etats-Unis, au Canada et en Suède, ainsi que sur des animaux, en laboratoire.
Cancers : De plus en plus de preuves…
Une étude d’évaluation des effets des pesticides sur la prolifération lymphocytaire et le stress oxydatif in vitro d’une chercheure de l’université de Tlemcen, docteur en physiologie et biochimie de la nutrition, montre bien le lien avec l’utilisation de ces produits. Il est donc constaté des effets immunomodulateurs des pesticides et des répercussions sur l’ADN et la balance intracellulaire «redox»
«Ces effets immunomodulateurs très précoces sont à l’origine de nombreuses maladies. S’ils sont corrigés à temps, la santé peut être préservée», a déclaré la chercheure Amel Medjdoub, lauréate du prix Sanofi de la recherche en santé en Algérie 2015. D’autres travaux sur les résidus et la rémanence de ces produits dans les fruits et légumes ont été effectués par plusieurs chercheurs et étudiants dans les universités algériennes. Au Centre national de toxicologie de l’Institut Pasteur d’Algérie, de nombreuses publications anciennes et récentes sur le sujet sont archivées.
Parmi ces travaux de recherche, l’étude pour l’obtention du diplôme de magistère à l’école Polytechnique d’Alger en 2011 ayant pour thème «Recherche de résidus de pesticides par couplage CPG/SM dans quelques fruits et légumes» révèle que les teneurs en résidus d’insecticides sont plus élevés que les limites maximales admises, fixées par les index phytosanitaires (ACTA 2009). Le chlorpyrifos a été détecté dans la fraise et la tomate malgré le respect des délais avant la récolte (DAR) préconisés et des doses de traitement homologuées pour ces produits dans les cultures étudiées.
L’auteur de l’étude a également relevé que le non-respect des délais avant la récolte dans le cas de la courgette engendre une teneur supérieure aux limites maximales de résidus. «Il y a cumul des teneurs en résidus d’insecticides par le fait des successions de plusieurs traitements par une même molécule pour une même culture», conclut-on. Ainsi, le glyphosate — le plus utilisé et le plus vendu — figure sur la liste des produits qui font l’objet de l’alerte de l’OMS. L’évaluation de la rémanence de cet herbicide dans les cultures maraîchères de la wilaya de Jijel a fait aussil’objet d’un mémoire pour l’obtention d’un magistère, option biologie appliquée, à l’université de Constantine.
Les herbicides sont plus persistants dans les sols que les insecticides et les fongicides et génèrent des produits de dégradation stables, qui peuvent également présenter une activité biocide rappelle la chercheure. «S’il est nécessaire que les herbicides sont appliqués sur le sol pour contrôler les mauvaises herbes pendant la saison d’application, il n’est pas souhaitable qu’ils soient rémanents et affectent la croissance des cultures suivantes. La durée d’action d’un herbicide dans le sol est appelé rémanence ou persistance d’action’», explique-t-elle. Et de préciser que les effets à long terme d’une exposition chronique sont plus difficiles à apprécier : «La toxicité chronique est, quant à elle, nettement moins bien connue et beaucoup plus difficile à mettre en évidence.
Elle peut être associée à une absorption de faibles quantités de pesticides présents dans différents milieux sur une longue période. Elle peut provoquer différentes maladies : cancers, problèmes de reproduction troubles neurologiques (dont la maladie de Parkinson), affaiblissement du système immunitaire, troubles hormonaux.» L’herbicide glyphosate, a encore souligné Amel Medjdoub, figure aujourd’hui sur le marché dans une dizaine de préparations commerciales (Brex, Glyphos, Roundup, Kalach...) et la voie alimentaire n’est pas la principale exposition aux pesticides.
Réduire l’utilisation des Pesticides
Sur les 99 études épidémiologiques, 75 indiquent une relation positive entre l’exposition à des pesticides et l’atteinte par un lymphome. Depuis une vingtaine d’années, de dizaines d’études épidémiologiques menées aux USA et ailleurs montrent que les utilisateurs de pesticides sont plus souvent atteints par certains cancers (estomac, prostate, vessie, cerveau, lèvres, LNH, leucémies...) que la population générale. Les enfants d’utilisateurs, notamment d’agriculteurs, sont également touchés.
La mise en place d’un plan viserant à réduire l’usage des pesticides et l’élaboration d’une nouvelle législation en la matière est fortement recommandée par les défenseurs de l’environnement et les médecins spécialistes, qui souhaitent également le lancement d’une étude nationale sur l’usage des pesticides en Algérie pour évaluer leur impact sur l’environnement et la santé et afin d’instaurer des normes plus contraignantes, sous forme de loi, sur l’usage de ces produits qui semblent faiblement contrôlés chez les agriculteurs.
L’Algérienne des phytosanitaires (Alphyt), filiale du groupe industriel Asmidal, qui a pour vocation la formulation, la commercialisation et le développement des produits phytosanitaires à usage agricole et d’hygiène publique, commercialise ces produits montrés du doigt par l’OMS, dont le glyphosate, sous le nom commercial Mamba 360 SL. Un suivi rigoureux des rejets industriels (gaz ou résidus) est effectué périodiquement pour mesurer le degré de pollution.
Il ressort que les résultats obtenus nous confortent car ils sont en dessous des normes internationales admises. De plus, des mesures préventives sont prises pour limiter au maximum toute pollution de l’environnement», souligne une source proche du dossier. Et de signaler que ces produits sont également importés par des entreprises privées. C’est justement là le problème puisque des substances interdites de commercialisation en Europe ont été retrouvés dans les fruits et légumes.
Djamila Kourta le 03.06.15 | 10h00
http://www.elwatan.com/une/pesticides-des-dangers-insoupconnes-03-06-2015-296398_108.php