L’enclave palestinienne ne s’est pas relevée de la terrible opération militaire israélienne de l’été dernier. La situation humanitaire sur place reste alarmante.
Le constat est unanime. Rien n'a changé depuis un an, à Gaza. Dans des quartiers entièrement détruits, la population continue à vivre dans une détresse absolue au milieu des gravats d'immeubles aux façades éventrées. Il y a un an, l'armée israélienne lançait l'opération "Bordure protectrice". Une guerre de cinquante jours qui a causé la mort de plus de 2.000 personnes côté palestinien, dont 65 % de civils, et de plus de 70 soldats israéliens.
"On n'est pas dans un film, souligne avec force au JDD Erwan Grillon, chef de mission à Médecins sans frontières (MSF) pour Gaza et Jérusalem. Les gens vivent dans les décombres ou s'entassent dans les maisons qui tiennent encore debout. Cela donne une population qui est faible tant sur le plan psychologique, physique qu'économique. Et surtout, elle est sans perspective d'avenir."
Asphyxie quasi totale en raison des blocus israélien et égyptien
Gaza, année zéro, sans nul doute. Le blocus imposé par l'État hébreu depuis 2006, qui limite l'entrée des matériaux, rend impossible toute reconstruction dans l'enclave. La prise de pouvoir du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, en guerre ouverte contre les Frères musulmans et leurs alliés du Hamas à Gaza, a refermé les portes de la ville frontalière de Rafah, qui servaient en quelque sorte de poumons. Malgré quelques dérogations accordées pour des raisons humanitaires, ce deuxième blocus a entraîné une asphyxie quasi totale des Gazaouis. "Gaza possède la plus forte densité de population au monde. On est en train de construire la génération la plus stressée de la planète, se désespère notre interlocuteur à MSF. 70 % de la population a moins de 30 ans et 50 % moins de 14 ans. Les mères se révèlent incapables de porter secours à leurs enfants. On a tous les symptômes de l'enfermement que l'on retrouve en prison.
Quelque 100.000 Gazaouis toujours sans abri
Quatre-vingt-cinq familles relogées! Pas de quoi pavoiser. Mais, faute de mieux, Pierre Krahenbühl, commissaire général de l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, tient néanmoins à mettre ce chiffre en avant. "Il y a quinze jours, nous avons eu la première autorisation pour la reconstruction de bâtiments qui accueilleraient 85 familles. Évidemment, sur 100.000 habitants toujours sans abri, cela peut paraître dérisoire. Mais on peut espérer une dynamique parce que le scepticisme est un luxe que l'on ne peut plus se permettre dans la région." Tous s'accordent à craindre en effet une radicalisation des jeunes. "Ceux qui ont moins de 8 ans ont déjà connu trois guerres, poursuit Pierre Krahenbühl. Avant le blocus, 80.000 personnes recevaient une aide alimentaire. Désormais, ils sont 860.000, et 65% des jeunes sont sans emploi. Sans processus politique, Gaza est devenu une bombe à retardement."
La radicalisation, le spectre de demain, la zone grise où personne ne sait où l'on va, au point que l'on parle d'une implosion à l'intérieur du camp islamiste et d'un rapprochement possible du Hamas avec Israël, face à la menace du groupe terroriste Daech. "Voilà à quoi on est arrivé, souligne un observateur, à considérer que le Hamas pourrait devenir la meilleure des solutions!"