Les poursuites judiciaires engagées contre Ebrahim Sharif, un militant politique placé en détention pour avoir dans un discours appelé à une réforme à Bahreïn, montrent que les autorités sont fermement déterminées à réprimer la dissidence et museler la liberté d’expression dans le pays, a déclaré Amnesty International à la veille de l’ouverture de son procès le 24 août.
Ebrahim Sharif, qui est l’ancien secrétaire général d’une formation politique laïque d’opposition, la Société nationale pour l’action démocratique (Waad), a été arrêté en juillet 2015 après qu’il eut prononcé un discours lors d’un rassemblement public organisé pour commémorer la mort de Hussam al Haddad, un garçon de 16 ans abattu par la police antiémeute en 2012.
« S’exprimer librement n’est pas un crime ; le fait qu’Ebrahim Sharif soit déféré devant un tribunal pour avoir prononcé un discours appelant à une réforme est absurde. Il est clair que les autorités bahreïnites le sanctionnent uniquement parce qu’il a exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Cela montre une fois de plus que le gouvernement bahreïnite tente d’écraser le plus petit signe de dissidence politique. Toutes les charges retenues contre lui doivent être abandonnées. »
Dans son discours du 10 juillet, Ebrahim Sharif a parlé de la nécessité d’un changement à Bahreïn, souligné l’attachement de l’opposition politique à la non-violence et exhorté le gouvernement à adopter des réformes économiques essentielles. Il a été inculpé d’« incitation à la haine et au mépris à l’égard du régime » et d’« incitation à renverser le régime par la force et par des moyens illégaux ».
« Les allégations selon lesquelles les appels lancés par Ebrahim Sharif en faveur d’une réforme politique et économique pacifique constituent un appel à la haine ou une incitation à renverser le régime sont absurdes. Tout procès fondé sur de telles accusations forgées de toutes pièces ne devrait pas pouvoir avoir lieu », a déclaré Said Boumedouha.
L’arrestation et le placement en détention d’Ebrahim Sharif sont intervenus moins d’un mois après sa libération le 19 juin à la faveur d’une grâce royale. Il purgeait une peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée à l’issue d’un procès inique. Lui-même et 12 autres militants de premier plan de l’opposition politique avaient été condamnés pour avoir mené des mouvements de protestation de grande ampleur contre le gouvernement en février et mars 2011.
Ebrahim Sharif n’est pas le premier militant politique à Bahreïn à être déféré à la justice sur la base d’accusations fallacieuses. En juin 2015, Sheikh Ali Salman, le secrétaire général de la principale formation d’opposition à Bahreïn, l’Association islamique nationale Al Wefaq (Al Wefaq), a été condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour des charges similaires : il était accusé d’incitation à la haine, d’avoir incité d’autres personnes à désobéir à la loi et d’avoir insulté publiquement le ministère de l’Intérieur. Son procès en appel débutera le 15 septembre.
Le 18 août, les autorités ont arrêté un autre dirigeant d’Al Wefaq ancien membre du Parlement, Sheikh Hasan Isa, à l’aéroport international de Bahreïn alors qu’il rentrait de voyage. Al Wefaq a déclaré dans un communiqué ne pas disposer d’informations sur les charges retenues contre lui et elle a ajouté que son avocat n’avait pas été autorisé à l’assister lors de son interrogatoire à la Direction des enquêtes criminelles au ministère de l’Intérieur.
Amnesty International et d’autres ONG ont appelé le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à adopter une résolution sur la situation en matière de droits humains à Bahreïn. Il devrait demander la libération de tous les prisonniers d’opinion, y compris les défenseurs et militants des droits humains condamnés alors qu’ils n’ont fait qu’exercer leurs droits à la liberté de réunion pacifique, d’association ou d’expression. 21 août 2015, 13:02