Ou la volonté de sauver et consolider le régime Assad
A la fin de l’été 2015, la Russie a considérablement élargi son implication militaire au côté du régime Assad, notamment en fournissant des formations et du soutien logistique à l’armée du régime syrien [1]. Le 17 Septembre, 2015, l’armée du régime a commencé à utiliser de nouvelles types d’armes aériennes et terrestres fournis par la Russie, tandis que des photos satellites prises à la mi-Septembre montraient le développement de deux installations militaires supplémentaires de forces russes à proximité de Lattakiyya [2].
L’engagement militaire de la Russie a dépassé un nouveau niveau le 30 septembre, 2015, lorsque l’aviation militaire russe a mené ses premiers raids en Syrie. En plus de cela, des centaines de soldats iraniens sont arrivés en Syrie le 21 septembre et ils vont rejoindre les forces du régime Assad et leurs alliés du Hezbollah libanais dans une offensive terrestre majeure à venir et soutenue par les frappes aériennes russes. L’opération militaire serait destinée à récupérer les territoires perdus par le régime Assad à diverses forces de l’opposition. Très probablement, les opérations terrestres à venir se concentreront sur la ville d’Idlib et la campagne de Hama [3].
Pour rappel, tous ces acteurs ont été des acteurs clés dans la survie du régime Assad. La Russie est depuis longtemps le fournisseur de la grande majorité de l’armement des forces armées du régime Assad. L’Etat russe a continué à expédier des volumes importants d’armes, munitions, des pièces détachées et du matériel remis à neuf à des forces pro-régime. En Janvier 2014, la Russie a intensifié des fournitures de matériels militaires pour le régime syrien, y compris des véhicules blindés, des drones et des bombes guidées. [4]
La campagne de la « guerre contre le terrorisme »
La propagande autour de la campagne de la « guerre contre le terrorisme » lancée par l’Etat russe est un moyen de soutenir le régime d’Assad politiquement et militairement et écraser toute forme d’opposition en Syrie. Poutine souhaite que les différents acteurs internationaux impérialistes occidentaux considèrent Assad comme le seul acteur qui peut les aider dans leur lutte contre le « terrorisme ».
On peut constater cela dans les cibles des raids de l’aviation russe. Le 30 Septembre, 2015, les raids des avions militaires russes ont mené leurs premiers raids en Syrie contre le village de Zafarana au nord de Homs, ainsi que près de la ville de Lataminah nord-ouest de Hama, qui ne sont pas en l’occurrence des bastions de l’État Islamique (EI). Dans la ville voisine de Hama, un groupe ciblé par les raids, Tajammu al-Izzah, est considéré comme un membre important de l’armée syrienne libre (ASL) dans la région. Il était l’un des rares groupes en Syrie à avoir reçu des roquettes anti-chars et les avait régulièrement utilisé contre les chars syriens et des véhicules blindés dans les régions centrales de la Syrie. Le même jour, la Russie a également bombardé Talbiseh, al-Mukarama, Reef Homs al-Shamali. Toutes ces régions sont principalement sous le contrôle de l’ASL et avec aussi une certaine présence de Jabhat Al Nusra (la branche d’Al-Qaida en Syrie) et Ahrar Sham. Selon les forces de défense civiles syriennes, une organisation de bénévoles d’interventions d’urgence, il y a eu plus de 35 victimes civiles en conséquence des frappes aériennes russe sur Homs et Hama.
Les jours suivants, les objectifs de l’aviation militaire russe comprenaient un poste de commandement et des bunkers souterrains d’armes près de Raqqa, ainsi qu’un dépôt d’armes dans la ville de Maarat al-Numan. Maarat al-Numan, dans la province d’Idlib du nord de la Syrie, n’est pas connu comme une base de l’Etat Islamique (EI). La plupart des combattants dans la région sont de coalition de Jaysh al-Fatah dirigé par Jabhat Al-Nusra et Ahrar Al-Sham.
L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme a d’ailleurs enregistré la mort de plus de 40 civils, et de 14 combattants, la plupart étant des djihadistes de l’Etat Islamique, mais aussi des membres de Jabhat Al-Nusra, Ahrar Sham et des bataillons de l’ASL, depuis le début des raids de l’aviation russe le 30 septembre, 2015. Le ministre de la défense britannique a indiqué que seulement une frappe sur 20 de l’aviation militaire russe visait des forces de l’Etat Islamique. Les bombardements de l’aviation militaire russe ont visé au moins quatre factions opérant sous le label de l’ASL. [5]
Les officiels russes ont d’ailleurs déclaré que les bombardements russes dureront environ 3 à 4 mois.
Les objectifs des bombardements russes sont clairs : sauver et consolider la puissance militaire et politique du régime Assad. Le président russe Vladimir Putin a dit le 28 septembre, avant le début des opérations : « Il n’y a pas d’autres manières de mettre fin au conflit syrien autre qu’en renforçant les institutions de l’actuel gouvernement légitime dans leur combat contre le terrorisme ».
En d’autres termes écraser toutes les formes d’opposition, démocratiques ou réactionnaires, au régime d’Assad dans le cadre de cette soi-disant « guerre contre le terrorisme”. Tous les régimes autoritaires ont utilisé ce même genre de propagande pour réprimer les mouvements populaires et / ou des groupes d’opposition à leurs pouvoirs : Assad contre le mouvement populaire depuis le premier jour du soulèvement populaire, le dictateur Sissi en Egypte pour réprimer notamment les Frères musulmans, mais aussi la gauche progressiste et les mouvements démocratiques tels que les Socialistes révolutionnaires, le mouvement du 6 Avril, etc … Erdogan contre le PKK et divers mouvements de gauche, les monarchies du Bahreïn et de l’Arabie saoudite contre les manifestant-es et les mouvements populaires qui s’opposaient à leurs régimes, etc …
Les puissances impérialistes internationales ont agi de manière similaire, de l’état russe qui a réprimé toute forme de résistance en Tchétchénie à son occupation aux diverses interventions militaires des Etats Unis à travers le monde. Les deux prétendaient et prétendent lutter contre le terrorisme.
Cette expansion militaire des alliés du régime d’Assad, dirigée par la Russie, est menée pour deux raisons principales : 1) la faiblesse politique et militaire croissante du régime d’Assad et 2) l’absence ou le manque de politique claire des puissances occidentales pour aider les révolutionnaires en Syrie.
Faiblesse politique et militaire du régime Assad
Tout d’abord sur le plan militaire, l’armée syrienne a été considérablement affaiblie, diverses analyses estiment que le nombre de soldats a chuté de 300.000 à environ 80 000, et a subi diverses défaites importantes ces derniers mois, notamment après la chute des villes de Idlib et à proximité de Jisr al-Shughour en mai 2015, qui sont tombées dans les mains de la coalition de la Jaish al-Fatah, dirigée par Jabhat al Nusra et Ahrar Sham.
Les désertions et le manque de volonté de la jeunesse syrienne à mourir pour un régime corrompu et autoritaire expliquent principalement l’impossibilité de l’armée du régime de recruter de nouveaux soldats. Un grand nombre de jeunes hommes ont fui pour l’Europe souvent après avoir reçu leurs convocations militaires. La propagande pour l’armée du régime dans les médias étatiques, les posters et affiches de recrutements partout dans Damas et les récentes amnisties pour les déserteurs et les conscrits réfractaires n’y ont rien changé.
Le dictateur Assad a d’ailleurs reconnu en Juillet 2015 que l’armée du régime avait une pénurie d’effectifs et avait dû abandonner certaines régions afin de mieux défendre ce qu’on appelle la Syrie utile – Damas à Homs et la zone côtière autour de Lattakiyya.
La faiblesse de l’armée du régime a conduit à la création d’une force de 125.000 miliciens des Forces de la Défense Nationale, qui ont été formé et financé par la République Islamique d’Iran, qui favorisent également l’utilisation de miliciens shiites de l’Irak, du Pakistan et de l’Afghanistan ainsi que du Hezbollah. Pour les partisans du régime Assad, affirmant qu’ Assad défend l’état et ses institutions, ces informations sont plutôt embarrassantes … sans oublier que grande majorité des destructions des institutions de l’état, y compris des écoles, des hôpitaux, etc .. sont le résultat des bombardements des forces du régime.
Sur le plan politique, des frustrations croissantes et grandissantes ont été exprimées dans les régions dite “loyaliste” contre le régime Assad, en particulier dans les derniers mois.
Au début du mois de septembre, des manifestations ont eu lieu dans les deux villages chiites de Fuaa et Kafriyeh dans la province d’Idlib, pour crier leur colère face à l’inaction du régime syrien qui a échoué à les aider à repousser les attaques et les bombardements de Jabhat Al Nusra et Ahrar Sham. Selon plusieurs médias, les manifestants se seraient rendus à Homs et à Damas où ils ont bloqué la route de l’aéroport de Damas pendant plusieurs heures le lundi 31 août.
En août, plus d’un millier de personnes ont effectué un sit-in au rond-point d’al-Ziraa dans la ville de Lattakiyya pour protester contre le meurtre du colonel Hassan al-Cheikh qui a été tué par Sulaiman Al-Assad – le fils du cousin de Bachar Al-Assad, Hilal Al-Assad, qui était le chef des Forces de Défense Nationale et qui a été tué le 23 mars, 2014. Ces personnes ne soutiennent pas la révolution, pour l’instant, mais il faut pouvoir les gagner à notre cause parce qu’ils sont fatigués de la guerre, fatigués de la situation socio-économique difficile, et fatigués de la corruption de la famille Assad qui contrôle encore et agit comme si la Syrie était leur propriété et volant ses richesses. D’autres manifestations ont eu lieu dans la ville de Tartus par les membres des familles des soldats pour dénoncer la façon dont le régime traite leurs soldats et demande leur retour.
Dans la région de la ville de Sweida, en grande majorité habitée par des populations de confession druze, plusieurs manifestations ont eu lieu pour dénoncer les politiques du régime et le faible service des institutions. Cet été, des manifestations et résistances ont éclaté contre le régime après l’assassinat du Sheikh Wahid Bal’ous, qui est un sheikh druze et qui est connu pour son opposition contre le régime Assad et les forces islamiques fondamentalistes, dans une explosion dans la région Dahret al- Jabal tuant au moins personnes. Des manifestant-es ont manifesté devant plusieurs bâtiments officiels étatiques et ont démonté une statue de l’ancien dictateur Hafez Al-Assad à Sweida [6]. Sheikh Wahid Bal’ous était une figure populaire au sein des populations de confession druze et menait le mouvement des « Sheikhs de la dignité », un mouvement qui luttait pour la protection des druzes dans la province et qui combattait aussi l’Etat Islamique et Jabhat Al-Nusra. Sheikh Wahid Bal’ous était aussi opposé au recrutement de jeunes hommes originaire de la province de Sweida dans l’armée du régime pour être envoyé en dehors de la province, qui est sous le contrôle du régime, vers d’autres régions. Quelque jours avant la mort de Sheikh Wahid Bal’ous, les habitants de Sweida, avaient manifesté pour demander plus de services de bases du régime, y compris l’eau et l’électricité. Sheikh Wahid Bal’ous les avait soutenues.
L’absence ou le manque de toute politique claire des états occidentaux pour assister les révolutionnaires en Syrie
Cette deuxième raison n’est pas quelque chose de fondamentalement nouveau, les politiques des puissances occidentales ont été caractérisés par leurs inactions et l’absence de clarté depuis le début de la révolution pour aider les révolutionnaires syriens.
Les alliés du régime Assad ont bien compris cette situation et c’est la raison principale pourquoi leur soutien politique, militaire et économique à la dictature de Damas a été constant et a même augmenté dans les moments. Cette réalité se reflète dans les paroles de Alaeddin Boroujerdi, président de la commission pour la politique étrangère et la sécurité nationale au parlement iranien, qui a déclaré en Juin 2015 lors d’une visite à Damas que le soutien de l’Iran au régime syrien est “stable et constant » et a souligné qu’il n’y avait pas de restrictions ou de limites à la coopération avec la Syrie et dans son soutien à cette dernière.
Le président iranien Hassan Rouhani dans les couloirs des nations unies a d’ailleurs continuellement défendu que le régime Assad ne doit pas être affaibli si les états occidentaux étaient sérieux dans leur lutte contre le terrorisme. Rouhani a aussi déclaré dans un interview à la CNN que « tout le monde avait accepté que le président Assad soit maintenu pour pouvoir lutter contre le terrorisme ».
Cette situation est malheureusement la triste réalité.
Le président états-unien a publiquement déclaré dans son discours le 28 septembre à l’Assemblée Générale des Nations Unies sa volonté de travailler avec la Russie et l’Iran pour trouver une solution en Syrie tout en mettant en avant l’impossibilité en même temps de revenir à une statu quo similaire à celui avant le début de la guerre [7]. Sur les premiers raids de l’aviation russe, le porte parole du département d’état des Etats Unis, John Kirby a déclaré que les officiels russes avaient informé l’ambassade états-unienne à Baghdad sur les bombardements et avaient demandé à l’aviation militaire états-unienne d’éviter l’espace aérien syrien durant les opérations russes. Des officiels israéliens ont aussi annoncé publiquement avoir été informé par la Russie une heure avant le début des frappes. Les officiels du gouvernement russe ont contacté avec le conseiller de la sécurité nationale israélienne, Yossi Cohen, ainsi qu’avec d’autres officiels importants dans l’establishment de la défense israélienne. Cette information avait pour but d’éviter toute confrontation entre l’aviation israélienne et russe [8].
Le premier ministre britannique David Cameron a déclaré qu’il ne fallait pas exclure un rôle pour Assad dans une période de transition en Syrie, tout en assurant qu’Assad ne pouvait pas faire partie de l’avenir de la Syrie sur le long terme”. La Chancelière allemande Angela Merkel a été dans le même sens en disant qu’il était nécessaire de discuter avec “de nombreux acteurs, et parmi eux Assad”. Les responsables turcs ont également déclaré qu’Assad pourrait jouer un rôle dans une période de transition.
Des sources militaires israéliennes ont de leur côté confirmé l’existence d’un consensus au sein des cercles des prises de décision de Tel-Aviv sur l’importance du maintien du régime d’Assad. Un analyste sur les affaires militaires Alon Ben-David, a cité une source au sein du état major israélien qui disait : “Bien que personne en Israël ne puisse le dire publiquement et explicitement, la meilleure option pour Israël serait le maintien du régime d’Assad et la continuation de la guerre civile aussi longtemps que possible “.
Ces positions ont été renforcées avec la crise des réfugiés de ces dernières semaines. La grande majorité des programmes de télévision, des articles et des soi-disant experts qui parlent des millions de réfugiés en provenance de Syrie avaient le même discours : le problème est l’EI. Divers officiels de nombreux pays n’ont pas hésité à déclarer que les Etats européens devraient coordonner avec le régime d’Assad et ses alliés de la Russie et de la République islamique d’Iran pour résoudre et mettre fin au problème de l’EI et donc dans leur esprit des réfugiés. C’est bien sûr oublier que la racine des problèmes en Syrie est le régime d’Assad et que ce dernier est responsable de plus de 90% des réfugiés qui ont quitté le pays. [9]
Le 2 Octobre, 2015, 70 factions rebelles et la Coalition nationale Syrienne, à une réunion d’urgence après le début des frappes aériennes russes, ont décidé de mettre fin à la coopération avec l’initiative de l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura des “groupes de travail” pour étudier une résolution du conflit. Ces groupes ont complètement refusé une place pour Assad dans une période de transition et ils ont également rejeté les derniers appels effectués par les officiels du régime pour des pourparlers de négociation sous l’égide de l’organisation des Nations Unies. Ils ont également condamné les frappes aériennes russes et ont accusé la Russie de participer à la guerre contre le peuple syrien.
Les objectifs des Etats-Unis et des puissances occidentales depuis le début du soulèvement en Syrie n’ont jamais été d’assister et d’aider les révolutionnaires syriens ou de renverser le régime d’Assad. Les Etats Unis ont essayé à l’opposé de parvenir à un accord entre le régime Assad (ou une section de celui-ci) et l’opposition liée à des régimes occidentaux et des monarchies du Golfe, qui ne sont pas représentatif du mouvement populaire et sont complètement corrompu.
Pour rappel, selon les lignes directrices de Genève du 30 Juin 2012, adoptée à l’unanimité par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, il serait admissible pour Assad d’être à la tête d’un gouvernement d’administration de transition. Tout ce qui était nécessaire était le consentement de la délégation de l’opposition. De même, les délégués représentant le régime Assad pourraient refuser de consentir à des personnes désignées par l’opposition.
De plus, l’absence ou le manque de toute organisation et d’assistance militaire décisive des Etats-Unis et / ou des pays occidentaux aux révolutionnaires syriens est une autre preuve de ce manque de volonté pour tout changement radical en Syrie. Le Wall Street Journal a publié un article en Janvier 2015 sur cette soi disant aide de la CIA qui disait notamment :
“Certaines cargaisons d’armes étaient si petites que les commandants ont dû rationner les munitions. Un des commandants de confiance des Etats Unis a obtenu l’équivalent de 16 balles par mois par combattant. Les chefs rebelles devaient remettre les vieux lanceurs de missiles antichars pour en obtenir des nouveaux-et n’ont pas pu obtenir des obus pour les tanks capturés. Quand ils ont fait appel l’été dernier pour des munitions pour combattre des soldats liés à Al-Qaïda, les Etats-Unis ont dit non “.
Le plan de Barack Obama, qui a été approuvé par le Congrès américain de 500 millions $ pour armer et équiper 5.000-10.000 rebelles syriens, mais qui n’a jamais été mis en œuvre, ne visait pas à renverser le régime Assad, comme nous pouvons le lire dans le texte de la résolution :
“Le secrétaire à la Défense est autorisé, en coordination avec le Secrétaire d’Etat, à fournir une assistance, y compris la formation, des équipements, et des approvisionnements, à des éléments de l’opposition syrienne et d’autres groupes syriens sélectionnés de manière appropriée pour les objectifs suivants :
1 Défendre le peuple syrien contre les attaques de l’État Islamique et sécuriser les territoires contrôlés par l’opposition syrienne.
2 Protéger les Etats-Unis, ses amis et alliés, et le peuple syrien contre les menaces posées par des terroristes en Syrie.
3 Promouvoir les conditions d’un règlement négocié pour mettre fin au conflit en Syrie ”
Jusqu’à aujourd’hui, ce programme est un échec. « Le programme est beaucoup plus petit que ce que nous espérions », a reconnu le chef de la politique du Pentagone, Christine Wormuth, disant qu’il y avait entre 100 et 120 combattants en cours de formation, tout en ajoutant qu’ils recevaient une formation catastrophique. [10] Un général états unien a déclaré au Congrès que les Etats-Unis avait formé avec succès seulement “quatre ou cinq” soldats de l’opposition.
Le chef d’état-major du groupe rebelle syrien, la Division 30, entrainé par les Etats Unis a d’ailleurs démissionné de son poste et s’est retiré du programme le 19 Septembre, 2015. Il a notamment parlé des problèmes comme « l’absence d’un nombre suffisant de recrues” et “le manque de sérieux dans la mise en œuvre du projet pour établir la division 30”. [11] L’autre problème rencontré par les États-Unis en Syrie a été et est de constituer des groupes armés fidèles à leurs intérêts à cause de la réalité sur le terrain. Ceci est dû à la décision d’une grande majorité des groupes de l’opposition à coopérer avec Washington que si ils sont en mesure de maintenir leur indépendance et leur autonomie, et si la collaboration comprend un plan clair pour le renversement du régime Assad. [12]
Les Etats de la région comme la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont de leur côté financé divers groupes, dans leurs grandes majorité des mouvements islamiques fondamentalistes qui s’opposent aux objectifs de la révolution, pour leurs propres intérêts politiques. Le Qatar a par exemple un soutien clé de Jabhat Al Nusra, tandis que la Turquie a soutenu directement ou de manière passive divers mouvements islamiques fondamentalistes, comme la coalition Jaysh al-Fatah, mené par Jabhat al Nusra et Ahrar Sham, et de l’EI en leur permettant une totale liberté d’action des deux côtés de la frontière pour une longue période, au nord de la Syrie contre les groupes démocratiques de l’ASL et particulièrement pour s’opposer contre toute forme d’autonomie des régions kurdes sous la direction du PKK. Les réseaux privés des monarchies du Golf ont de leurs côtés agi et financés avec l’assentiment de leurs classes régnantes de divers mouvements islamiques fondamentalistes dans la perspective de transformer cette révolution populaire en guerre confessionnelle.
Conclusion
De nombreuses manifestations ont eu lieu dans le régions libérées de Syrie ces derniers jours pour condamner les bombardements russes en Syrie, ciblant dans leur grande majorité des civils et divers groupes d’oppositions armées, et non principalement l’EI. Plusieurs mouvements sur le terrain se sont également opposés aux bombardements russes [13]. Les comités de coordination locaux (CCL) en Syrie ont condamné les bombardements russes qui sont « de garantir la survie du régime Assad » et ils ont appelé « toutes les forces révolutionnaires à s’unir par tous les moyens et agir contre l’agression militaire russe » [14]. Le groupe du Front Sud de l’ASL a également condamné les bombardements russes et a caractérisé la présence russe et iranienne dans le pays comme une occupation. Ces deux derniers groupes ont appelé à une Syrie démocratique.
Des forces de l’ASL ont également affirmé avoir abattu un avion militaire russe dans la province Lattakiyya le 3 octobre, 2015, et d’avoir arrêté le pilote après que ce dernier se soit éjecté de l’appareil. À confirmer.
L’expansion militaire russe, en plus de l’expansion iranienne, est une offensive claire pour mettre fin complètement au soulèvement populaire syrien en voulant sauver et consolider politiquement et militairement le régime Assad et écraser toutes les formes d’opposition à ce dernier. Cette évolution se déroule avec la passivité et une certain assentiment des puissances occidentales, qui veulent à tout prix stabiliser la région et dès lors le départ d’Assad n’est plus une pré-condition à une période de transition.
Les différentes puissances impérialistes mondiales et les régimes bourgeois régionaux, en dépit de leur rivalité, ont un intérêt commun dans la défaite des révolutions populaires de la région, et l’exemple le plus évident est celui de la Syrie. Les multiples initiatives de paix pour la Syrie, soutenues par toutes les puissances mondiales et régionales sans exception, avaient les mêmes objectifs depuis le début du processus révolutionnaire en 2011 : parvenir à un accord entre le régime Assad et une faction opportuniste – liée aux états occidentaux, la Turquie et les monarchies du Golfe – de l’opposition réunis au sein de la Coalition Syrienne.
Il ne s’agit pas de refuser toutes les solutions à la fin de la guerre, oui le peuple syrien a trop souffert et la plupart d’entre eux veulent une forme de période de transition vers une Syrie démocratique, mais tout type de « solution réaliste », tel que les officiels et les analystes aiment présenter les choses, sur un moyen et long terme ne peut pas inclure Assad et d’autres criminels du régime qui ont du sang sur les mains, sinon il y aura une poursuite du conflit militaire en Syrie. Assad et ses différents partenaires dans le régime doivent être condamnés pour leurs crimes, et un processus similaire pourrait être mis en place pour les crimes des forces islamiques fondamentalistes et d’autres groupes. De plus, un quelconque changement minimum ne doit pas se limiter à la chute d’Assad mais à toute l’équipe des responsables de contrôlant les services de sécurité, l’armée et les différents appareils de l’Etat. Le caractère patrimonial du régime syrien doit être inclus dans toute compréhension pour un vrai changement.
Tous les révolutionnaires doivent s’opposer à cette nouvelle intervention militaire impérialiste en Syrie pour sauver une dictature et qui se traduit par de nouvelles victimes civiles et souffrances. Les interventions de la Russie, l’Iran, le Hezbollah et divers groupes fondamentalistes irakiens shiites ont causé encore plus de morts en Syrie, en plus d’écraser un soulèvement populaire. En même temps, même si de manière relativement moins importante, nous nous opposons également aux interventions des monarchies du Golfe et de la Turquie dans le passé, qui étaient pour leurs propres intérêts et pour changer la nature de la révolution dans une guerre confessionnelle et pour leurs soutiens à des mouvements fondamentalistes islamiques qui ont attaqué, et continue de le faire dans de nombreuses régions, les révolutionnaires, des civils et des soldats de l’ASL.
Nous devons également soutenir la livraison d’armes sans pré-condition politique de l’Occident vers les sections démocratiques de l’ASL et des forces kurdes pour se battre et lutter contre le régime d’Assad et les forces fondamentalistes islamiques.
Enfin et surtout, les internationalistes du monde entier devraient continuer à soutenir les poches d’espoirs qui existent encore et résistent en Syrie composée de divers groupes et mouvements démocratiques et progressistes opposés à tous les acteurs de la contre-révolution : le régime d’Assad et les groupes fondamentalistes islamiques. Ce sont eux qui maintiennent encore les rêves du début de la révolution et de ses objectifs : la démocratie, la justice sociale, l’égalité et contre le confessionalisme.
Comme écrit sur une pancarte par un révolutionnaire dans la ville de Zabadani : “” Les révolutions ne meurent pas, même si réprimé férocement. Elles sont l’engrais de la terre et donnent vie même après un certain temps ”
Joseph Daher 4 octobre 2015