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Conflit israélo-palestinien : les médias restent silencieux. Et la violence s’accélère (Ujfp)

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L’escalade de la violence se poursuit entre Israëliens et Palestiniens. Comment les médias traitent-ils ces heurts ? Michèle Sibony, membre de l’Agence Média Palestine et de l’Union Juive Française pour la Paix, regrette que les radios et les chaînes de télévision énoncent les faits de façon brute, sans les analyser. Explications.

Depuis le début octobre auditeurs et téléspectateurs des principaux médias audiovisuels, comme France Inter ou les grandes chaînes de télévision, n’auront pu qu’enregistrer des événements bruts : un Palestinien tué par balles réelles sur un check point, deux colons tués dans leur voiture, puis une accélération des violences...

Ce qu’ils appellent "un nouveau cycle" ou mieux, "une nouvelle spirale" de violence. Cycle ou spirale ayant l’avantage de supprimer toute temporalité inscrivant dans une circularité éternelle le retour inéluctable d’une violence immanente débarrassée de toute causalité.

Jouer la carte du dominant

Ce qui est remarquable, c’est l’absence quasi totale de commentaires de ces événements. Pas d’interviews d’experts, pas de débats contradictoires ou non, pas d’analyses sur les causes ou les conséquences, les solutions éventuelles, en d’autres termes, pas de discours sur le réel. Cela finit par interpeller.

Que signifie l’énoncé brut des faits ? On peut penser qu’il ne signifie rien justement. Pourtant, cette absence est signifiante en elle-même.

Ce qu’elle dit d’abord et avant tout : "il n’y a rien à comprendre, nous sommes devant des violences gratuites". Le citoyen en déduit qu’ils s’entre tuent, point. Il n’y a donc rien à penser pour l’auditeur ou le téléspectateur, renvoyé à sa seule opinion, comme les Palestiniens et les Israéliens semblent l’être eux aussi dos à dos.

Mais – et c’est là le plus vicieux de la méthode car il s’agit bien d’une méthode, déjà éprouvée avec la crise syrienne à ses débuts –, ne pas donner à penser, c’est jouer la carte du dominant.

Ne pas expliciter la situation syrienne correspondait à une volonté politique française de ne pas s’interposer entre Bashar Al Assad et son peuple en révolte. Même chose avec la répression de la Tchétchénie : circulez y’a rien à comprendre, parce qu’il n’y avait pas d’intervention politique décidée.

L’Ukraine, par contre, c’est autre chose, attention, là on a vu, écouté, et appliqué des sanctions, blocus sur les échanges avec la Russie. Impressionnant, cette vigueur soudaine.


Les Palestiniens n’en peuvent plus

Sur la question d’aujourd’hui, les explosions multiples de révoltes en Cisjordanie échappant à tout contrôle palestinien et non commandées par des groupes politiques, il faut le souligner, traduisent que les limites du supportable sont atteintes pour de nombreux Palestiniens, dans la jeunesse en particulier.

Ils n’en peuvent tout simplement plus de l’oppression quotidienne de l’occupation, de la violence quotidienne exercée par l’armée et les colons contre eux, sans limites ni sanctions du gouvernement israélien lui même, ou de l’étranger.

Ils n’en peuvent plus des fausses négociations qui ont duré plus de 20 ans, et n’étaient qu’un leurre destiné à poursuivre en toute tranquillité la colonisation.

Ils n’en peuvent plus de l’Autorité palestinienne qui n’a aucune autorité sur personne sauf éventuellement sur eux-même pour les contraindre, et qui ne justifie son existence que pour son existence.

Ils n’en peuvent plus de l’inertie criminelle des puissances qui auraient du intervenir pour les protéger depuis des dizaines d’années et qui laissent faire, en Ponce Pilate ravi de l’aubaine.


Le "cycle de la violence" est israélien

À la violence de la conquête, de l’occupation, de la colonisation, Israël ajoute toujours plus de violence, outil colonial majeur (et classique) de la pacification des territoires conquis.

Le "cycle de la violence" est israélien du début jusqu’à la fin. C’est la violence initiale qui engendre la résistance, armée ou non, du peuple palestinien depuis les pierres de la première Intifada, aux brigades armées des différents groupes politiques palestiniens de la seconde.

Arrêter le cycle de la violence, c’est arrêter Israël. Qu’on ne demande pas comment, tous les outils sont là, seule manque la volonté politique, ce qui explique le silence de nos médias.

Alors no comment dans nos médias, pourquoi ? Pour que la violence israélienne puisse continuer de s’exercer, et que les "terroristes" de 13 et 15 ans soient punis et tués aux checks points de Qalandia ou de Shouafat. Pour que les frappes continuent sur Gaza et que l’auditeur se taise parce qu’il n’y comprend rien.


Une spirale sans issue

Le seul hic, c’est que la violence débridée finit toujours par se retourner contre soi, et l’on a depuis des années à présent des exemples multiples de la violence grandissante de la société israélienne.

Cette violence s’exerce à l’égard des femmes, des juifs orientaux, des juifs éthiopiens, des gays, des travailleurs étrangers, et bien évidemment des Palestiniens citoyens d’Israël, qui sont les premiers visés, des milliers de Bédouins expulsés du Néguev. Ces derniers jours ont également vu l’emprisonnement d’une cinquantaine de jeunes manifestants en Israël.

La fameuse idée de la démocratie israélienne est entrain de s’évaporer, et le roi est nu pour l’enfant qui sait regarder. Et le fameux cycle de la violence enferme de fait Israël dans une spirale sans issue.


Cette violence détruit nos droits

À la violence de la loi du plus fort, seul peut s’opposer le droit régulateur. Laisser exercer cette violence, c’est détruire le droit, nos droits à tous.

Nous y sommes, et nous bénéficions des médias de ce système. Ceux-là même qui, pour nous informer sur la destruction du droit du travail, nous montrent l’épaisseur du code du travail et limitent leur analyse lapidaire à : "illisible, doit être simplifié".

Comme ils montrent et remontrent les images d’Air France afin de nous convaincre que la violence est le fait des syndicalistes et des employés révoltés.

Sur la Palestine, ils se contentent d’énumérer morts et blessés, car au fond, comme sur le reste, nous n’avons rien à en savoir de plus.

 
mercredi 14 octobre 2015 par Michèle Sibony

http://www.ujfp.org/spip.php?article4444

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