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Palestine. Aux côtés des Palestiniens, contre l’occupation (A l'Encontre.ch)

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Par Julien Salingue

 Les grands médias et les analystes autoproclamés s’interrogent: comment comprendre la multiplication, ces derniers jours, des attaques menées par des Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël?

Pourquoi le «calme précaire» a-t-il cédé le pas à un «regain de violences»? Le gouvernement israélien va-t-il pouvoir «reprendre le contrôle» de la situation?

Ils «vivent» sous occupation

Une fois de plus, l’intérêt est porté sur le conflit opposant Israël aux Palestiniens lorsque des Israéliens sont blessés ou tués. Comme si, entre deux attaques au couteau ou entre deux tirs de roquettes, les «violences» s’interrompaient. Comme si la mainmise israélienne sur les territoires palestiniens, l’occupation militaire et la colonisation n’étaient pas des violences. Comme si le blocus de Gaza était une mesure pacifique…

Combien de fois faudra-t-il le rappeler, les Palestiniens vivent sous occupation depuis des décennies. Ils sont confrontés chaque jour à la politique discriminatoire, expansionniste et répressive de l’Etat d’Israël. Il n’y a pas de «processus de paix», mais un processus de colonisation maintenue, avec son cortège d’expulsions, de saisies de terres, de démolitions de maisons, d’arrestations des récalcitrants.

En temps «normal», il ne s’écoule pas une semaine sans que des manifestations palestiniennes soient prises pour cibles par l’armée israélienne, sans que des habitants de Cisjordanie soient victimes d’exactions commises par les colons [1], sans que des dizaines de Palestiniens soient enlevés en pleine nuit ou au petit matin pour être incarcérés sans jugement dans des prisons militaires.

Alors, à la question «Pourquoi ces violences de la part des Palestiniens», on a envie de répondre par une autre question: «Pourquoi pas?»

Sois colonisé et tais-toi?!

Comme le faisait en effet remarquer la journaliste israélienne Amira Hass dans une tribune parue le 6 octobre dernier dans Haaretz: «Les Palestiniens se battent pour leurs vies, [alors qu’]Israël se bat pour l’occupation.» Et de poursuivre: «Les jeunes Palestiniens ne se mettent pas à assassiner des juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui bloquent leur horizon. Les jeunes Palestiniens, vengeurs et désespérés, sont prêts à donner leur vie et à causer à leur famille une énorme douleur, parce que l’ennemi auquel ils font face leur prouve chaque jour que sa cruauté n’a pas de limites.» [L’article traduit a été publié sur le site A l’Encontre en date du 10 octobre 2015.]

Quelles sont les perspectives offertes aux Palestiniens par ceux qui aujourd’hui critiquent leurs actions et exigent un «retour au calme»? Aucune, sinon la perpétuation d’un système de domination et d’oppression contre lequel ils n’auraient pas le droit de s’insurger, et face auquel ils n’auraient qu’une seule attitude à adopter: la soumission et le silence, en attendant que les choses s’améliorent dans un avenir plus ou moins lointain. En d’autres termes: sois colonisé et tais-toi!

La révolte des Palestiniens est légitime

Entre le 1er et le 11 octobre, 4 Israéliens sont morts suite à des attaques au couteau et une dizaine d’entre eux ont été blessés. Dans le même temps, 24 Palestiniens ont été tués et plus de 1300 ont été blessés par balles réelles ou balles en caoutchouc, soit une moyenne de 130 par jour. Durant la seule journée du dimanche 11 octobre, 75 Palestiniens ont été atteints par des tirs à balles réelles lors de manifestations en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza. Des chiffres qui indiquent non seulement l’ampleur de la répression israélienne, qui se durcit chaque jour, mais aussi et surtout le déséquilibre des forces en présence. [Depuis le mercredi 14 octobre, l’armée est déployée, suite à une décision du gouvernement, dans la ville de Jérusalem aux côtés des forces de police; de nouveaux checkpoints ont été mis en place dans Jérusalem-Est, etc.]

Difficile de mesurer aujourd’hui l’ampleur que peut prendre la révolte en cours, notamment parce qu’elle se caractérise par une accumulation d’actes individuels, sans coordination ni stratégie de la part des factions politiques palestiniennes. Mais une chose est certaine: le gouvernement israélien a une fois de plus choisi de nier ses responsabilités et de se faire passer pour la victime, quitte à multiplier les provocations, les amalgames et les incitations à la haine. Mais rien n’y fera: la colère, la révolte et la résistance des Palestiniens sont légitimes, et personne ne pourra leur interdire de lutter pour affirmer leurs droits. Nous avons été, nous sommes, et nous serons à leur côté dans ce combat. (Publié sur L’Anticapitaliste en date du 14 octobre 2015)

[1] Dans Le Monde daté du 14 octobre 2015, en page 3, Piotr Smolar rapporte: «L’heure est grave pour les colons; il faut se faire entendre. «Nous pensons qu’il existe une fenêtre historique pour changer la donne et étendre la souveraineté d’Israël à toute la Judée-Samarie [autrement dit la Cisjordanie occupée], explique Avi Roeh, président du conseil de Yesha (organisation regroupant les représentants des colons).»

Fin de l’article: «Les colons ne représentent pas qu’une minorité bruyante. Leur influence politique est devenue majeure, leur idéologie centrale, faute d’une gauche décomplexée, qui présenterait une alternative solide. Le président Reuven Rivlin, issu du Likoud, ne dit-il pas lui-même que les constructions représentent un «droit national et historique»? Il y avait 341’000 colons en Cisjordanie en 2012; ils étaient 370’000 en 2014 (auxquels s’ajoutent 200’000 à Jérusalem-Est). Quant aux constructions, 2874 chantiers ont été lancés en 2013, 1503 en 2014 et 983 au cours des six premiers mois de 2015, précise l’ONG israélienne La Paix maintenant. «Il est totalement faux de dire que tout est à l’arrêt, explique Anat Ben Nun, responsable des relations extérieures de l’ONG. On construit aussi bien dans les avant-postes illégaux que dans les grands blocs de colonies.» (Réd. A l’Encontre)

Publié par Alencontre le 14 - octobre - 2015

Julien Salingue, chercheur, est l’auteur ou co-auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels: Israël: un Etat d’apartheid? Enjeux juridiques et politiques (avec Céline Lebrun), Paris, L’Harmattan, 2013; A la recherche de la Palestine, préface d’Alain Gresh, Le Cygne, Paris, 2011.

http://alencontre.org/video/palestine-au-cote-des-palestiniens-contre-loccupation.html

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