Que la prostitution soit pratique courante dans un pays où la sexualité est fortement encadrée par une morale religieuse et sociale des plus obtuses et hypocrites, pour toute personne ayant vécu au Maroc est une évidence.
Dès leur plus jeune âge, les filles mais aussi les garçons issuEs des classes les plus pauvres n’ont que ce seul recours pour subsister… pour le plus grand plaisir d’une masse d’hommes qui en profitent plus que couramment !!!
Mais qu’un film ose mettre sur la place publique – et internationale, qui plus est ! – la réalité marocaine dans ce domaine et tous les démons machistes se déchaînent. Loubda Abidar, l’actrice qui joue le rôle de l’une des prostituées du film Much loved , de Nabil Ayouch, l’a appris à ses dépens.
Dans une lettre ouverte, publiée par Le Monde , en date du 12/11/2015, elle dénonce la censure conservatrice de l’État : le film a été interdit “avant même que la production demande l’autorisation, de le diffuser”[par]“un ministre qui ne [l’] avait même pas vu”, dit-elle.
Alors, prolifèrent sur les réseaux sociaux insultes et menaces – orchestrées par les forces réactionnaires du pays – qui l’amènent à se cloîtrer chez elle puis à sortir en burka et qui se terminent par une folie barbare de jeunes en goguette qui la forcent à monter dans leur voiture. Quoi de plus héroïque que d’enlever, rouer de coups de pieds au visage et sur tout le corps une “sale pute” de ciné ? Quoi de plus glorieux que des policiers qui se moquent de la victime lorsqu’elle veut porter plainte et qui – après publication de sa lettre ouverte – portent plainte pour diffamation ?
Loubda Abidar n’est pas seulement une “sale pute”, c’est aussi une mauvaise Marocaine : elle a quitté son pays pour s’installer en France. À croire que ce pays dont le roi a voulu, dès 2003, donner aux femmes un statut personnel plus progressiste que celui de la plupart des pays musulmans est rattrapé par les forces conservatrices les plus arriérées, à l’instar de certains autres royaumes proches-orientaux !
Eliane Paul-Di Vincenzo mardi 22 décembre 2015