Le 26 juillet 1956, le président égyptien Gamal Abdel-Nasser annonce la décision de nationaliser le canal de Suez, en l'accompagnant d'un mémorable éclat de rire. Il déclare à Alexandrie, devant une foule en liesse: "Le canal est désormais à nous, bien à nous".
Gamal Abd el-Nasser était alors âgé de 38 ans. Quatre ans après la Révolution menée par les Officiers libres, il rêve de moderniser son pays. Il veut commencer par construire un barrage à Assouan, en amont du Nil, pour régulariser le débit du fleuve, doubler ou tripler les surfaces irriguées du pays et fournir de l'énergie hydroélectrique.
Le devis de cet immense projet dont on parle depuis déjà deux siècles : 1,2 milliard de dollars. Nasser demande aux Américains de l'aider à le financer. Washington, qui tient à conserver de bonnes relations avec l'Égypte, signe un accord de principe en février 1956. Mais le raïs, qui affiche pourtant un anticommunisme farouche, désavoue le pacte de Bagdad - l'équivalent de l'Otan au moyen-Orient- créé sous la houlette américaine. Nasser affirme donc sa neutralité dans la "guerre froide" qui oppose l'URSS et les États-Unis.
Le 19 juillet 1956, les USA font volte-face, retirent l'offre de prêt américain à l'Égypte et poussent la Banque mondiale à en faire autant ! C'est une humiliation amère pour les Égyptiens et leur jeune président de la République, qui décide de se procurer l'argent en nationalisant le canal de Suez, par lequel transitent notamment 70 % des importations britanniques et 50 % des importations françaises.
Les Britanniques et les Français refusent cette décision souveraine, assortie de l'engagement d'indemniser les actionnaires de la Compagnie. Les deux pays refusent de discuter et décident d'occuper Suez militairement. Ils combinent avec Israël une opération rassemblant plus de 60.000 hommes, 300 avions de combats et 6 porte-avions. Le gouvernement français, alors présidé par le socialiste Guy Mollet, voulait aussi stopper le soutien égyptien à la lutte de libération nationale des Algériens.
Après de premières opérations, le maréchal Boulganine, président de l'Union soviétique lance son ultimatum historique: si l'attaque n'est pas stoppée l'URSS menace d'intervenir avec des fusées intercontinentales. Les trois pays sont contraints de se replier, les USA étant plutôt réservés sur leur intervention. Les parachutistes français et britanniques doivent cesser le feu, quelques heures à peine après avoir sauté sur le canal. Le 6 novembre 1956, à minuit, prend fin l'expédition de Suez.